Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er octobre 1990), que, par acte sous seing privé du 12 mai 1989, la société civile immobilière du 194 (SCI) a, sous diverses conditions suspensives, notamment de réalisation du contrat en la forme authentique avant le 10 juillet 1989, déclaré vendre à la société Eurexfi habitat, qui l'a accepté, des immeubles en l'état futur d'achèvement ; qu'après l'accomplissement des conditions stipulées en faveur de l'acquéreur, la SCI a délivré à la société Eurexfi habitat une sommation, demeurée infructeuse, de réaliser l'acte devant notaire, puis l'a assignée en résolution de la vente, à ses torts, et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt, qui annule le contrat en application de l'article L. 261-11 du Code de la construction et de l'habitation, de la débouter de sa demande d'indemnisation, alors, selon le moyen, 1° que la nullité pour vice de forme, prévue par la loi réglementant le contrat de vente d'immeubles en l'état futur d'achèvement, n'a pas pour effet d'empêcher la victime d'obtenir réparation du préjudice que lui a causé l'attitude délictueuse adoptée par son partenaire tout au long de la négociation ; qu'en l'espèce, le préjudice invoqué par la SCI du 194 résultait de l'attitude délictueuse de la société Eurexfi habitat qui avait toujours laissé croire qu'elle régulariserait l'acte nul et avait finalement, sans raison, refusé brutalement de signer l'acte devant notaire ; qu'en considérant que le préjudice invoqué résultait nécessairement et uniquement du vice de forme de l'acte du 12 mai 1989, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil, par refus d'application et, par fausse application, les articles L. 261-10 et suivants du Code de la construction et de l'habitation ; 2° que constitue une faute délictuelle le fait pour une partie de laisser croire à son partenaire tout au long de la négociation, qui a duré plusieurs mois, qu'elle régulariserait sous la forme authentique un acte légalement nul en la forme, de réitérer ses engagements après avoir sollicité le report de la date de signature, de lui laisser prendre maints engagements financiers pour ensuite refuser brutalement et sans justification de régulariser l'acte envisagé ; qu'en refusant de sanctionner ce comportement délictuel de la société Eurexfi habitat en l'espèce et en déboutant la SCI du 194 de sa demande d'indemnité, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1382 et suivants du Code civil ; 3° que le préjudice causé par l'attitude délictueuse d'un cocontractant qui, sciemment, laisse croire en la régularisation d'un acte nul et laisse son partenaire prendre dans cette optique, maints engagements financiers, pour finalement refuser au dernier moment, sans aucune raison, de signer l'acte authentique, constitue un préjudice réparable, distinct de celui causé par la simple inexécution de la convention annulée ; qu'en l'espèce, la SCI du 194 demandait réparation du préjudice que lui avait causé une telle attitude délictueuse, adoptée par la société Eurexfi habitat, qu'en énonçant cependant que ce préjudice échappe à toute protection juridique, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 1382 et 1383 du Code civil ; 4° qu'un acte annulé pour vice de forme vaut comme élément de preuve de l'état d'avancement des pourparlers contractuels ; qu'en énonçant qu'il était impossible de tirer un effet juridique quelconque de la convention du 19 mai 1989 conclue en violation de la loi sur la vente d'immeuble à construire, la cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant que le préjudice invoqué par la SCI résultait, en réalité, du seul fait qu'elle n'avait pas adopté les formes et conditions prévues par la loi et qu'il n'était pas possible de tirer un effet juridique quelconque de conventions qui, entrant dans le champ d'application de cette loi, étaient intervenues en violation de celle-ci ;
PAR CES MOTIFS ;
REJETTE le pourvoi.