Attendu que, par acte notarié du 23 novembre 1984 dressé par M. X..., notaire, Mme Durand a promis la vente d'un ensemble de bâtiments sis à Garches à M. Sarfati, gérant de sociétés, ou à toute autre personne qu'il se substituerait ; que M. Sarfati a accepté la promesse en se réservant d'en demander le bénéfice au plus tard le 1er octobre 1985, la signature de la vente devant avoir lieu devant M. X... au plus tard dans la quinzaine de la demande de réalisation ; que la promesse était assortie de deux conditions suspensives, l'une de l'obtention par le bénéficiaire de la promesse d'un permis de construire et l'autre du non-exercice par le maire de Garches de son droit de préemption ; que la SCI Liard, constituée par M. Sarfati, s'est substituée à lui dans le bénéfice de la promesse ; que le 17 septembre 1985, la SCI a levé l'option ; que M. X..., avisé par son confrère Scholer, notaire de M. Sarfati, a adressé à Mme Durand la déclaration d'intention d'aliéner qui a été signée par elle le 10 octobre 1985 ; que ce document a été transmis à la ville de Garches par M. X... ; que celle-ci a usé de son droit de préemption ; que M. Sarfati et la SCI Liard ont fait assigner MM. X... et Scholer en paiement de diverses sommes, en faisant valoir qu'ils étaient responsables du défaut de réalisation de la promesse de vente en raison du retard mis dans l'envoi de la déclaration d'intention d'aliéner, ce qui avait permis à l'Administration d'exercer un droit de préemption auquel elle aurait renoncé si cette déclaration avait été adressée avec diligence ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel de l'avoir déclaré responsable du défaut de réalisation de la vente et de tout préjudice subi de ce fait par la SCI, alors, selon le moyen, de première part, qu'aucun texte n'impose au notaire, rédacteur d'une promesse unilatérale de vente, d'adresser la déclaration d'intention d'aliéner avant la levée de l'option par le bénéficiaire ; qu'au contraire, le droit de préemption de l'Administration étant un droit de substitution à l'acquéreur n'existe qu'en cas d'aliénation de sorte que le notaire ne saurait lui signifier la déclaration avant d'être certain que cette aliénation aura lieu par l'effet de la levée, purement protestative, de l'option par l'acquéreur ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 213-2 du Code de l'urbanisme et 1147 du Code civil ; alors, de deuxième part, que le délai de quinzaine prévu à l'acte pour la réalisation de la vente n'était assorti d'aucune sanction et n'en conditionnait ni la validité ni l'efficacité ; qu'en imputant à faute au notaire le fait d'avoir mis les parties dans l'impossibilité de le respecter, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; alors, de troisième part, qu'en reprochant au notaire de ne pas avoir adressé à l'Administration la déclaration, dès le 3 avril 1985, soit non pas 2 mois mais 6 mois avant la date prévue au contrat comme celle de réalisation de l'acte authentique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et alors, enfin, qu'en mettant ainsi à la charge du notaire l'obligation d'adresser la déclaration dans des délais et conditions tels que l'Administration n'ait pas intérêt à exercer son droit de préemption, la cour d'appel a mis à sa charge une obligation inexistante ;
Mais attendu que la cour d'appel retient que la promesse de vente, si elle laissait à son bénéficiaire, pour lever l'option, un délai n'expirant que le 1er octobre 1985 (et non le 10 comme l'indique par erreur l'arrêt) stipulait que la vente, en cas de levée de l'option, interviendrait au plus tard dans les 15 jours suivants et que le respect de ce délai, auquel le bénéficiaire avait droit, interdisait au notaire d'attendre la levée de l'option pour déclarer l'intention d'aliéner à une Administration qui disposait, pour préempter, d'un délai de 2 mois à compter de cette déclaration ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que M. X..., qui avait l'obligation de mettre les parties en mesure de signer la vente dans les 15 jours de la levée d'une option qui pouvait intervenir à tout moment jusqu'au 1er octobre 1985, devait mettre fin sans délai à l'aléa que l'existence du droit de préemption faisait peser sur l'opération et qu'en ne procédant à l'envoi de la déclaration d'intention d'aliéner qu'après le 10 octobre 1985 l'officier public avait commis une faute génératrice de responsabilité ; que, par ces seuls motifs, les juges du second degré ont légalement justifié leur décision, tant au regard de l'article 1382 du Code civil que de l'article R. 213-5 du Code de l'urbanisme, selon lequel la simple intention d'aliéner doit être adressée à la municipalité ; d'où il suit qu'en aucune de ses branches le moyen n'est fondé ;
LE REJETTE ;
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour retenir un lien de causalité entre la faute du notaire et la préemption exercée par la commune de Garches, source du préjudice invoqué, la cour d'appel énonce qu'une lettre du maire de cette commune établit que celle-ci, informée de l'opération, n'aurait pas exercé son droit de préemption si elle n'avait auparavant, le 18 septembre 1985, acquis également par préemption, sur déclaration d'aliénation reçue le 19 juillet, une propriété voisine, la réunion des deux propriétés offrant seule une opportunité spécifique d'aménagement ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'il résulte de l'arrêt qu'avant même l'envoi par M. X... de la déclaration d'intention d'aliéner et dans l'ignorance de la vente à intervenir des bâtiments appartenant à Mme Durand et de la possibilité ainsi offerte de réunir les deux parcelles, la commune avait déjà acquis l'immeuble voisin, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions retenant une faute à la charge de M. X..., l'arrêt rendu le 2 mai 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.