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20/08/1992 | FRANCE | N°92-82970

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 août 1992, 92-82970


CASSATION PARTIELLE et REGLEMENT DE JUGES sur les pourvois formés par :
- X... Constanzo, Y... Stéphane, Z... Chantal, épouse Y..., A... Gérard, B... André, C... Robert, C... Raphaël, D... Marcel,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 23 janvier 1992, qui les a renvoyés devant la cour d'assises du département des Bouches-du-Rhône, sous l'accusation :
- X..., Y..., A..., B..., C... Robert, C... Raphaël et D... de vols aggravés criminels, arrestation et, à l'exception de Y..., séquestration de personnes prises comme otages et a

ssociation de malfaiteurs,
- Y... de tentative d'homicides volontaire...

CASSATION PARTIELLE et REGLEMENT DE JUGES sur les pourvois formés par :
- X... Constanzo, Y... Stéphane, Z... Chantal, épouse Y..., A... Gérard, B... André, C... Robert, C... Raphaël, D... Marcel,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 23 janvier 1992, qui les a renvoyés devant la cour d'assises du département des Bouches-du-Rhône, sous l'accusation :
- X..., Y..., A..., B..., C... Robert, C... Raphaël et D... de vols aggravés criminels, arrestation et, à l'exception de Y..., séquestration de personnes prises comme otages et association de malfaiteurs,
- Y... de tentative d'homicides volontaires,
- Z... Chantal de recel de vols criminels.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X..., Y..., Chantal Z..., A..., B... et Robert C... : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen de cassation proposé par Marcel D... : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour X..., Y..., B..., A... et Robert C... : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Raphaël C... : (sans intérêt) ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par Raphaël C... : (sans intérêt) ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation proposé pour X..., Y..., Chantal Z..., A..., B... et Robert C... et pris de la violation des articles 5 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 52, 81, 92, 93, 105, 106, 107, 151, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 1er de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale du 9 avril 1969, du principe de territorialité des pouvoirs des autorités étatiques, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé les époux Y..., X... et A... devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, après avoir refusé d'annuler la commission rogatoire internationale du 18 juin 1987, le procès-verbal de renseignements du 25 septembre 1987, le procès-verbal de compte rendu de mission du 28 septembre 1987, les actes et décisions subséquentes ;
" aux motifs que Y... n'avait pas le statut d'inculpé et qu'ainsi, les formes prescrites pour les interrogatoires ne s'appliquaient pas ; qu'il ne s'agissait pas davantage d'une audition de témoin ; qu'en effet, il n'était ni convoqué ni cité ; que l'entretien a eu lieu sur sa demande dans les formes qu'il exigait et a été interrompu de son chef ; qu'aucun texte n'interdit au juge d'instruction et aux policiers de dresser un procès-verbal de renseignements recueillis à l'occasion d'un transport à l'étranger, procès-verbal qui ne peut s'assimiler à un procès-verbal d'interrogatoire ou d'audition, s'agissant de la seule narration des faits portés à leur connaissance ;
" alors que, d'une part, le droit international public s'oppose à ce qu'un juge d'instruction accomplisse des actes, relevant de la souveraineté nationale, sur le territoire d'un Etat étranger ; que si ce principe peut être écarté par une convention internationale, au cas d'espèce, aucune convention internationale n'autorisait le juge d'instruction à opérer sur le territoire espagnol ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en violation des règles du droit international public ;
" alors que, d'autre part, à supposer même que le droit étranger permette à un juge d'instruction d'opérer sur son territoire, encore faut-il que le juge s'assure du contenu du droit étranger et vérifie que les règles de compétence et de forme du droit étranger ont été respectées ; qu'en l'espèce, faute de s'être expliqués sur le contenu du droit espagnol, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motifs ;
" alors que, de troisième part, en admettant même que la Convention franco-espagnole du 9 avril 1969 puisse être invoquée, bien qu'elle ne concerne normalement que les commissions rogatoires données par une autorité de l'un des deux Etats à une autorité de l'autre Etat, de toute façon, l'intervention sur le territoire étranger suppose une demande adressée par le ministre de la Justice de l'un des deux Etats au ministre de la Justice de l'autre, réserve faite du cas d'urgence ; que faute d'avoir constaté que cette règle de forme avait été respectée, les juges du fond, qui n'ont pas fait état de l'urgence, ont de nouveau entaché leur décision d'une insuffisance de motifs ;
" alors que, de quatrième part, le juge d'instruction a entendu Y... sans être assisté d'un greffier, de sorte que l'article 92 du Code de procédure pénale a été violé ;
" alors que, de cinquième part, ayant entendu Y..., le juge d'instruction devait établir un procès-verbal et inviter l'intéressé à le signer de sorte que la procédure s'est déroulée en violation des articles 106 et 107 du Code de procédure pénale " ;
Et sur le premier moyen de cassation proposé pour Marcel D... et pris de la violation des articles 92, 93, 101, 103, 106, 107, 112, 206, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le procès-verbal du juge, en date du 25 septembre 1987, relatant l'audition par ses soins de Y... ;
" aux motifs, d'une part, que la nullité alléguée, s'agissant d'une éventuelle atteinte aux droits de Stéphane Y..., à l'exclusion de tout autre inculpé, ne peut être soulevée que par lui ;
" et aux motifs, d'autre part, qu'il ne s'agissait pas d'une audition de témoin ; qu'en effet, il n'était ni convoqué ni cité, que l'entretien a eu lieu à sa demande dans les formes qu'il exigeait et a été interrompu de son chef ; qu'aucun texte n'interdit au juge d'instruction de dresser un procès-verbal de renseignements recueillis à l'occasion d'un transport à l'étranger, procès-verbal qui ne peut s'assimiler à un procès-verbal d'interrogatoire ou d'audition, s'agissant de la seule narration de faits portés à sa connaissance ;
" alors que, d'une part, le transport du juge et l'audition des témoins étant des actes d'instruction à l'égard de toutes les parties, celles-ci sont recevables à en contester la régularité devant la chambre d'accusation qui, en toute hypothèse, doit prononcer, même d'office, la nullité entachant tout acte de la procédure qui lui est soumise ;
" alors, d'autre part, qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'ordonnance de transport du 22 septembre 1987 (cote D. 676) et de l'arrêt attaqué, que le transport avait pour objet l'audition, à sa demande, de Y..., souhaitant faire des révélations importantes sur l'agression de la caisse d'épargne ; qu'en l'état de ces énonciations établissant que Y..., non encore inculpé, ne pouvait être entendu qu'en qualité de témoin, la chambre d'accusation se devait de relever la nullité de l'audition de ce témoin hors la présence du greffier et sans prestation de serment, et d'en tirer les conséquences légales qu'elle comportait ;
" et alors enfin que, de surcroît, en omettant également de prononcer, fût-ce d'office, la nullité du transport du 22 septembre 1987 et du procès-verbal du 25 septembre 1987 (cote D. 677) et de la procédure subséquente, nullité résultant du défaut d'assistance du greffier à ce transport et du défaut de signature dudit procès-verbal par le greffier, la chambre d'accusation a privé sa décision de base légale " ;
Et sur le premier moyen de cessation proposé pour Raphaël C... et pris de la violation des articles 92, 93, 106, 107, 112, 172, 184, 206 et 591 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense et du principe de loyauté dans la recherche des preuves :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de constater la nullité du procès-verbal de transport daté du 25 septembre 1987 constatant le déplacement du magistrat instructeur à Cordoue (Espagne) aux fins d'audition de Stéphane Y... (pièce cotée D. 677), et prononcer la nullité de la procédure subséquente :
" aux motifs que la nullité alléguée, s'agissant d'une éventuelle atteinte à ses droits, ne peut être soulevée que par Stéphane Y... ; qu'en outre, la nullité alléguée doit être rejetée puisqu'il ne s'agissait pas d'une audition d'un témoin, Y... n'étant ni convoqué ni cité et l'entretien ayant eu lieu à sa demande dans les formes qu'il exigeait ; qu'aucun texte n'interdit au juge d'instruction et aux policiers de dresser un procès-verbal de renseignements recueillis à l'occasion d'un transport à l'étranger ;
" alors, d'une part, que le procès-verbal d'audition d'un témoin lors d'un transport sur les lieux est un acte d'instruction opposable à tous les inculpés ; que les formes qui sont requises par les articles 92, 93, 106 et 107 du Code de procédure pénale n'ont pas pour objet de protéger les droits de la personne entendue mais de garantir, à l'égard de toutes les parties à la procédure, l'authenticité et la sincérité de la relation, par le procès-verbal, des opérations de transport et des déclarations du témoin ; que, dès lors, tous les inculpés peuvent se prévaloir de la nullité dudit procès-verbal laquelle ne peut être prononcée qu'à l'égard de toutes les parties à la procédure ;
" alors, d'autre part, que dès lors qu'un magistrat instructeur effectue une opération de transport en dehors de son cabinet pour procéder à un acte d'instruction, il doit obligatoirement être accompagné de son greffier et rédiger un procès-verbal retraçant l'ensemble des opérations ainsi effectuées, ce procès-verbal devant, à peine de nullité, être signé par le juge et le greffier ; qu'en l'espèce le procès-verbal, en date du 25 septembre 1987, qui ne mentionne pas la présence du greffier lors de cette opération et ne porte pas sa signature, doit être déclaré non avenu et retiré du dossier, cette nullité s'étendant à toute la procédure subséquente ;
" alors, de troisième part, que la chambre d'accusation aurait dû annuler d'office ce procès-verbal qui, au lieu de se borner à des constatations ou à des vérifications matérielles, contient certaines déclarations de Stéphane Y..., qui n'avait alors que la qualité de témoin, lesquelles n'ont pas été reçues dans les formes prescrites aux articles 103, 106 et 107 du Code de procédure pénale ; qu'en omettant de reconnaître le vice qui affectait cette pièce et de prononcer la nullité de celle-ci et de la procédure subséquente, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors enfin, que, dès lors que le juge d'instruction reçoit les déclarations d'une personne qui n'est pas partie à la procédure, que ces déclarations soient faites spontanément ou qu'elles soient provoquées par une convocation, il doit obligatoirement respecter les formes prévues par les articles 106 et 107 du Code de procédure pénale ; qu'en statuant ainsi, la chambre d'accusation a méconnu l'ensemble l'ensemble des textes susvisés ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si le juge d'instruction peut, en vertu de l'article 3 de la Convention franco-espagnole du 9 avril 1969 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale, assister aux actes d'exécution des commissions rogatoires qu'il a délivrées aux autorités de l'Etat étranger, il ne saurait, sans excéder ses pouvoirs, procéder à des actes d'instruction sur le territoire de cet Etat ;
Attendu que, de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, il résulte que le juge d'instruction, ayant appris que Stéphane Y... avait été interpellé en Espagne et désirait faire aux autorités françaises des déclarations sur le vol aggravé criminel commis le 9 février 1987 à la Caisse d'épargne de Marseille, objet de l'information au cours de laquelle une commission rogatoire en cours d'exécution avait été adressée aux autorités espagnoles, décidait, par ordonnance du 22 septembre 1987, de se transporter à Cordoue (Espagne) le même jour ;
Que, suivant " procès-verbal de renseignements " du 25 septembre 1987, le juge d'instruction a entendu Stéphane Y... ;
Attendu que, par les motifs rapportés aux moyens, la chambre d'accusation a refusé de prononcer l'annulation tant du procès-verbal du 25 septembre 1987 du juge d'instruction (D. 677) que du rapport de mission du commissaire de police retraçant ce transport, en date du 28 septembre 1987, (D. 767), observant en outre que seul Y... pouvait se prévaloir des irrégularités prétendues ;
Mais attendu qu'en s'abstenant de prononcer l'annulation du procès-verbal du 25 septembre 1987 et du rapport de mission du 28 septembre 1987 puis de tirer de cette annulation les conséquences légales qui pouvaient en découler, la chambre d'accusation a méconnu le principe ci-dessus rappelé ;
D'ou il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième moyen proposé pour Raphaël C... :
CASSE ET ANNULE, en ses dispositions relatives aux huit demandeurs, l'arrêt de la chambre d'accusation d'Aix-en-Provence, du 23 janvier 1992, et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon ;
Et pour le cas où cette chambre d'accusation déciderait qu'il existe des charges suffisantes contre ces demandeurs à l'égard des chefs de la poursuite faisant l'objet de la présente annulation ;
Vu l'article 611 du Code de procédure pénale ;
Réglant de juges par avance ;
DIT que la chambre d'accusation renverra lesdits acusés devant la cour d'assises du département des Bouches-du-Rhône.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-82970
Date de la décision : 20/08/1992
Sens de l'arrêt : Cassation partielle et règlement de juges
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention franco-espagnole du 9 avril 1969 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale - Instruction - Commission rogatoire - Exécution (article 3)

INSTRUCTION - Commission rogatoire - Commission rogatoire internationale - Convention franco-espagnole du 9 avril 1969 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale - Exécution - Pouvoirs du juge d'instruction

Si le juge d'instruction peut, en vertu de l'article 3 de la Convention franco-espagnole du 9 avril 1969 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale, assister aux actes d'exécution des commissions rogatoires qu'il a délivrées aux autorités de l'Etat étranger, il ne saurait, sans excéder ses pouvoirs, procéder à des actes d'instruction sur le territoire de cet Etat.


Références :

Code de procédure pénale 92, 93, 106, 107, 112, 172, 206
Convention franco-espagnole relative à l'entraide judiciaire en matière pénale du 09 avril 1969 art. 3

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre d'accusation), 23 janvier 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 aoû. 1992, pourvoi n°92-82970, Bull. crim. criminel 1992 N° 279 p. 760
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 279 p. 760

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Dumont, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Milleville
Avocat(s) : Avocats :M. Foussard, la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:92.82970
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