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06/04/1993 | FRANCE | N°90-20505

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 avril 1993, 90-20505


Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance d'Angers, 19 juillet 1990), que M. X... a demandé la restitution, d'une part, de la taxe spéciale sur les véhicules à moteur d'une puissance fiscale supérieure à 16 CV payée au titre des années 1979 et 1980, d'autre part, de la taxe différentielle instituée par la loi du 30 décembre 1987 payée au titre de l'année 1989 ; qu'il fondait sa demande sur la contrariété de ces taxes au Traité institutant la Communauté économique européenne, établie prétendument par les arrêts de la Cour de justice des communautés

européennes du 9 mai 1985 (Humblot) et du 17 septembre 1987 (Feldain) ; ...

Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance d'Angers, 19 juillet 1990), que M. X... a demandé la restitution, d'une part, de la taxe spéciale sur les véhicules à moteur d'une puissance fiscale supérieure à 16 CV payée au titre des années 1979 et 1980, d'autre part, de la taxe différentielle instituée par la loi du 30 décembre 1987 payée au titre de l'année 1989 ; qu'il fondait sa demande sur la contrariété de ces taxes au Traité institutant la Communauté économique européenne, établie prétendument par les arrêts de la Cour de justice des communautés européennes du 9 mai 1985 (Humblot) et du 17 septembre 1987 (Feldain) ; que le Tribunal a accueilli ces demandes ;

Sur la recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre les dispositions du jugement relatives à la taxe spéciale :

Attendu que, par l'arrêt du 9 mai 1985 (Humblot), la Cour de justice des Communautés européennes, après avoir énoncé qu'en l'état actuel du droit communautaire, les Etats membres restent libres de soumettre des produits comme les voitures à un système de taxe dont le montant augmente progressivement en fonction d'un critère objectif, tel que la puissance fiscale qui peut être déterminée selon différentes modalités et qu'un tel système d'imposition intérieure n'est toutefois légitime au regard de l'article 95 du Traité que pour autant qu'il soit exempt de tout effet discriminatoire ou protecteur, a dit pour droit que l'article 95 du Traité interdit de soumettre les voitures dépassant une certaine puissance fiscale à une taxe spéciale fixe dont le montant est plusieurs fois le montant le plus élevé de la taxe progressive qui doit être acquittée pour les voitures n'atteignant pas cette puissance fiscale, lorsque les seules voitures frappées par la taxe spéciale sont des voitures importées, notamment d'autres Etats membres ; que l'arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain) a dit pour droit qu'un système de taxe, qui, d'une part, par l'établissement d'une tranche d'imposition comportant plus de puissances fiscales que les autres, freine la progression normale de la taxe au profit des voitures haut de gamme de fabrication nationale, et, d'autre part, comporte des modalités de détermination de la puissance fiscale défavorables aux voitures importées d'autres Etats membres, a un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du Traité ; qu'en ce qui concerne la détermination de la puissance fiscale, ce dernier arrêt n'a fait que préciser l'interprétation donnée par le premier, d'où il suit que cette interprétation s'imposait pour apprécier l'application du système de taxe en cause aux situations existant antérieurement à ce premier arrêt et qu'il en résultait le droit à restitution des taxes perçues en violation des règles ainsi affirmées ; que tel est le cas du système de taxe spéciale appliqué à M. X... en 1979 et 1980 qui comportait la détermination de la puissance fiscale des véhicules dans les conditions déterminées par une circulaire ministérielle du 23 décembre 1977 ; que, dès lors, l'action en restitution de la taxe spéciale engagée par M. X... sur le fondement des arrêts de la Cour de justice du 9 mai 1985 et du 17 septembre 1987 était une action en répétition de l'indu n'entrant pas dans les prévisions de l'article L. 199 du Livre des procédures fiscales et que les dispositions du jugement sur cette action étaient susceptibles d'appel ; que le pourvoi est donc irrecevable en ce qu'il est dirigé contre ces dispositions ;

Sur le troisième et le quatrième moyens, réunis, qui sont dirigés contre les dispositions du jugement relatives à la taxe différentielle :

Attendu que le Directeur général des Impôts fait grief au jugement d'avoir ordonné le remboursement de la taxe différentielle et met en oeuvre les moyens reproduits en annexe, tirés d'un défaut de réponse à conclusions et d'une violation de l'article 95 du traité de Rome et de l'article 20-I de la loi des finances rectificative pour 1987 ;

Mais attendu que, selon l'article 34 de la Constitution, le législateur est seul compétent pour fixer les règles relatives à l'assiette des impôts ;

