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12/01/1993 | FRANCE | N°91-11623

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 janvier 1993, 91-11623


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme SOGEA, dont le siège social est sis ... à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine),

en cassation d'un arrêt rendu le 17 janvier 1991 par la cour d'appel de Paris, (1ère chambre, section concurrence), au profit de M. le ministre chargé de l'Economie et des Finances et du Budget, en ses bureaux sis Hôtel du Louvre ... 1er,

défendeur à la cassation ; En présence de :

18/ la société anonyme Borie SAE, dont le siège social est

...,

28/ la société anonyme SVTP, dont le siège social est ...,

38/ la société anony...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société anonyme SOGEA, dont le siège social est sis ... à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine),

en cassation d'un arrêt rendu le 17 janvier 1991 par la cour d'appel de Paris, (1ère chambre, section concurrence), au profit de M. le ministre chargé de l'Economie et des Finances et du Budget, en ses bureaux sis Hôtel du Louvre ... 1er,

défendeur à la cassation ; En présence de :

18/ la société anonyme Borie SAE, dont le siège social est ...,

28/ la société anonyme SVTP, dont le siège social est ...,

38/ la société anonyme Beylat et compagnie, dont le siège social est ...,

48/ la société anonyme Cochery, Bourdin, Chausse, dont le siège social est sis ... (Hauts-de-Seine),

58/ la société anonymeTMBTP, dont le siège social est ... (Hauts-de-Seine),

68/ la société de travaux publics et particuliers, Entreprises X... Marius, société anonyme, dont le siège social est ... (Hauts-de-Seine),

78/ la société anonyme Lyonnaise de terrassements puits et travaux publics (STTP), dont le siège social est ... à Pierre Y... (Lyon),

88/ la société anonyme l'Entreprise Industrielle, dont le siège social est ...,

98/ la société anonyme STPA, dont le siège social est ... à Fontainessur-Saône (Rhône)

108/ la société anonyme Bouhey, dont le siège social est sis Impasse de la Tête Noire à Fleurieu-sur-Saône (Rhône),

118/ la société anonyme Perrier, dont le siège social est Route de Lyon, BP 164 à Saint-Priest (Rhône),

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ; d d LA COUR, en l'audience publique du 13 novembre 1992, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Z..., Mme A..., MM. Vigneron, Leclercq, conseillers, MM. Lacan, Huglo, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseilleromez, les observations de Me Choucroy, avocat de la société SOGEA, de Me Ricard, avocat du ministre chargé de l'Economie, des Finances et du Budget, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré

conformément à la loi ; Donne acte à la société SOGEA de son désistement envers les sociétés Borie, SVTP, Beylat, Cochery Bourdin Chausse TMBTP, X..., STTP, Entreprise industrielle, STPA, Bouhey et Perrier ; Attendu que selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 janvier 1991) la société SOGEA, a, par décision numéro 90-D-16 du Conseil de la concurrence ,été déclarée responsable d'agissements commis, en 1984, à l'occasion de la soumission de travaux d'assainissement de la communauté urbaine de Lyon dite Courly et du collecteur de la vallée des Razes, ayant pour effet de porter atteinte à la concurrence, et a été condamnée au paiement de sanctions pécuniaires ; que la cour d'appel a confirmé la décision du Conseil de la concurrence ; Sur le premier moyen pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré la société SOGEA responsable d'entente prohibée à l'occasion de la soumission des marchés d'assainissement de la Courly et de construction du collecteur de la vallée de Razes alors, selon le pourvoi, d'une part, que la société SOGEA avait montré que les deux appels d'offres en cause étaient ponctuels, locaux, isolés et sans relation avec d'autres marchés, ce qui excluait qu'ils puissent entraîner une affectation quelconque du marché économique général, et donc une atteinte à la concurrence ; qu'en ne justifiant pas en quoi "deux segments du marché" auraient pu affecter "une partie importante du secteur des travaux publics de la région Rhône-Alpes", et en se référant au caractère "général, systématique et organisé des ententes", qui ne pouvait concerner les deux "segments de marché" seuls incriminés dans le présent litige, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé une affectation du marché économique générale et une entrave à la concurrence sur le marché, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que les caractéristiques des marchés d'assainissement en cause et la politique du maître de l'ouvrage conduisaient à écarter le jeu de la concurrence, puisque la procédure

