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15/06/1993 | FRANCE | N°91-17660

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 juin 1993, 91-17660


Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 février 1991), que les sociétés Stampa Tesuti Artistici, Del Vecchio Fossati et Manifattura Baggini (les sociétés) ont engagé une action en responsabilité contre deux établissements de crédit, la banque Debaecque Beau et la société Unicrédit, à qui elles reprochaient d'avoir permis, par leurs crédits inconsidérés, aux sociétés Amarande et MJMO (les débitrices), de se maintenir en survie artificielle et d'avoir une apparence de solvabilité, eu égard à laquelle elles-mê

mes leur ont assuré divers approvisionnements ;

Attendu que les sociétés font...

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 février 1991), que les sociétés Stampa Tesuti Artistici, Del Vecchio Fossati et Manifattura Baggini (les sociétés) ont engagé une action en responsabilité contre deux établissements de crédit, la banque Debaecque Beau et la société Unicrédit, à qui elles reprochaient d'avoir permis, par leurs crédits inconsidérés, aux sociétés Amarande et MJMO (les débitrices), de se maintenir en survie artificielle et d'avoir une apparence de solvabilité, eu égard à laquelle elles-mêmes leur ont assuré divers approvisionnements ;

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des constatations de l'expert judiciaire, non contredites par la cour d'appel qu'au 31 décembre 1978, la situation des débitrices était irrémédiablement compromise, présentant une perte de 4 600 000 francs, pour la société MJMO et 800 000 francs pour la société Amarande, des déficits de trésorerie de 5 300 000 francs pour la société MJMO et 1 200 000 francs pour la société Amarande et des disponibilités presque inexistantes (4 393 francs et 4 865 francs pour la société Amarande) et que les établissements de crédit, qui avaient eu communication des bilans et comptes des deux sociétés, ont, néanmoins, respectivement ouvert un escompte et un crédit de 900 000 francs et autorisé un découvert de 800 000 francs ; qu'en décidant, après avoir constaté que les établissements de crédit avaient eu accès aux bilans des débitrices, qu'ils ne pouvaient être certains du caractère désespéré de leurs situations, aux motifs inopérants qu'ils auraient été trompés sur leurs possibilités de redressement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que commet une faute la banque qui accorde un crédit sans vérifier si les charges financières qu'il entraîne pourront être supportées par le bénéficiaire ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, elles avaient démontré qu'en raison de l'arriéré de dettes considérables des deux débitrices, connu par les établissements de crédit, elles n'étaient pas en mesure de supporter le coût des crédits et que ceux-ci avaient donc commis une faute en les accordant ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, en outre, que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés avaient démontré que les établissements de crédit avaient commis une faute en accordant leurs concours sans exiger des bénéficiaires le satisfecit du commissaire aux comptes dont le contrôle était obligatoire, se privant ainsi d'un élément d'information essentiel qui les aurait certainement dissuadés d'accorder leurs concours ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point qui caractérisait la faute de négligence des deux établissements de crédit, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, que le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières au procès et non par voie de simple référence à des causes déjà jugées ; qu'en se référant à un arrêt du 25 novembre 1983 dépourvu de l'autorité de la chose jugée en l'espèce, et qui aurait écarté la responsabilité de la banque Debaecque Beau, pour dire qu'il doit en être tenu le plus grand compte, la cour d'appel, qui n'a même pas constaté la teneur d'une telle décision, a privé son jugement de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que tout en retenant à l'encontre des établissements de crédit leur exacte information sur la situation très obérée de leurs clientes, ce qui rendait sans objet l'examen des conclusions relatives à l'opportunité qu'il y aurait eu pour eux à se renseigner auprès des commissaires aux comptes, ainsi que celles faisant valoir qu'ils connaissaient le caractère excessif du coût de leurs crédits pour les entreprises bénéficiaires, l'arrêt relève, par des motifs non critiqués, que des pourparlers très sérieux étaient, à l'époque litigieuse, engagés avec un candidat à la reprise des entreprises en difficultés et qu'un plan crédible de restructuration présentait des chances raisonnables de prochains redressements ; que la cour d'appel a pu en déduire, indépendamment du motif surabondant visé à la quatrième branche du moyen, que les financements critiqués n'étaient pas abusifs ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-17660
Date de la décision : 15/06/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Maintien du crédit - Entreprise en difficulté - Crédit consenti dans des conditions normales - Plan crédible de restructuration présentant des chances raisonnables d'un prochain redressement de l'entreprise - Constatations suffisantes .

BANQUE - Responsabilité - Entreprise en difficulté - Maintien artificiel de l'entreprise du débiteur

Ne sont pas abusifs les crédits accordés par une banque à une entreprise en difficulté, en ce qu'ils auraient permis à celle-ci de se maintenir en survie artificielle et d'avoir une apparence de solvabilité, dès lors qu'à l'époque où ils ont été accordés, des pourparlers très sérieux étaient engagés avec un candidat à la reprise de l'entreprise et qu'un plan crédible de restructuration présentait des chances raisonnables d'un prochain redressement.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 25 février 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 jui. 1993, pourvoi n°91-17660, Bull. civ. 1993 IV N° 240 p. 171
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 IV N° 240 p. 171

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Leclercq.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, M. Le Prado, la SCP Lesourd et Baudin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.17660
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