Attendu que la loi du 30 décembre 1987 se borne à fixer le nouveau barème de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, sans énoncer de règles en ce qui concerne la détermination de l'élément de l'assiette de cette taxe constitué par la puissance fiscale des véhicules ; que le ministre de l'Equipement n'avait donc pas le pouvoir de fixer de nouvelles règles sur ce point ; qu'il s'ensuit que la taxe versée par M. X... au titre de l'année 1988-1989 était dépourvue de support légal, dès lors qu'elle avait été établie sur le fondement d'un système de taxe comportant la détermination de la puissance fiscale des véhicules selon les seules dispositions de la circulaire du ministre de l'Equipement du 12 janvier 1988 ; qu'en conséquence, M. X... a droit au remboursement de cette taxe indûment perçue ; que, par ces motifs de pur droit, substitués à ceux énoncés par le Tribunal, le jugement se trouve justifié en ce qu'il a ordonné le remboursement à M. X... de la taxe différentielle perçue au titre de l'année 1989 ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les dispositions du jugement relatives à la taxe spéciale ;

LE REJETTE en ce qu'il est dirigé contre les dispositions du jugement relatives à la taxe différentielle .


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-20505
Date de la décision : 06/04/1993
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité partielle et rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Taxe sur les véhicules à moteur - Taxe spéciale sur les véhicules de plus de seize CV - Taxe contraire au traité de Rome - Droit au remboursement - Champ d'application - Taxe perçue en 1979 et en 1980.

1° IMPOTS ET TAXES - Procédure (règles communes) - Voies de recours - Appel - Décisions susceptibles - Jugement - Objet - Répétition de taxes déclarées indues par la Cour de justice des Communautés européennes 1° APPEL CIVIL - Décisions susceptibles - Impôts et taxes - Jugement statuant en matière de répétition de l'indu 1° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Enregistrement - Taxes incompatibles avec le droit communautaire - Taxation différente pour les produits importés et les produits nationaux - Décision de la Cour de justice interprétant un arrêt antérieur - Effet 1° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Cour de justice des Communautés - Décisions - Interprétation.

1° L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 17 septembre 1987 (Feldain), qui a dit pour droit qu'un système de taxe qui comportait des modalités de détermination de la puissance fiscale défavorables aux véhicules importés d'autres Etats membres a un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du traité CEE, n'a fait que préciser l'interprétation donnée par l'arrêt de la même Cour du 9 mai 1985 (Humblot), d'où il suit que cette interprétation s'impose pour apprécier l'application du système de la taxe spéciale au titre des années 1979 et 1980. Il en résulte le droit à restitution des taxes perçues en violation des règles ainsi affirmées. Tel est le cas du système de taxe spéciale appliqué en 1979 et 1980 qui comportait la détermination de la puissance fiscale des véhicules dans les conditions déterminées par une circulaire ministérielle du 23 décembre 1977. L'action en restitution de cette taxe fondée sur les arrêts de la Cour de justice des Communautés du 9 mai 1985 et du 17 septembre 1987 est donc une action en répétition de l'indu n'entrant pas dans les prévisions de l'article L. 199 du Livre des procédures fiscales. Les dispositions du jugement sur cette action étant dès lors susceptibles d'appel, le pourvoi dirigé contre elles est irrecevable.

2° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Taxe sur les véhicules à moteur - Taxe différentielle - Assiette - Puissance fiscale - Fixation par une personne autre que le législateur - Excès de pouvoir.

2° LOIS ET REGLEMENTS - Domaine de la loi - Impôts et taxes - Assiette - Règles 2° LOIS ET REGLEMENTS - Circulaire - Circulaire administrative - Impôts et taxes - Assiette - Règles - Illégalité 2° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Taxe sur les véhicules à moteur - Taxe différentielle - Assiette - Puissance fiscale - Fixation par circulaire - Sanction - Illégalité 2° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Taxe sur les véhicules à moteur - Taxe différentielle - Assiette - Puissance fiscale - Fixation par circulaire - Sanction - Remboursement.

2° Selon l'article 34 de la Constitution, le législateur est seul compétent pour fixer les règles relatives à l'assiette des impôts. La loi du 30 décembre 1987 se borne à fixer le nouveau barème de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, sans énoncer de règles en ce qui concerne la détermination de l'élément de l'assiette de cette taxe constitué par la puissance fiscale des véhicules ; le ministre de l'Equipement n'avait donc pas le pouvoir de fixer de nouvelles règles sur ce point. La taxe différentielle perçue en 1988 et 1989 était dépourvue de support légal, dès lors qu'elle avait été établie sur le fondement d'un système de taxe comportant la détermination de la puissance fiscale des véhicules selon les seules dispositions de la circulaire du ministre de l'Equipement du 12 janvier 1988.


Références :

1° :
1° :
2° :
Circulaire ministérielle 77-191 du 23 décembre 1977
Constitution du 04 octobre 1958 art. 34
Livre des procédures fiscales L199
Loi du 30 décembre 1987

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Angers, 19 juillet 1990

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1989-04-25, Bulletin 1989, IV, n° 134, p. 89 (cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 avr. 1993, pourvoi n°90-20505, Bull. civ. 1993 IV N° 141 p. 95
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 IV N° 141 p. 95

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Vigneron.
Avocat(s) : Avocats : M. Goutet, la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:90.20505
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