REJET du pourvoi formé par :
- X... Alain,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 21 mai 1992, qui l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement et 30 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles pour provocation à la discrimination, la haine ou la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, contestation de l'existence de crimes contre l'humanité, apologie de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité et injures raciales.
LA COUR,
Vu le mémoire personnel et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen de cassation, pris de l'extinction de l'action publique résultant de la nullité de la procédure et de la prescription ;
Attendu qu'Alain X... a été cité le 29 mars 1991 à comparaître devant la juridiction répressive en sa qualité de directeur de la publication du mensuel Révision à raison de la parution dans le numéro 23, daté de janvier 1991, de ce périodique d'un certain nombre de passages constituant soit une provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une race ou une religion déterminée, soit une contestation de l'existence de crimes contre l'humanité, soit une apologie de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, soit une injure raciale ;
Attendu que le prévenu a fait valoir devant les juges du second degré que lorsqu'il avait été cité, alors qu'il se trouvait en détention, il n'avait pas été placé sous le régime spécial prévu par les articles D. 490 à D. 495 du Code de procédure pénale, qu'ainsi il avait été porté atteinte aux droits de la défense et que la procédure devait être annulée, ce qui devait entraîner pour lui le bénéfice de la prescription de 3 mois édictée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que la cour d'appel, qui relève les actes interruptifs de prescription régulièrement accomplis, constate que la prétendue nullité de la procédure entachant la poursuite n'a pas été soumise aux premiers juges et que, par application de l'article 385 du Code de procédure pénale, l'exception soulevée pour la première fois devant elle n'est pas recevable ;
Qu'elle a ainsi fait l'exacte application de la loi et que ce moyen doit être écarté ;
Sur le moyen pris de la violation des articles 6, 8, 10 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que les juges, pour répondre à l'argumentation du prévenu, qui soutenait que les articles 24, alinéas 3 et 6, 24 bis et 33, alinéa 3, de la loi sur la liberté de la presse étaient contraires aux dispositions conventionnelles susvisées, font observer que le principe de la liberté d'expression, posé par l'alinéa 1er de l'article 10 de ladite Convention, comporte certaines exceptions prévues par son alinéa 2 et que l'incrimination des infractions, prévues par les articles précités de la loi modifiée du 29 juillet 1881, sanctionne des comportements attentatoires à l'ordre public et aux droits des individus ; que, dès lors, ne sont pas excédées les limites fixées par le second alinéa de l'article 10 précité ;
Que l'arrêt énonce encore que les sanctions prévues par la loi sur la presse s'appliquant à tous sans distinction, il ne saurait y avoir de violation de l'article 14 de la Convention, non plus que de son article 6, dès lors que la juridiction, régulièrement saisie et devant laquelle le prévenu a pu faire valoir publiquement ses moyens de défense, décide librement du bien-fondé de la prévention ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt n'encourt pas les griefs du moyen, qui ne peut être admis ;
Sur le moyen pris de la violation du décret du 5 novembre 1870 en raison du défaut de publication au Journal officiel de la République française du jugement du tribunal militaire international de Nuremberg du 1er octobre 1946 ;
Attendu que, pour écarter l'argument soutenu par X... selon lequel lui était inopposable, faute d'avoir été publié au Journal officiel de la République française, le jugement du tribunal militaire international auquel se réfère l'article 24 bis de la loi sur la presse réprimant la contestation de l'existence de crimes contre l'humanité, les juges du fond relèvent que l'accord de Londres du 8 mai 1945, avec son annexe portant statut du tribunal militaire international, a été régulièrement publié au Journal officiel du 7 octobre 1945 ; que, suivant l'article 26 dudit statut, la décision " sera définitive et non susceptible de révision " ; qu'ils observent que l'autorité de chose jugée d'une décision de justice procède de son caractère définitif, indépendamment de toute publication et que le décret du 5 novembre 1870 est inapplicable aux décisions de justice ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs du moyen, qui ne peut donc être accueilli ;
Sur le moyen pris de la violation de l'article 5 du Code pénal ;
Attendu qu'en condamnant le prévenu à 3 mois d'emprisonnement et 30 000 francs d'amende, la cour d'appel, qui, dans les limites fixées par la loi, apprécie, sans avoir à en justifier, la peine appliquée, n'a pas enfreint les dispositions de l'article 5 du Code pénal, dès lors que le délit prévu à l'alinéa 3 de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée, qui est l'infraction la plus sévèrement sanctionnée parmi celles dont X... a été reconnu coupable, est puni de 1 an à 5 ans d'emprisonnement et de 300 à 300 000 francs d'amende ; qu'ainsi, le moyen n'est pas fondé ;
REJETTE le pourvoi.