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23/03/1993 | FRANCE | N°91-16236

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 mars 1993, 91-16236


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Ixedis, dont le siège est à Vénissieux (Rhône), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 21 février 1991 par la cour d'appel de Paris (4e chambre B), au profit de la société K Way international, dont le siège est à Harnes (Pas-de-Calais), ...,

défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, ali

néa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 février 1993,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Ixedis, dont le siège est à Vénissieux (Rhône), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 21 février 1991 par la cour d'appel de Paris (4e chambre B), au profit de la société K Way international, dont le siège est à Harnes (Pas-de-Calais), ...,

défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 février 1993, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseilleromez, les observations de Me Cossa, avocat de la société Ixedis, de Me Thomas-Raquin, avocat de la société K Way international, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 1991), que la société K Way international (société K Way) a assigné la société Ixedis en contrefaçon d'un modèle de vêtement de sport consistant en une combinaison "coupe-vent" de couleurs vives dénommée Kangourou et concurrence déloyale ; que la cour d'appel a accueilli cette demande ; Sur le premier moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous ; qu'il s'ensuit qu'une personne morale ne peut prétendre à la protection découlant de la loi du 11 mars 1957 que dans la mesure où l'oeuvre en cause est une oeuvre collective ou bien si elle peut démontrer que les droits sur l'oeuvre lui ont été cédés ; qu'en l'espèce, en déclarant que la société Ixedis avait commis des actes de contrefaçon et des actes de concurrence déloyale, sans s'assurer au préalable que la société K Way international était investie des droits d'auteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1er de la loi du 11 mars 1957, alors, d'autre part, qu'aucune action pénale ou civile ne peut être intentée sur le fondement de la loi du 14 juillet 1909 avant que le dépôt du dessin ou du modèle n'ait été rendu public ; qu'en l'espèce, en déclarant que la société Ixedis avait commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, après avoir constaté que le dépôt qualifié de suspect par les premiers juges avait été

publié le 12 janvier 1989, soit après l'acte introductif d'instance du 17 juin 1988, la cour d'appel a violé l'article 11 de la loi du 14 juillet 1909 ainsi que les articles 30 et suivants du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que l'arrêt a retenu que le dépôt de modèle était, au sens de la loi du 14 juillet 1909, déclaratif de droits et qu'il était constant que le modèle avait été créé et commercialisé par la société K Way avant la date de l'assignation et a relevé que, devant la cour d'appel, la recevabilité de la société K Way à agir sur le fondement de la loi du 11 mars 1957, n'était plus contestée alors que l'exception d'irrecevabilité soulevée devant le tribunal de commerce par la société Ixedis avait été

rejetée par le jugement de cette juridiction ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, comme incompatible avec la position prise par la société Ixedis devant les juges du second degré, n'est pas fondé en sa seconde branche ; Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le modèle Kangourou de la société K Way était protégé alors, selon le pourvoi, d'une part, que ne peut bénéficier du régime de protection des dessins et modèles ni de la protection littéraire et artistique, le modèle dont les éléments de la forme sont inséparables de ses fonctions utilitaires et dont la combinaison de ses éléments ne peut être dissociée des impératifs techniques ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que pour répondre à leur fonction, les coupe-vent étaient munis d'une capuche reliée au corps du vêtement par une large encolure se terminant sur le devant du vêtement et disposaient d'une poche destinée à réchauffer les mains, la cour d'appel devait en déduire que leur forme destinée à procurer une commodité présentait un caractère utilitaire ; qu'en décidant au contraire que le modèle de coupe-vent Kangourou était protégeable, la cour d'appel a violé l'article 2, alinéa 2 de la loi du 14 juillet 1909 et l'article 3 de la loi du 11 mars 1957, alors, d'autre part, que la nouveauté peut être composée d'éléments connus si l'auteur les a disposés ou combinés différemment, manifestant ainsi un effort particulier de création ; qu'en l'espèce, pour déclarer le modèle Kangourou protégé par les lois du 14 juillet 1909 et 11 mars 1957, la cour d'appel a considéré que la société K Way avait rassemblé, pour "créer", des éléments déjà connus ; qu'ainsi, en se bornant à constater ce rassemblement, sans préciser en quoi avait consisté le prétendu effort créatif de la société K Way, et sans rechercher si ce rassemblement résultait de la combinaison d'éléments déterminés par une nécessité fonctionnelle et d'éléments inspirés des créations antérieures de la société Ixedis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1909 et de l'article 4 de la loi du 11 mars 1957, alors enfin que, dans ses conclusions d'appel, la société Ixedis avait fait valoir que la mode avait commandé une évolution vers les modèles reposant sur un contraste entre trois

couleurs, mais que pour des raisons esthétiques aucun créateur n'avait voulu disposer ces trois couleurs en bandes, et qu'il avait été ainsi indispensable de répartir celles-ci sur les différentes pièces du vêtement avec une couleur principale sur le fond et deux couleurs en appoint sur l'empliècement de la capuche et la poche ventrale ainsi que les manches ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions démontrant l'absence d'originalité dans la combinaison des couleurs, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel après avoir relevé que la société K Way revendiquait, comme étant caractéristiques de son modèle de vêtement, les divers éléments de forme et l'emplacement des couleurs sur celui-ci, a comparé le modèle litigieux aux diverses antériorités proposées par la société Ixedis ; qu'elle a retenu qu'aucune d'entre elles ne divulguait toutes les caractéristiques du modèle de la société K Way, qu'elles faisaient apparaître, contrairement à ce que soutenait la société Ixedis, que d'autres vêtements pouvaient avoir la même fonction "coupe-vent" que le modèle litigieux sans avoir nécessairement les mêmes caractéristiques et que la disposition des couleurs sur le modèle de la société K Way ne suivait pas une mode mais, au contraire, avait un caractère d'originalité traduisant l'empreinte de la personnalité du créateur ; que la cour d'appel a, ainsi, fait apparaître, après avoir procédé aux recherches prétendument omises, que le modèle litigieux avait un caractère de nouveauté et d'originalité, justifiant sa protection ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la société Ixedis avait contrefait le modèle de la société K Way alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'après avoir constaté des différences dans l'empiècement et dans le système de fermeture des coupe-vent en se fondant, pour statuer de la sorte, sur la ressemblance d'ensemble de la forme des modèles commercialisés par la société Ixedis avec le modèle Kangourou, sans rechercher si cette ressemblance était inséparable de la fonction du vêtement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 11 de la loi du 14 juillet 1909 et 40 de la loi du 11 mars 1957 ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel régulièrement signifiées, la société Ixedis avait fait valoir que la disposition des couleurs sur les coupe-vent correspondait à chacune des différentes pièces formant ce vêtement et que l'ensemble des modèles apparus au même moment constituaient autant de variantes de ce même procédé ; qu'en déclarant dès lors que la société Ixedis avait commis des actes de contrefaçon, sans répondre à ces conclusions, la cour

d'appel n'a pas donné de motifs à sa décision, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que la cour d'appel a procédé à la comparaison des modèles des sociétés Ixedis et K Way et constaté en analysant les éléments composant le vêtement argué de contrefaçon qu'il reproduisait exactement les caractéristiques essentielles du vêtement protégé, dont la cour d'appel avait retenu auparavant qu'elles n'étaient pas rendues nécessaires par la fonction du vêtement, ce dont il résultait une ressemblance d'ensemble susceptible de créer une confusion, les différences constatées sur les deux modèles ne concernant que des détails secondaires ; que la cour d'appel, en décidant que le modèle de la société Ixedis était la contrefaçon de celui de la société K Way, a procédé à la recherche prétendument omise et répondu aux conclusions ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Ixedis au paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale alors, selon le pourvoi, d'une part que les agissements constitutifs de concurrence déloyale doivent être distincts des faits de contrefaçon ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée sur les couleurs des coupe-vent pour condamner la société Ixedis pour contrefaçon et pour concurrence déloyale ; qu'en prononçant cette dernière condamnation, sans constater de faits distincts, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil, alors, d'autre part, qu'en retenant à la charge de la société Ixedis des actes de concurrence déloyale, après s'être bornée à s'interroger sur l'augmentation du risque de confusion né de l'utilisation de couleurs pratiquement identiques à des nuances près à celles utilisées par la société K Way, sans s'interroger ni sur la différence de qualité des coupe-vent, ni sur la différence des marques sous lesquelles ces vêtements étaient commercialisés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'utilisation par la société Ixedis de tissus de couleurs pratiquement identiques à celles du modèle litigieux alors qu'elle avait relevé que seul l'emplacement des couleurs sur le vêtement était revendiqué au titre de l'originalité du modèle, a pu décider qu'un risque supplémentaire de confusion résultait ainsi d'une faute distincte de la contrefaçon caractérisant une concurrence déloyale ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Ixedis, envers la société K Way international,

aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt trois mars mil neuf cent quatre vingt treize.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-16236
Date de la décision : 23/03/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DESSINS ET MODELES - Contrefaçon - Comparaison - Originalité traduisant l'empreinte de la personnalité du créateur - Confusion - Ressemblance d'ensemble susceptible de créer une confusion.

DESSINS ET MODELES - Protection - Conditions - Risque de confusion caractérisant une concurrence déloyale.


Références :

Code civil 1382
Loi du 14 juillet 1909 art. 11
Loi 57-298 du 11 mars 1957 art. 40

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 février 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 mar. 1993, pourvoi n°91-16236


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.16236
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