LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Chocolaterie du cheval blanc, dont le siège social est zone industrielle Rochetoirin, boîte postale 256 à La Tour du Pin (Isère),
en cassation d'un jugement rendu le 31 août 1990 par le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu, au profit de :
18/ M. le directeur général des Impôts, domicilié ... (12e),
28/ M. le directeur régional des Impôts de Lyon, domicilié ... (3e) (Rhône),
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 novembre 1992, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Vigneron, les observations de Me Cossa, avocat de la société Chocolaterie du cheval blanc, de Me Goutet, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon le jugement déféré, que la société Cheval blanc a fait apport à la société Chocolaterie du cheval blanc (la chocolaterie) de certains biens mobiliers constituant des éléments incorporels de son fonds de commerce ; que, pour la perception du droit d'apport prévu à l'article 810 du Code général des Impôts, l'administration fiscale a procédé à un redressement de la valeur déclarée et a émis un avis de mise en recouvrement des droits et pénalités estimés dus en adoptant une valeur conforme à l'avis émis par la commission départementale de conciliation fondée sur une évaluation des biens litigieux en tant qu'éléments de fonds de commerce faite selon la méthode prenant en considération les bénéfices ; que la chocolaterie a contesté cette évaluation, sans toutefois soutenir que les règles applicables aux fonds de commerce devaient être exclues ; Sur le premier moyen :
Attendu que la chocolaterie fait grief au jugement d'avoir rejeté son opposition à l'avis de mise en recouvrement, alors, selon le pourvoi, que la valeur vénale réelle d'après laquelle les fonds de commerce sont évalués pour la liquidation des droits de succession à
titre onéreux est constituée par le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel au jour de la mutation ; qu'en se référant aux barêmes les plus utilisés et aux calculs de l'administration en découlant pour évaluer la valeur des apports, sans rechercher s'il n'existait pas de comparaison possible tirée de la cession, l'époque de la mutation, de fonds de commerce intrinsèquement similaires, ni, a fortiori, constater qu'une telle comparaison était impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 810 du Code général des Impôts ; Mais attendu que la chocolaterie, à laquelle incombait, selon la législation alors en vigueur, la preuve du caractère exagéré de l'évaluation retenue, n'a pas invoqué, devant le tribunal, la nécessité de recourir à des éléments de comparaison intrinsèquement similaires ; qu'elle ne peut donc reprocher au tribunal d'avoir omis une recherche qu'elle ne lui avait pas demandée ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le second moyen :
Vu l'article 810 du Code général des Impôts, ensemble l'article L. 17 du Livre des procédures fiscales ; Attendu que, pour statuer ainsi qu'il a fait, le jugement, après avoir relevé les résultats chiffrés de la méthode utilisée, comportant notamment un abattement pour prise en compte du contrat de franchise, retient que l'estimation faite par l'administration de la valeur vénale des éléments incorporels du fonds de commerce a tenu compte des perspectives d'avenir favorables de l'entreprise, à l'époque, par application de coefficients de pondération, et que les résultats ultérieurs de la chocolaterie ont confirmé la justesse de cette analyse ; Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir la valeur vénale réelle des biens litigieux isolés de l'universalité constituant le fonds de commerce et sans préciser concrètement en quoi l'abattement pour prise en compte du contrat de franchise était justifié dans son montant, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 31 août 1990, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu ; remet, en conséquence, la cause et
les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Lyon ;
Condamne le directeur général des Impôts et le directeur régional des Impôts de Lyon, envers la société Chocolaterie du cheval blanc, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres du tribunal de grande instance de Bourgoin-Jallieu, en marge ou à la suite du jugement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze janvier mil neuf cent quatre vingt treize.