LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
18) Mme Jeanne D..., gérant de la société A. Barat et Cie papeterie, dont le siège social est à Montaut, Bétharam (Pyrénées-Atlantiques), agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de gérante de la société A. Barat et Cie papeterie et domiciliée audit siège,
28) M. Gaston D..., cogérant de la SNC D... et Cie, domicilié en cette qualité au siège social à Montaut (Pyrénées-Atlantiques),
en cassation d'un arrêt rendu le 7 juin 1989 par la cour d'appel de Pau (2e Chambre), au profit :
18) de M. Camille Y..., demeurant 12, rue desrillons à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne),
28) de M. Hugues Y..., demeurant 5, Square Watteau, Le Vésinet (Yvelines),
38) de M. Jean, Lucien X...,
48) de M. Richard G...,
demeurant ... (Ariège), tous deux pris en leur qualité de syndic de la liquidation des biens de M. Pierre Z..., demeurant 6, place Pasteur à Saint-Girons (Ariège),
défendeurs à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 2 mars 1993, où étaient présents :
M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, MM. C..., F..., E..., A... omez, Léonnet, Poullain, conseillers, Mme B..., M. Huglo, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des consorts D..., de la SCP Defrenois et Lévis, avocat de MM. X... et G... ès qualités, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... et MM. Camille et Hugues Y... (les consorts Y...), porteurs de parts de la société à responsabilité limitée Auguste Barat et Cie, dont l'objet était à l'origine l'exploitation d'une usine à papier, ont assigné Mme Charles D... et M. Gaston D... (les consorts D...), cogérants associés majoritaires de ladite société, pour les voir condamner à des dommages-intérêts pour le préjudice prétendument causé par leurs agissements dans le fonctionnement de la société dont l'actif s'était réduit à la chute productrice d'énergie électrique et ses installations ;
que M. Z... ayant été mis en liquidation des biens, MM. X... et G..., syndics de cette liquidation, sont intervenus à l'instance ; que les consorts Y... se sont désistés de leur
appel ; qu'au décès de M. Z..., ses héritiers ont déclaré renoncer à sa succession, de sorte que seuls MM. X... et G... sont demeurés en la cause ; que les consorts D... ont contesté la qualité pour agir de ces derniers ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les consorts D... font grief à l'arrêt d'avoir constaté que MM. X... et G... avaient justifié de leur qualité pour agir et de les avoir condamnés à réparer le préjudice subi par les créanciers de M. Z..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que les créanciers d'un associé minoritaire tiers à la société ne sont pas recevables à agir contre les associés majoritaires aux fins de voir constater l'existence d'un abus de majorité ; qu'ils ne peuvent tout au plus qu'exercer à cette fin, l'action oblique à condition que le débiteur, associé minoritaire, ait négligé de le faire ; qu'en accueillant l'action en abus de majorité exercée par les syndics représentant non pas le débiteur, mais la masse des créanciers de la liquidation des biens de ce dernier, tiers à la société, l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'il n'y a aucun lien de causalité direct entre le préjudice subi par les créanciers à raison de la clôture de la liquidation des biens de M. Z... pour insuffisance d'actif et un prétendu abus de majorité qui aurait affecté le patrimoine de ce dernier plus de dix ans auparavant à une date à laquelle il n'est pas constaté que les créances étaient déjà nées ; qu'ainsi, l'arrêt a encore violé l'article 1382 du Code civil ; Mais attendu que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation des biens par le syndic qui le représente et que le dessaisissement du débiteur subsiste après la clôture pour insuffisance d'actif, le syndic poursuivant seul le recouvrement des créances dont dispose le débiteur ; que la cour d'appel, ayant relevé que les syndics X... et G... poursuivaient devant elle l'action engagée par M. Z..., a ainsi fait ressortir que tel était le cas en l'espèce ; que le moyen n'est fondé ni en l'une, ni en l'autre de ses deux branches ; Mais sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :
Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu que pour décider qu'avait été commis un abus de majorité dont Mme Charles D... et M. Gaston D... avaient tiré profit, la
cour d'appel a retenu qu'en donnant à bail, le 15 mars 1966, au cogérant M. Charles D..., aujourd'hui décédé, l'ensemble des installations hydrauliques, dans des conditions qui ne compensaient pas cet inconvénient, la société s'était privée de la possibilité de procéder à la réalisation de l'élément essentiel de son actif, tandis que la dissolution de la société et sa liquidation amiable auraient pu être envisagées ; Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser en quoi la décision, prise régulièrement en assemblée générale, de donner à bail les installations litigieuses à l'un des gérants de la société, même majoritaire, aurait été contraire à la volonté des associés minoritaires au moment de l'acte et aurait causé un préjudice à ces derniers en nuisant aux intérêts de la société Auguste Barat, et en quoi cette décision favorisait les intérêts personnels de certains associés, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'abus de majorité qu'elle a retenu ; PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juin 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne les consorts Y... et MM. X... et G..., ès qualités, envers les consorts D..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Pau, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;