REJET et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Paul, prévenu,
- la société Cometa, solidairement responsable,
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 1992, qui, pour intérêt à l'importation sans déclaration de marchandises prohibées, a condamné solidairement Paul X... et la société Cometa à une amende ainsi qu'à une pénalité douanière pour tenir lieu de la confiscation, a débouté le prévenu de sa requête en non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire et l'administration des Douanes du surplus de sa demande.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les pourvois de Paul X... et de la société Cometa :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 196 bis du Code des douanes, 4 et 5 de l'arrêté du 30 décembre 1983, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
" aux motifs que le régime de l'importation en franchise temporaire ne peut être accordé au prévenu puisque les fusils ne sont pas sa propriété mais celle de la compagnie des métaux Cometa ; qu'ils ont été importés par lui non pas en qualité de touriste mais en tant que responsable de la société ; qu'ils ne sont pas destinés à son usage privé exclusif, étant mis à la disposition des clients et des fournisseurs de la compagnie ; qu'en revanche, en vertu de l'article 84 du Code des douanes toutes les marchandises importées doivent faire l'objet d'une déclaration en détail leur assignant un régime douanier et qu'en l'occurence les deux armes litigieuses n'ont pas été déclarées en douane à l'importation ;
" alors que le régime de l'importation en franchise temporaire n'est pas subordonné à la qualité de propriétaire de leur détenteur et n'interdit pas toute utilisation des biens avec des tiers ; que la cour d'appel qui, pour écarter le bénéfice du régime de l'importation en franchise temporaire, a retenu que les fusils n'étaient pas la propriété du prévenu qui les avaient importés en qualité de responsable de la société propriétaire, et qu'ils étaient mis à la disposition des clients et fournisseurs de la compagnie, a ainsi ajouté aux textes régissant l'importation en franchise temporaire des conditions qui n'y figurent pas " ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 38, 84, 423, 414 du Code des douanes, de l'article 369 du même Code modifié par la loi du 29 décembre 1977, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
" aux motifs qu'au cours de ses auditions X... n'a pas formellement contesté que les armes avaient été emmenées en France dès leur acquisition en 1985 ; qu'il a expliqué qu'elles étaient mises à la disposition des clients et des fournisseurs de la société qui étaient invités sur la chasse dont la compagnie est locataire en Moselle ; qu'il a ajouté que durant la période de chasse les fusils étaient entreposés en Moselle et qu'à la fin de la saison, ils étaient ramenés au Luxembourg ; qu'il ressort de la procédure que le prévenu a été autorisé à exporter les armes à destination de la France dès le 22 novembre 1985 en vertu d'une licence d'exportation temporaire délivrée par l'office des licences luxembourgeois ; que l'on voit mal pourquoi X... se serait fait établir un tel document à l'époque si ce n'était dans l'intention évidente d'introduire les fusils sur le territoire national pour y pratiquer la chasse, qu'en outre, il ne rapporte pas la preuve que les armes ne sont pas entrées en 1985 mais en 1987, que la société Cometa n'a jamais introduit d'autre demande auprès de l'office des licences luxembourgeois afin d'obtenir une licence tant pour l'importation que pour l'exportation des fusils ; qu'il est permis d'en déduire que le prévenu ne s'est pas mis en règle non plus avec l'administration luxembourgeoise ; que l'ensemble de ces faits prouve bien que X... a introduit les deux armes sur le territoire français en 1985 et qu'elles y sont restées jusqu'en 1987, certainement ; que l'intention coupable du prévenu est ainsi largement démontrée et qu'en conséquence il ne peut prétendre bénéficier de la bonne foi exonératrice de sa responsabilité et qu'il lui appartient d'établir ;
" alors que la mauvaise foi résulte de la connaissance qu'avait le prévenu de l'infraction ; que la cour d'appel, pour estimer que l'intention coupable du prévenu était démontrée, ne pouvait se borner à retenir que le prévenu n'avait pas formellement contesté que les armes avaient été emmenées en France dès 1985, qu'il avait été autorisé à les y exporter dès le 22 novembre 1985, qu'il n'apportait pas la preuve contraire que les armes ne seraient pas entrées en France en 1985 et qu'il ne s'était pas mis en règle non plus avec l'administration luxembourgeoise, en déduisant ainsi l'élément intentionnel de l'infraction de son élément matériel, sans rechercher si le prévenu n'avait pas été victime d'une erreur sur le statut des biens détenus et transportés " ;
Sur le moyen de cassation additionnel pris de la violation des articles 196 bis du Code des douanes, 4 et 5 de l'arrêté du 30 décembre 1983, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, violation des articles 38, 84, 423, 414 du Code des douanes, de l'article 369 du même Code modifié par la loi du 29 décembre 1977, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, contradiction de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des citations et a déclaré X... coupable du délit d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
" aux motifs que les citations délivrées se référant aux procès-verbaux dressés en 1987, lesquels énoncent des faits commis au cours de l'année 1985 et ne faisant pas échec aux droits de la défense, ne peuvent être frappées de nullité et seront déclarées valables ; qu'au cours de ses auditions, X... n'a pas formellement contesté que les armes avaient été emmenées en France dès leur acquisition en 1985 ;
" alors que les juges ne peuvent fonder leur décision sur des motifs contradictoires ; que la cour d'appel, pour déclarer rejeter l'exception de nullité des citations et retenir la culpabilité du prévenu, ne pouvait énoncer que les citations se référaient à des procès-verbaux dressés en 1987 qui énonçaient des faits commis en 1985 et qu'au cours de ses auditions le prévenu n'avait pas formellement contesté que les armes avaient été emmenées en France en 1985, en contradiction avec les procès-verbaux auxquels il était fait référence, qui ne comportaient aucune indication relative à la date d'importation des marchandises ;
" et aux motifs que le régime de l'importation en franchise temporaire ne peut être accordé au prévenu puisque les fusils ne sont pas sa propriété mais celle de la compagnie des métaux Cometa, qu'ils ont été importés par lui non pas en qualité de touriste mais en tant que responsable de la société, qu'ils ne sont pas destinés à son usage privé exclusif, étant mis à la disposition des clients et des fournisseurs de la compagnie ;
" alors qu'il résulte de la 17e directive du Conseil des communautés européennes en date du 16 juillet 1985 que le régime de l'importation en franchise temporaire bénéficie aux personnes morales utilisant ou faisant utiliser sous leur responsabilité les biens ; que la cour d'appel ne pouvait, pour refuser le bénéfice de l'importation en franchise temporaire, retenir que les fusils appartenaient à la société Cometa et qu'ils étaient mis à la disposition des clients et fournisseurs de cette société " ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le moyen additionnel pris en sa première branche :
Attendu qu'il ne résulte d'aucune conclusion ni d'aucune mention du jugement que le prévenu ait présenté devant les premiers juges, avant toute défense au fond, l'exception tirée de la nullité prétendue des citations ;
Qu'ainsi, en application des dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale, la cour d'appel n'avait pas à répondre à l'argumentation du prévenu sur l'exception soulevée pour la première fois devant elle ;
Que, dès lors, le moyen additionnel, en ce qu'il reprend dans sa première branche, ladite exception, ne peut être admis ;
Sur le moyen additionnel pris en sa seconde branche et sur les autres moyens :
Attendu que pour écarter les conclusions dont elle était saisie et déclarer Paul X... coupable, comme intéressé à la fraude, d'importation sans déclaration de marchandises prohibées la cour d'appel expose que, le 22 novembre 1985, le susnommé, administrateur de la société luxembourgeoise Cometa, a introduit sur le territoire national deux fusils de chasse d'origine autrichienne appartenant à ladite société et que ces armes s'y trouvaient toujours en 1987 lors de l'intervention des agents des Douanes ; qu'elle relève qu'il s'est fait délivrer au Luxembourg une licence d'exportation temporaire " pour pratiquer la chasse en France " et qu'il n'a effectué aucune formalité de dédouanement auprès de l'administration française ; qu'elle en déduit qu'il ne peut arguer de sa prétendue bonne foi pour s'exonérer de sa responsabilité ;
Qu'elle ajoute que le prévenu ne saurait se prévaloir du régime de l'importation en franchise temporaire pour des armes destinées à être mises à la disposition de clients ou de fournisseurs de sa société, ce régime étant réservé aux touristes et ne pouvant concerner, sauf dérogation, des fusils de chasse, armes de 5e catégorie prohibées en vertu de l'article 11 du décret-loi du 18 avril 1939 ; qu'elle constate que l'intéressé ne justifie pas de l'octroi d'une telle dérogation pour la période visée par la prévention et ne produit d'autorisation que pour les années postérieures ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors, d'une part, qu'aux termes de l'article 196 bis du Code des douanes sont exclus du régime de la franchise temporaire les objets prohibés à l'importation, d'autre part, que la directive communautaire du 16 juillet 1985, concerne le régime d'admission temporaire et non celui de la franchise temporaire, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 515, 520 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à payer la somme de 117 823 francs en application des dispositions de l'article 435 du Code des douanes et une amende douanière de 117 823 francs, réduite au tiers et a prononcé la contrainte par corps ;
