.
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 mars 1990), rendu sur renvoi après cassation, et les productions, que M. Marcel X... dit El Mechali, né à Sale-Rabat (Maroc) le 16 novembre 1923, a été reconnu par Clotilde X..., de nationalité française, le 3 mars 1959 ; que la nationalité française, qui lui avait été reconnue sur le fondement de l'article 1.4° de la loi du 10 août 1927 en sa qualité d'enfant naturel né d'un parent français à l'égard duquel sa filiation avait été établie en premier lieu, a été ensuite contestée par le ministère public ; qu'il a alors soutenu qu'il était enfant légitime de Amram El Mechali, de nationalité marocaine, et de Clotilde X..., de nationalité française, dont le mariage avait été célébré au Maroc, selon le mode judaïque, le 24 janvier 1923 et qu'il devait, en conséquence, se voir reconnaître la nationalité française sur le fondement de l'article 1.1° de la loi du 10 août 1927 ; que M. X... a été débouté de ses prétentions par un arrêt confirmatif contre lequel il s'est pourvu en invoquant notamment l'article 1er du décret du 8 novembre 1921 relatif à la nationalité française dans la zone française de l'Empire chérifien ; que cet arrêt a été cassé sur le fondement de ce texte ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'il n'était pas français et d'avoir annulé le certificat de nationalité qui lui avait été délivré, alors que, d'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 8 novembre 1921, est français tout individu né dans la zone française de l'Empire chérifien, de parents dont l'un, justiciable à titre étranger des tribunaux français du protectorat, est lui-même né dans cette zone, pourvu que sa filiation soit établie avant l'âge de 21 ans ; qu'il en résulterait, à plus forte raison, qu'est français l'enfant né dans la zone française de l'Empire chérifien, de parents dont l'un est français et né en France, lorsque sa filiation est établie avant sa majorité ; que les juges du fond ayant constaté que M. X... est né dans la zone française du Maroc, et qu'il est le fils de Clotilde X..., de nationalité française, la cour d'appel, en ne recherchant pas si, comme il était soutenu, la filiation de M. X... n'était pas établie à l'égard d'Amram El Mechali et de Clotilde X..., par une possession d'état d'enfant légitime constituée pendant sa minorité, et, pour le cas où M. X... devrait être considéré comme un enfant naturel, si sa filiation maternelle n'était pas établie par une possession d'état constituée pendant sa minorité, n'aurait pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 1er du décret du 8 novembre 1921, alors que, d'autre part, aux termes de l'article 1er, alinéa 3, de la loi du 10 août 1927, est français l'enfant légitime né d'une mère française en France ; que, si, en application de l'article 1er du décret du 8 novembre 1921, la résidence d'individus étrangers dans la zone française de l'Empire chérifien était assimilée, pour l'acquisition de la nationalité française, à une résidence en France, à plus forte raison devait l'être la résidence d'une mère française dans cette zone, si bien que M. X..., né d'une mère française dans la zone française de l'Empire chérifien, devrait être considéré comme né en
France pour l'acquisition de la nationalité française ; qu'ainsi la cour d'appel aurait violé l'article 1er, alinéa 3, de la loi du 10 août 1927 ; et alors, enfin, qu'en ne recherchant pas, pour le cas où M. X... devrait être considéré comme un enfant naturel, si sa filiation maternelle n'était pas établie par une possession d'état constituée pendant sa minorité, de telle sorte qu'il aurait pu invoquer l'article 1er, alinéa 4, de la loi du 10 août 1927, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
Mais attendu, en premier lieu, que le protectorat français, institué par le traité de Fez du 30 mars 1912 sur une partie du territoire de l'Empire chérifien, a laissé à l'Etat protégé le caractère d'Etat étranger ; que c'est à bon droit que l'arrêt attaqué, en énonçant que le décret du 8 novembre 1921, applicable sur cette partie de territoire, était d'interprétation stricte et qu'il ne pouvait y être ajouté de dispositions implicites, a retenu que M. X... ne remplissait pas les conditions requises par ce texte pour l'attribution de la nationalité française, sa mère, née en France, de nationalité française, étant justiciable en tant que Française (et non à titre étranger) des tribunaux français du protectorat et son père, né au Maroc (dans la zone française), de nationalité marocaine, n'étant pas soumis auxdits tribunaux ; qu'il s'ensuit que M. X... ne peut prétendre au bénéfice des textes invoqués et que la cour d'appel n'a pas méconnu ces mêmes textes en statuant comme elle l'a fait ;
Attendu, en second lieu, que selon l'article 1.4° de la loi du 10 août 1927 sur la nationalité, texte applicable à la date à laquelle M. X... est devenu majeur, la nationalité française était attribuée à l'enfant naturel dont la filiation était établie pendant sa minorité, par reconnaissance ou par jugement ; que, si la possession d'état peut produire en la matière les mêmes effets qu'une reconnaissance ou qu'un jugement, c'est à la condition que l'acte constatant cette possession ait été établi pendant la minorité de l'enfant ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi MOYEN ANNEXÉ
Moyen produit par M. Y..., avocat aux Conseils, pour M. X...
