LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois n°s X/91-70.097 et P/91-70.112 formés par Mme Andrée F..., née Y..., demeurant ..., à Saint-Hilaire Saint-Florent (Maine-et-Loire),
en cassation d'un arrêt rendu le 18 janvier 1991 par la cour d'appel d'Angers (chambre des expropriations), au profit de l'Etat français, représenté par le ministre de l'Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer (DDE du Maine-et-Loire), domicilié 32, avenue du Président Kennedy, à Paris (16ème),
défendeur à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de ses recours, un moyen unique de cassation, identique dans chacun des pourvois, annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 21 juillet 1992, où étaient présents :
M. Beauvois, président, M. Deville, conseiller rapporteur, MM. E..., G..., A..., Z..., D...
C..., M. X..., Mlle B..., M. Chemin, conseillers, M. Chapron, conseiller référendaire, M. Marcelli, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Deville, les observations de la SCP Defrénois et Levis, avocat de Mme F..., de Me Vincent, avocat de l'Etat français, les conclusions de M. Marcelli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Joint les pourvois n° X/91-70.097 et n° P/91-70.112 ; Sur le moyen unique de chacun des pourvois :
Attendu que Mme F... reproche à l'arrêt attaqué (cour d'appel d'Angers, 18 janvier 1991) de fixer l'indemnité qui lui est due à la suite de l'expropriation, au profit de l'Etat français, de parcelles lui appartenant, alors, selon le moyen, "1°) que la cour d'appel, qui constate que les parcelles litigieuses contenaient des gisements de sable, ne pouvait refuser de tenir compte de la plus-value résultant de l'existence de ces gisements, sans violer les articles L. 13-13 et L. 13-14 du Code de l'expropriation ; 2°) qu'il appartient à l'autorité expropriante, qui soutient que les gisements ne peuvent être pris en compte parce que leur exploitation est juridiquement impossible, d'en rapporter la preuve ; qu'en décidant, dès lors, qu'il incombait à l'expropriée de rapporter la preuve que l'exploitation de ces gisements était juridiquement possible, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ; 3°) que la cour d'appel a affirmé que l'autorité expropriante justifiait de l'impossiblité d'exploitation en raison du zonage des terrains et de l'absence d'étude de paysage ; qu'en statuant de la sorte, sans préciser sur quels éléments de
preuve était fondée une telle assertion, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale, au regard des articles L. 13-13 et L. 13-14 du Code de l'expropriation ; 4°) qu'en réponse à l'argumentation de l'expropriée selon laquelle la récupération de sable, lors de la réalisation des travaux déclarés d'utilité publique, entraînerait un enrichissement de l'autorité expropriante, cette dernière faisait valoir
que le sable récupéré ne pouvait servir qu'à la constitution de remblais et ne pourrait donc être source de valeur ajoutée ; qu'en énonçant, dès lors, qu'il appartenait à l'expropriée d'établir que le sable récupéré ne serait pas utilisé pour la construction de remblais, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et, par suite, a violé l'article 1315 du Code civil" ; Mais attendu que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a légalement justifié sa décision en relevant que les gisements de sable n'étaient pas exploités à la date de la déclaration d'utilité publique, que l'autorité expropriante apportait la preuve que la réglementation interdisait une telle exploitation en raison du "zonage" des terrains et en l'absence d'étude de paysage, et que le sable, de nature ordinaire, n'étant utilisable que pour la construction de remblais, ne pouvait donner lieu à aucune plusvalue ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ; Condamne Mme F..., envers l'Etat français, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt huit octobre mil neuf cent quatre vingt douze.