appliquée tendait à maintenir un équilibre entre les entreprises locales, conduisait à la sélection systématique des mêmes entreprises déjà localement implantées et à l'attribution d'un lot unique par adjudicataire, entraînait la publication des résultats et des rabais proposés lors des précédents appels d'offres, si bien qu'en ne recherchant pas si ces facteurs extérieurs à l'entente prétendue n'étaient pas la cause déterminante de la situation de non-concurrence et n'enlevaient pas ainsi l'élément légal d'imputabilité aux faits incriminés, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; et alors, enfin, qu'en ne tenant aucun compte, pour fixer le montant des sanctions pécuniaires, de ses propres constatations relatives aux caractéristiques des marchés d'assainissement et à la politique en ce domaine des maîtres de l'ouvrage, qui caractérisaient l'imputabilité

au moins partielle de l'entrave à la concurrence à des facteurs étrangers à l'entente prétendue et qui étaient de nature à influer nécessairement sur la gravité des faits incriminés à la société SOGEA, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; Mais attendu que la cour d'appel a rappelé que le Conseil de la concurrence avait relevé que le résultat des appels d'offres et les pièces saisies faisaient apparaître que les entreprises s'étaient entendues pour la répartition des lots et a, avec précision, décrit et analysé le secteur économique et les marchés concernés par les appels d'offres en caractérisant pour chacune des entreprises le rôle qu'elle avait eu à cet égard ; qu'elle a pu retenir que cette entente même si elle ne portait que sur deux marchés, avait eu pour effet d'entraver le libre jeu de la concurrence sur le marché concerné ; que les pratiques utilisées par le maître de l'ouvrage tant à l'occasion de l'appel d'offres litigieux que des précédents, même si elles facilitaient les pratiques irrégulières des entreprises ne peuvent pas faire échec à l'application des dispositions des textes invoqués dès lors qu'était établie à l'encontre de la société SOGEA l'existence d'une pratique tendant à fausser le jeu de la concurrence ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société SOGEA pour pratique anticoncurrentielle à l'occasion de l'appel d'offres pour le marché de maintenance du réseau d'assainissement de la Courly, alors, selon le pourvoi, d'une part, selon le pourvoi, que la preuve d'une volonté personnelle de participer à une concertation prohibée est une condition nécessaire de l'incrimination de pratique anticoncurrentielle ; qu'ainsi, en se bornant à énoncer, au soutien de sa décision, que "les documents découverts au siège des sociétés Perrier et STTP révélaient à tout le moins que des échanges d'informations avaient eu lieu entre ces deux sociétés et avec d'autres concernées par les mêmes marchés", sans caractériser de manière certaine la participation personnelle volontaire de la SOGEA à une pratique anticoncurrentielle, la cour d'appel qui s'est bornée à envisager collectivement la responsabilité de l'ensemble des entreprises citées dans les documents saisis n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; alors, d'autre part, que, en énonçant que l'engagement "Mazza" découvert au siège d'une société STTP et signé par plusieurs responsables d'entreprises, mais précisément pas par les responsables de la SOBEA, auraient été de nature à faire preuve incontestable de l'entente à l'égard de la société SOGEA, la cour d'appel a méconnu l'effet relatif des contrats et n'a pas légalement caractérisé la participation personnelle de la SOGEA à l'entente incriminée, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article 1165 du Code civil et de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; et alors, enfin, qu'en se bornant à envisager globalement la force

probante des documents retenus à l'égard de l'ensemble des entreprises citées dans ces documents, sans établir, à l'égard de la société SOBEA, par des constatations pertinentes, l'existence d'indices graves, précis et concordants prouvant sa volonté personnelle de participer à une concertation prohibée, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; Mais attendu que la cour d'appel a retenu que les documents saisis, notamment au siège des sociétés Perrier et STTP, faisaient apparaître que seules les entreprises sélectionnées avaient concouru pour l'appel d'offres relatif à ce marché et que chacune d'elles ne pouvait être retenue que pour un seul lot, a relevé que l'analyse des différents appels d'offres montrait que la société SOGEA, comme chacune des autres entreprises, avait obtenu le marché qu'elle souhaitait après avoir minoré son estimation alors que les autres entreprises, à l'occasion du même marché, avaient consenti des rabais moins importants ; que la cour d'appel a, par une analyse souveraine des éléments de preuve soumis à son appréciation, caractérisé l'existence de pratiques anticoncurrentielles à l'occasion de ce marché par la société SOGEA ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le troisième moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société SOGEA pour pratique anticoncurrentielle à l'occasion de l'appel d'offre pour le marché de la construction de collecteur de la vallée des RAZES alors, selon le pourvoi, d'une part,

que la preuve d'une volonté personnelle de participer à une concertation prohibée est une condition nécessaire de l'incrimination de pratique anticoncurrentielle ; qu'à cet égard, la société SOGEA avait montré que le document unique, établi hors de son concours, retenu, émanait d'une autre entreprise et qu'il ne pouvait, en conséquence, suffire à établir à lui seul sa participation à une concertation ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à envisager collectivement la responsabilité de l'ensemble des entreprises dont les noms étaient énumérés sur le document saisi chez le tiers, sans caractériser la volonté personnelle de la société SOGEA de participer à une pratique anticoncurrentielle, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; et alors, d'autre part, qu'en se bornant à faire état, à l'appui de sa décision, d'un document unique et juger, ainsi, qu'une seule mention manuscrite sur un document émanant d'un tiers était de nature à prouver, en l'absence d'indices graves, précis et concordants, l'existence d'une volonté personnelle de

participer à une concertation prohibée, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; Mais attendu que la cour d'appel a relevé que les documents saisis notamment les fiches figurant dans un dossier découvert dans le

bureau du président du conseil d'administration de la société STTP montraient que toutes les sociétés concernées au nombre desquelles figurait la société SOGEA avaient communiqué leurs études de prix à l'une d'entre elles pour lui permettre de présenter l'offre la plus intéressante et a ainsi, appréciant souverainement la portée des éléments de preuve, estimé que cette pratique était anticoncurrentielle ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le quatrième moyen pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société SOGEA à une sanction pécuniaire alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en

ne justifiant pas en quoi, pour condamner la société SOGEA à des sanctions d'un montant de 900 000 francs et 300 000 francs sans rapport avec le montant d'autres sanctions prononcées, elle avait tenu compte de la gravité des faits reprochés, de l'importance des dommages causés à l'économie, de la situation financière et de la dimension de l'entreprise intéressée, la cour d'appel a méconnu le principe de proportionnalité et d'individualisation de la sanction, et n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; alors, d'autre part, que le montant maximum de la sanction pécuniaire applicable est fixé, si le contrevenant est une entreprise, à 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos avant le premier acte interruptif de la prescription ; que si l'entreprise exploite des secteurs d'activité différents, le chiffre d'affaires à prendre est celui du ou des secteurs où a été commise l'infraction ; que se fondant sur cette règle, la société SOGEA avait montré que le chiffre d'affaires à prendre en considération pour la société SGE BTP était nul, puisque cette société n'avait, à l'époque, aucune activité dans le secteur de l'entretien et de l'assainissement, et qu'elle s'occupait essentiellement

de travaux de construction et de génie civil ; qu'en n'opposant aucune réfutation à ce moyen, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions, violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que pour la même raison en retenant, sans justification, un chiffre d'affaires de 43 000 000 francs dont n'avait jamais fait état la société SOGEA, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ; et alors, enfin, qu'un secteur d'activité est déterminé par l'objet de prestations spécifiquement fournies à l'occasion d'un marché donné, si bien qu'en énonçant que le secteur d'activité ne devait pas s'entendre comme celui spécifiquement relatif aux travaux d'assainissement, la cour d'appel a faussement appliqué le critère légal de fixation du maximum de la sanction pécuniaire posé par l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que, pour chacune des entreprises concernées, le Conseil de la concurrence avait caractérisé la gravité des faits reprochés et que le dommage causé à l'économie résultait du caractère généralisé, systématique et organisé des ententes incriminées ; que, répondant en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, elle a retenu que le secteur concerné par les pratiques était celui des travaux publics et assainissements, comprenant les travaux routiers, les ouvrages d'art et de terrassements, les travaux d'assainissement et d'hygiène publics et fixé le montant des sanctions pécuniaires infligées à la société SOGEA après avoir rappelé le chiffre d'affaires de cette société pour le compte des sociétés SGE BTP et SOBEA, dont elle avait retenu la participation aux travaux obtenus à l'aide des pratiques litigieuses, sans dépasser le maximum légal ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-11623
Date de la décision : 12/01/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Libre concurrence - Entente - Travaux publics et assainissements - Appel d'offres sur marché public - Pratiques tendant à fausser le jeu de la concurrence - Décision du Conseil de la concurrence - Montant des sanctions pécuniaires ne dépassant pas le maximum légal - Constatations suffisantes.


Références :

Ordonnance du 30 juin 1945 art. 50 et 53
Ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986 art. 7

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 janvier 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 12 jan. 1993, pourvoi n°91-11623


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.11623
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