LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Les Films LB, dont le siège social est ... à La Garenne Colombes (Hauts-de-Seine),
en cassation d'un arrêt rendu le 10 janvier 1991 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre), au profit de la société de droit anglais ED and F Man (Sugar) limited, dont le siège social est A... Quay, Loxer Thames street à Londres (Grande-Bretagne),
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 13 novembre 1992, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, M. X..., Mme Z..., MM. B..., Y... omez, conseillers, MM. Lacan, Huglo, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Léonnet, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société Les Films LB, de Me Vuitton, avocat de la société ED and F Man A... limited, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 10 janvier 1991) qu'en 1986, la société Les Films LB (société LB) a conclu avec la société de droit anglais ED and F Man A... limited (société ED) un accord par lequel elle s'engageait, à l'occasion de la réalisation de films de publicité tournés à Madagascar, à la mettre en relation avec les autorités de la république malgache en vue de lui obtenir des contrats commerciaux ; qu'aux termes de cet accord il était entendu que la société LB percevrait une commission de deux millions de francs, sur lesquels elle reçut une somme d'un million, courant mai 1986 ; que n'ayant pu percevoir le solde de sa commission, elle a assigné la société ED devant le tribunal de commerce de Nanterre ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré incompétent le tribunal de commerce de Nanterre et d'avoir renvoyé les parties à se pourvoir devant la High Court of justice de Londres, alors que, selon le pourvoi, d'une part, en vertu de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles du 27 décembre 1968, le défendeur, domicilié sur le territoire d'un Etat contractant, peut être attrait, en matière contractuelle, dans un autre Etat contractant devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; que, dès lors, l'arrêt attaqué ayant relevé que l'action exercée par la société LB tendait exclusivement au paiement d'une somme d'argent, n'a pu cependant retenir que l'obligation servant de base à la demande de ladite société consistait en la fourniture de prestations qui devaient être exécutées à Madagascar et que la Convention de Bruxelles n'étant pas applicable à la république malgache, il y avait
lieu de revenir au droit commun de ladite convention, donnant compétence à la juridiction du siège social du défendeur ; qu'en statuant ainsi, en fonction de l'obligation
caractéristique du contrat, et non à partir de celle servant de base à la demande, l'arrêt attaqué a violé par fausse application les articles 5-18 et 2 de la convention précitée ; alors que, d'autre part, la renonciation à un droit ne doit pas obligatoirement être expresse et peut se déduire de faits non équivoques qui l'impliquent nécessairement ; que, dès lors, l'arrêt attaqué, énonçant que la règle de l'article 1247 du Code civil, selon laquelle les créances d'argent sont payables au domicile du débiteur, est supplétive de la volonté des parties, n'a pu décider que la renonciation au bénéfice de cette règle par la société ED devait être expresse et a violé l'article 1247 du Code civil ; alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que le paiement spontanément effectué par la société ED de la somme d'un million de francs, représentant la moitié des sommes dues à la société LB sur le compte bancaire de celle-ci, dont dépend son siège social, présentait un caractère ambigu ; qu'en s'abstenant de rechercher si un tel paiement, émanant du débiteur lui-même et joint à la circonstance d'une nouvelle acceptation du contrat par celui-ci, ne traduisait pas la volonté non équivoque de la société ED de régler les sommes désormais dues au siège social de son contractant, et n'impliquait pas sa renonciation corrélative à se prévaloir du caractère quérable desdites sommes, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1247 du Code civil ; Mais attendu qu'après avoir constaté que l'obligation qui servait de base à l'action de la société LB concernait le paiement de commissions dues par la société ED en application d'un accord intervenu entre les deux sociétés, exécutoire sur le territoire malgache, et, ayant ainsi délimité l'obligation dont il convenait de tenir compte pour l'application de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles, l'arrêt a relevé que cette convention n'étant pas applicable à la république malgache, il y avait lieu de revenir aux dispositions de l'article 2 de la convention qui donne compétence à la juridiction du siège social du défendeur, en l'espèce la High Court of justice de Londres ; qu'ayant également constaté que les parties s'étaient référées à la loi française dans leurs rapports contractuels, la cour d'appel a pu décider que, malgré un paiement effectué au siège social de la société LB, la société ED n'avait pas, de façon
expresse ou non équivoque, renoncé aux dispositions de l'article 1247 du Code civil, selon lesquelles le paiement est quérable et non portable et a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;