AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS c
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Daniel X..., demeurant à Seyssins (Isère), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 15 janvier 1991 par la cour d'appel derenoble (1re chambre), au profit du Crédit commercial de France (CCF), société anonyme dont le siège social est à Paris (8e), ..., défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 25 mai 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de Me Vincent, avocat de M. X..., de Me Boullez, avocat du Crédit commercial de France, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 15 janvier 1991), que M. X..., après avoir subi d'importantes pertes à la suite de ses opérations de bourse sur le marché à terme des valeurs mobilières, a poursuivi en responsabilité le CCF, par l'intermédiaire duquel il avait agi, pour omission de l'appel de la couverture réglementaire et pour inexécution de son obligation de conseil ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de son action, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'appel de la couverture dans les opérations à terme est également destiné à protéger le donneur d'ordres pour qui il est une mise en garde, un signal d'alarme rappelant les risques encourus et, si ce client n'a pas les moyens financiers de constituer la couverture, le mettant dans la nécessité de renoncer à ces opérations ; qu'en l'espèce, il est constant que la banque n'a pas appelé la couverture, sachant sans doute qu'il n'avait pas les moyens financiers de la lui remettre, ce qui est également constant ; qu'en retenant, cependant, que la banque n'avait pas engagé sa responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 61 du décret du 7 octobre 1890 et le règlement n° 87-09 du 22 juillet 1987 du comité de la réglementation bancaire, ensemble l'article 1135 du code civil ; alors, d'autre part, qu'il est constant et non dénié par l'arrêt que, ne fût-il pas "profane", il ne connaissait pas les règles de couverture dans les opérations à terme ; que fût-elle "des plus réduites", l'obligation d'information et de conseil du banquier -lequel n'a pas exigé la couverture requise et n'y a fait aucune allusion- n'a été aucunement satisfaite ; que la banque a donc engagé sa responsabilité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; et alors, enfin, que faudrait-il admettre -ajoutant aux énonciations de l'arrêt- que ses connaissances se seraient étendues à celle des règles de couverture dans les opérations à terme, la banque, en méconnaissant lesdites règles, d'ordre public, dans le dessein de s'enrichir sans risques aux frais et dépens de son
client, a concouru par sa faute aux pertes qui en sont résultées ; que, par suite, la responsabilité, au moins partielle, de la banque devait être retenue ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, derechef, les textes susvisés ;
Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 61 du décret du 7 octobre 1890, modifié par les décrets du 30 octobre 1961 et du 3 janvier 1968, et applicable en l'espèce, il est interdit au donneur d'ordre de se prévaloir, à quelque titre que ce soit, des infractions aux règles relatives à la remise d'une couverture ; que ce texte est général et ne fait aucune distinction entre les actions disciplinaires et les autres actions ; qu'en décidant que M. X... ne pouvait se prévaloir du défaut d'exigence, par la banque, d'une couverture pour l'exécution de ses ordres à terme, la cour d'appel n'a donc pas méconnu le sens et la portée du texte susvisé ; Attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que M. X... était, par ses compétences et responsabilités professionnelles, un "homme d'affaires rompu aux diverses techniques boursières" et en déduit que l'obligation d'information du CCF était "des plus réduites" ; que la cour d'appel a pu retenir qu'aucune négligence fautive ayant une relation de causalité avec les pertes subies par M. X... n'avait été commise par la banque ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;