LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Georges X..., demeurant Bourg, Le Vauclin (Martinique),
en cassation d'un arrêt rendu le 19 avril 1991 par la cour d'appel de Fort-de-France (1re chambre civile), au profit de la société anonyme La Républic National Bank of New-York (France), dont le siège social est à Paris (1er), 20, place Vendôme,
défenderesse à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 11 mai 1993, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. X..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société La Républic National Bank of New-York (France), les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt critiqué (Fort-de-France, 19 avril 1991), qu'après avoir souscrit deux billets à l'ordre du gérant de la société civile immobilière "Castel Laudon", en réglement de parts de cette société devant lui donner la jouissance d'appartements, M. X... a refusé de les payer à la Républic National Bank of New-York (la banque), au motif que celle-ci était un porteur de mauvaise foi ; Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer le montant des effets à la banque, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une décision de justice doit se suffire à elle-même ; qu'il ne peut être suppléé au défaut ou à l'insuffisance des motifs par le seul visa des éléments de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande en paiement de la société Républic National Bank of New-York formée à son encontre en vertu des deux effets de change dont elle était porteuse, la cour d'appel s'est bornée à dire que la mauvaise foi de cette banque ne ressortait pas des éléments de la cause ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à aucune analyse de ces éléments alors pourtant qu'il avait invoqué un ensemble d'éléments circonstanciés d'où il déduisait la preuve de la connaissance par cette banque de l'exception que constituait le défaut de livraison des appartements et l'octroi par la Trade Developpement Bank de sa
garantie d'achèvement à la SCI Castel Laudon, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en énonçant qu'il n'est pas établi que la Républic National Bank of New-York ait participé d'une manière quelconque à l'opération immobilière litigieuse montée par la SCI Castel Laudon et ait eu connaissance de l'exception que constituait le défaut de livraison des appartements, objets des cessions de parts, et qu'elle ait su que la Trade Developpement Bank avait accordé sa garantie d'achèvement à cette SCI, la cour d'appel a procédé par voie de simple affirmation et privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code du Commerce ; alors, enfin, que la preuve de la mauvaise foi du porteur d'une lettre de change qui en réclame paiement au tiré peut être faite par tous moyens et notamment par présomptions ; que, dans ses écritures d'appel, il faisait valoir que la Républic National Bank of New-York n'avait pu manquer de remarquer que les
traites dont le paiement était réclamé avaient été endossées à cinq reprises et que leur échéance initialement prévue le 31 octobre 1984 avait été volontairement reportée au 15 février 1985 ; qu'il invoquait de plus la proximité de la date à laquelle cette banque était devenue porteuse des traites de celle du réglement judiciaire du gérant de la SCI Castel Laudon étendu à cette société, nécessairement précédé de minutieuses investigations auprès de tous ses créanciers ; qu'il ajoutait qu'en sa qualité de créancière hypothécaire du gérant de cette SCI, cette banque était donc en relations d'affaires avec lui et de ce fait elle ne pouvait ignorer l'importance considérable des dettes de ce dernier ; que dès lors, en ne recherchant pas si, dans leur ensemble, ces faits ne constituaient pas un faisceau de présomptions démontrant que la Républic National Bank of New-York avait nécessairement connaissance de ce que, compte tenu de sa situation, le tireur des lettres de change ne pourrait jamais livrer les appartements dont ces traites représentaient le prix et qu'elle lui causait un préjudice en lui faisant perdre le bénéfice de l'exception d'absence de provision de ces traites, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121 du Code de commerce ; Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans être tenue de le suivre dans le détail de son argumentation, que, par les motifs visés au pourvoi, la cour d'appel a décidé que M. X... n'établissait pas la mauvaise foi de la banque ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X..., envers la société La Républic National Bank of New-York (France), aux dépens et aux frais d'exécution du présent
arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf juin mil neuf cent quatre vingt treize.