" aux motifs que l'administration des Douanes a demandé de retenir la facture de 27 740 DM comme base de calcul des pénalités douanières, qu'en fonction de cela, elle évalue à la somme de 117 823 francs toutes taxes comprises la valeur globale des deux fusils de chasse dont elle demande le paiement pour tenir lieu de confiscation des marchandises qui n'ont pu être saisies, qu'il y a lieu de retenir la proposition chiffrée susvisée pour calculer le montant des pénalités douanières, ramenées au tiers compte tenu des circonstances atténuantes ;
" alors que l'appel d'une partie ne peut profiter à une autre partie non appelante ; que la cour d'appel, saisie des seuls appels du prévenu d'importation sans déclaration de marchandises prohibées et d'une société solidairement responsable, ne pouvait, après avoir annulé le jugement déclarant le prévenu coupable et ordonnant une expertise pour déterminer le montant des pénalités, confirmer le jugement sur la culpabilité, condamner le prévenu au paiement de pénalités douanières et prononcer la contrainte par corps, aggravant ainsi la situation du prévenu immédiatement tenu d'acquitter des pénalités " ;
Attendu que, saisis des appels interjetés par Paul X... et la société Cometa du jugement qui a prononcé sur la culpabilité, mais sursis à statuer sur les condamnations et ordonné une expertise pour déterminer la valeur des marchandises prohibées, les juges du second degré ont, par arrêt du 24 janvier 1991 devenu définitif, annulé ledit jugement, évoqué et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure ; que par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a condamné solidairement le prévenu, par elle déclaré coupable d'intérêt à la fraude, et la société précitée au paiement d'une amende douanière de 39 274 francs et de la même somme pour tenir lieu de la confiscation ;
Attendu qu'en cet état, c'est à bon droit et sans excéder les limites de sa saisine que la cour d'appel, après avoir évoqué, a statué par l'arrêt attaqué sur la culpabilité et sur les sanctions fiscales ;
Qu'ainsi le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 369. 4, 377 bis du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté l'administration des Douanes de sa demande tendant au paiement des droits et taxes ;
" aux motifs qu'il résulte des débats que le prévenu a pu, en toute impunité, réexporter hors du territoire français et réimporter en France les armes litigieuses au cours de ces dernières années ; que dans ces conditions, l'administration des Douanes est mal fondée à venir réclamer devant la Cour, le paiement des droits de douanes et taxes dus, et notamment la taxe à la valeur ajoutée alors que la Direction générale des Douanes et Droits indirects a accepté régulièrement d'accorder à Paul X... les autorisations d'importation de matériel de guerre qui lui étaient nécessaires pour introduire les fusils sur le territoire national chaque année ;
" alors que le paiement des sommes fraudées que les tribunaux ordonnent, aux termes de l'article 377 bis du Code des douanes, en sus des pénalités fiscales et dont l'article 369. 4 du même Code interdit de dispenser le redevable, incombe à toute personne déclarée coupable de la fraude douanière ; que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable d'avoir en 1985 commis le délit douanier d'importation sans déclaration de marchandises prohibées ; qu'en refusant dès lors de le condamner au paiement des droits de douanes et taxes dus aux motifs que des autorisations auraient été données pour l'importation de matériel de guerre pour les années 1988, 1989 et 1990, la cour d'appel a violé les articles 369. 4 et 377 bis du Code des douanes " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon les dispositions combinées des articles 377 bis et 369. 4 du Code des douanes, les tribunaux ordonnent, en sus des pénalités fiscales, le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues ; qu'ils ne peuvent dispenser le redevable du paiement de ces sommes ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré Paul X... coupable d'intéressement à une fraude douanière, consistant en l'importation sans déclaration de marchandises prohibées, a dit l'administration des Douanes mal fondée à réclamer la condamnation du prévenu et de la société solidairement responsable au paiement des droits et taxes éludés ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les juges sont tenus de condamner le redevable au paiement des sommes fraudées, même s'ils le font bénéficier des circonstances atténuantes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe susrappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
Sur les pourvois de Paul X... et de la société Cometa :
REJETTE les pourvois ;
Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Metz, en date du 16 janvier 1992, mais seulement en ses dispositions déclarant l'administration des Douanes mal fondée en sa demande de paiement des droits et taxes éludés ;
Et attendu que la Cour de Cassation trouve dans l'arrêt attaqué et les pièces de procédure les éléments lui permettant de faire application de la règle de droit méconnue ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
CONDAMNE solidairement Paul X... et la société Cometa au paiement des droits et taxes éludés s'élevant à 25 449 francs ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.