MOYEN UNIQUE DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'exposant n'était pas français, et d'avoir annulé le certificat de nationalité délivré le 20 août 1974, par le juge d'instance du premier arrondissement de Paris ;
AUX MOTIFS QUE les dispositions intervenues en matière de nationalité, qui sont d'ordre public, sont de droit étroit et d'interprétation stricte ; qu'il ne saurait y être ajouté de dispositions implicites quelconques, par la voie d'interprétation à peine de détourner le texte de sa finalité ; que, pour prétendre à la nationalité française, sur le fondement du décret du 8 novembre 1921, les conditions suivantes doivent être réunies :
- être né dans la zone française de l'Empire chérifien ;
- être né de parents dont l'un est justiciable au titre étranger des tribunaux français du protectorat ;
- ce parent devant lui-même être né en cette zone ;
- la filiation devant être établie régulièrement avant l'âge de 21 ans ;
que M. X... ne remplissait que la première condition ; que sa mère, relevant des tribunaux français, non en qualité d'étrangère, mais de Française, et que son père, de nationalité marocaine, relevant des tribunaux chérifiens ; que la troisième condition n'était pas satisfaite, puisque la mère, de nationalité française, était née en Algérie et que le père, né dans la zone française du protectorat, ne relevait pas des tribunaux français ; que la quatrième condition faisait également défaut, puisque la filiation n'avait été établie officiellement qu'en 1959, alors que l'exposant avait plus de 21 ans ; qu'il importait peu qu'il ait eu ou non, pendant la minorité, possession d'état d'enfant légitime, ce seul fait n'empêchant pas qu'il manquerait deux autres conditions pour satisfaire aux dispositions de l'article 1er du décret du 8 novembre 1921 ;
ALORS QUE, D'UNE PART, aux termes de l'article 1er du décret du 8 novembre 1921, est français tout individu né dans la zone française de l'Empire chérifien, de parents dont l'un, justiciable à titre étranger des tribunaux français du protectorat, est lui-même né dans cette zone, pourvu que sa filiation soit établie avant l'âge de 21 ans ; qu'il en résulte, à plus forte raison, qu'est français l'enfant né dans la zone française de l'Empire chérifien, de parents dont l'un est français et né en France, lorsque sa filiation est établie avant sa majorité ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que M. X... est né dans la zone française du Maroc et qu'il est le fils de Clotilde X..., de nationalité française ; que l'arrêt attaqué n'a pas recherché si, comme il était soutenu, la filiation de M. X... n'était pas établie à l'égard d'Amram El Mechali et de Clotilde X..., par une possession d'état d'enfant légitime constituée pendant sa minorité, de sorte qu'il aurait été en droit de se prévaloir des dispositions du texte susvisé ; qu'il n'a pas non plus recherché, pour le cas où M. X... devrait être considéré comme un enfant naturel, si sa filiation maternelle n'était pas établie par une possession d'état constituée pendant sa minorité, de sorte qu'il aurait pu encore invoquer les dispositions de ce texte ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision, au regard de l'article 1er du décret du 8 novembre 1921 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, aux termes de l'article 1er, alinéa 3, de la loi du 10 août 1927, est français l'enfant légitime né d'une mère française en France ; que, si, en application de l'article 1er du décret du 8 novembre 1921, la résidence d'individus étrangers dans la zone française de l'Empire chérifien était assimilée, pour l'acquisition de la nationalité française, à une résidence en France, à plus forte raison devait l'être la résidence d'une mère française dans cette zone, si bien que l'exposant, né d'une mère française dans la zone française de l'Empire chérifien, devait être considéré comme né en France pour l'acquisition de la nationalité française ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1er, alinéa 3, de la loi du 10 août 1927 ;
ALORS, ENFIN, QUE, aux termes de l'article 1er, alinéa 4, de la loi du 10 août 1927, tout enfant naturel dont la filiation est établie, pendant la minorité, par reconnaissance ou par jugement, lorsque celui des parents, à l'égard duquel la preuve a d'abord été faite, est français ; qu'en ne recherchant pas, pour le cas où M. X... devrait être considéré comme un enfant naturel, si la filiation maternelle n'était pas établie par une possession d'état constituée pendant sa minorité, de sorte qu'il aurait pu invoquer cette règle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 1er, alinéa 4, de la loi du 10 août 1927.