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Attendu qu'en juin 1989, M. Jean-François Y... a mis en vente à la galerie Christie's de Londres deux plâtres d'Alberto X..., qu'il avait acquis de Diego X..., frère de l'artiste, à qui celui-ci les avait donnés ; que le catalogue mentionnait notamment que ces oeuvres avaient figuré, hors catalogue, dans une exposition X... organisée à Martigny en 1986 ; que, le 23 juin 1989, Mme X..., veuve d'Alberto X..., et son héritière, et par conséquent titulaire du droit moral sur ses oeuvres, adressa à la société Christie's, une lettre dans laquelle elle corrigeait les indications du catalogue relatives aux circonstances de l'élaboration de ces oeuvres, précisait que ce lot était seulement une maquette qu'Alberto X... n'avait pas retenu, et qu'elle n'avait pas été exposé, même hors catalogue, en 1986 ; qu'elle demandait en outre à la galerie de faire lire avant la vente une " annonce " comportant ces informations et ajoutant " qu'il n'y aurait donc aucune fonte à partir des maquettes en plâtre composant ce lot " ; que la société Christie's n'a donné aucune suite à cette intervention, ni avant ni au cours de la vente, qui s'est d'ailleurs déroulée sans que les plâtres atteignent le prix de réserve fixé par M. Grenet ; que celui-ci, soutenant que les allégations de Mme Giacometti, " inexactes et inspirées par la malveillance ", lui avaient porté préjudice, l'a fait assigner en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel (Paris, 7 novembre 1990) lui a alloué " le franc symbolique pour préjudice moral " ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le moyen critique les énonciations de l'arrêt qui retiennent que Mme X... a commis une faute en affirmant dans la lettre précitée " des faits inexacts ou des faits dont elle n'a pu apporter la preuve " ;
Attendu que l'arrêt retient que l'affirmation de Mme X... selon laquelle les plâtres exposés par M. Y... n'étaient pas des oeuvres achevées et ne feraient pas l'objet d'une autorisation de fonte " était en l'état discutable ", en raison tant de l'opinion exprimée " par des critiques d'art sérieux " que d'un écrit de Diego X... attestant que son frère lui avait consenti le droit de faire couler ces plâtres en bronze ;
Attendu que Mme X... soutient justement qu'héritière du droit moral de l'auteur, et, à ce titre, investie par la loi de la mission de faire valoir le droit au respect de ses oeuvres, possédant de surcroît une connaissance particulière de l'activité artistique de son mari, elle n'avait pu commettre aucune faute en cherchant à rendre public ce qu'elle estimait savoir des intentions de l'auteur et des circonstances de la création de ses oeuvres ; que l'arrêt ne relève pas davantage qu'elle ait agi de mauvaise foi en faisant connaître sa décision de n'accorder aucune autorisation de fonte, alors qu'à cette époque, M. Y... n'avait jamais fait mention d'une autorisation prétendument donnée de son vivant par Alberto X... à son frère et cédée par celui-ci avec la propriété des plâtres ;
Mais attendu qu'abstraction faite des motifs ainsi critiqués, l'arrêt retient que Mme X... avait nié que les oeuvres en cause eussent été présentées à l'exposition X... de 1986, alors qu'il s'agissait là d'un fait avéré ; que la cour d'appel a pu estimer que cette accusation d'inexactitude, formulée trop légèrement contre M. Y..., constituait une imprudence fautive ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches :
Attendu que Mme X... soutient toutefois qu'il n'existe aucun lien de causalité entre une telle allégation et un prétendu risque de dépréciation des oeuvres en cause, risque qui, en toute hypothèse, ne pourrait constituer le préjudice moral qu'a retenu l'arrêt sans le caractériser ;
Mais attendu qu'en retenant souverainement que l'interprétation formulée par la lettre litigieuse pouvait contribuer à répandre l'opinion que les plâtres en cause étaient des oeuvres secondaires, ce qui n'affectait pas seulement leur valeur marchande, la cour d'appel a pu estimer que Mme X... avait causé à leur propriétaire un préjudice de nature morale ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que les motifs ci-dessus énoncés sur le premier moyen rendent sans objet la deuxième branche du second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi