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Attendu qu'une grève, avec occupation des lieux, a commencé le 18 octobre 1988 dans l'usine de la société France glaces Findus à Beauvais ; qu'à la suite des débordements survenus au cours de ce mouvement, la société a licencié pour faute lourde, les 10 et 12 novembre 1988, dix-sept salariés ; que ces derniers ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la nullité des licenciements et leur réintégration ;
Sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen en tant qu'il concerne MM. X..., B..., I..., J..., Philippe, Sanher, Duval et Pelletier : (sans intérêt) ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, s'agissant de M. E... :
Vu l'article L. 521-1 du Code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. E..., la cour d'appel retient qu'il a omis de prendre une mesure de sécurité, à savoir de fermer les vannes d'arrivée de gaz de deux fours et que ce comportement est constitutif d'une faute lourde ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser en vertu de quelle obligation le salarié gréviste aurait été tenu de prendre des mesures de sécurité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, s'agissant de MM. A..., F..., Z..., H... et G...
D... :
Vu l'article L. 122-14-2 du Code du travail alors applicable ;
Attendu que, selon ce texte, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique ou pour un motif disciplinaire, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L. 122-14-1 ; que cette lettre fixe les limites du débat ;
Attendu que pour débouter MM. A..., F..., Z..., H... et G...
D... de leur demande, la cour d'appel retient à leur charge des faits d'entrave à la liberté du travail, d'expulsion de cadres de leurs tâches et de rétention du train frigorifique, qui auraient caractérisé une faute lourde de leur part ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces faits n'étaient pas mentionnés dans les lettres de licenciement reçues par les intéressés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l'article 7 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et l'article L. 521-1 du Code du travail ;
Attendu que la cessation collective et concertée du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles caractérise l'exercice du droit de grève ; que la commission, par certains salariés grévistes, d'actes illicites au cours de leur mouvement, ne modifie pas la nature de ce dernier ; que ce n'est qu'au cas où la grève entraîne la désorganisation de l'entreprise qu'elle dégénère en abus ;
Attendu que pour débouter MM. Y... et C... de leur demande, la cour d'appel, qui ne relève à leur charge aucun fait personnel, énonce que des faits illicites, tels que la fermeture de la vanne principale de gaz et l'obstruction apportée à sa réouverture, ont été commis par des grévistes, que cette situation a rendu la grève illicite et que la seule participation à un mouvement qui n'entre pas dans le cadre licite du droit de grève constitue une faute lourde à forme collective ;
Qu'en statuant ainsi, alors que seuls les auteurs des faits illicites devaient répondre de leurs actions et alors qu'elle n'a pas caractérisé un abus du droit de grève, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne MM. A..., Y..., C..., F..., E..., Z..., H... et G...
D..., l'arrêt rendu le 23 janvier 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen