LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Parfumerie Michelle, dont le siège social est à Chateauneuf-les-Martigues (Bouches-du-Rhône), galerie marchande de Carrefour,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1990 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (2e chambre civile), au profit de la société Chanel, société anonyme, dont le siège social est à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), ... deaulle,
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 6 janvier 1993, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. X..., Mme Z..., MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Leonnet, conseillers, M. Y..., Mme Geerssen, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseilleromez, les observations de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat de la société Parfumerie Michelle, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Chanel, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Aix-en-Provence, 15 mai 1990), que la société Chanel, titulaire de plusieurs marques pour distinguer les produits de parfumerie qu'elle fabrique et commercialise dans un réseau de distributeurs agréés, a assigné la société Parfumerie Michelle (société Michelle) en paiement de dommages-intérêts pour usage illicite de marque ; Attendu, selon le pourvoi, d'une part, qu'en retenant la responsabilité de la société Michelle envers la société Chanel au motif que la première avait commercialisé des produits de cette marque sans avoir été membre du réseau de distribution sélective de la seconde et n'avait pas rapporté la preuve de la régularité de l'acquisition de ces produits, la cour d'appel a formulé un motif inopérant ; que, d'autre part, pour les mêmes motifs elle a inversé la charge de la preuve ; que, de troisième part, pour les mêmes motifs elle a violé les articles 1315 et 1382 du Code civil ; que, de quatrième part, à supposer que le distributeur non agréé se fût approvisionné auprès de distributeurs agréés, ce seul fait n'aurait pas été de nature à engager sa responsabilité envers le fabricant dès lors qu'il appartient à ce dernier d'établir qu'il a
pris les mesures nécessaires à l'étanchéité de son réseau et que la fourniture de produits n'a pu résulter que d'une collusion frauduleuse entre les distributeurs agréés et non agréés ; que dans cette hypothèse la cour d'appel aurait donc privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors que, de cinquième part, en imputant à la société Michelle un usage illicite de la marque déposée par la société Chanel, au seul motif pris d'une revente en violation d'un réseau de distribution sélective de ce fabricant, de produits présumés authentiques et régulièrement acquis, sans avoir constaté de faits propres à caractériser une contrefaçon ou une imitation frauduleuse de marque, ni davantage une altération délibérée du conditionnement des produits, la cour d'appel a violé les articles 422-2 du Code pénal et 1382 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que la société Michelle commercialisait des produits portant la marque Chanel sans avoir la qualité de revendeur agréé du réseau de distribution sélective mis en place par la société Chanel et sans l'autorisation de celle-ci, a pu retenir sans inverser
la charge de la preuve, et sans avoir à procéder à la recherche prétendument omise, que la société Michelle avait fait un usage illicite de la marque et a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Parfumerie Michelle, envers la société Chanel, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt trois février mil neuf cent quatre vingt treize.