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10/07/1992 | FRANCE | N°88-40674

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 10 juillet 1992, 88-40674


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Attendu que Mlle Joncheray, engagée par la compagnie Air Afrique en qualité d'hôtesse de cabine, a été incluse dans un licenciement collectif pour motif économique, à compter du 1er janvier 1981, avec une autorisation administrative qui a été annulée, le 17 mai 1983, par le tribunal administratif de Paris ; qu'elle a assigné son employeur devant la juridiction prud'homale en paiement de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches, et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la compagnie Air Afrique, par un

premier moyen, reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 1987) d'avoir dé...

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Attendu que Mlle Joncheray, engagée par la compagnie Air Afrique en qualité d'hôtesse de cabine, a été incluse dans un licenciement collectif pour motif économique, à compter du 1er janvier 1981, avec une autorisation administrative qui a été annulée, le 17 mai 1983, par le tribunal administratif de Paris ; qu'elle a assigné son employeur devant la juridiction prud'homale en paiement de diverses indemnités ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches, et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la compagnie Air Afrique, par un premier moyen, reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 1987) d'avoir déclaré la loi française applicable au litige, alors que, selon le pourvoi, le contrat de travail était soumis à la loi ivoirienne en faveur de laquelle jouait un faisceau d'éléments tirés, notamment, du lieu de conclusion et d'exécution du contrat ; qu'en un second moyen, elle fait grief à cet arrêt d'être privé de base légale au regard de la loi du 3 janvier 1975, ensemble l'article L. 122-14-4 du Code du travail, alors que cette loi est d'application territoriale et que la cour d'appel ne se serait pas expliquée sur le moyen selon lequel l'hôtesse navigante n'exerçait aucune fonction au sol et que son contrat de travail s'exécutait à bord d'aéronefs ivoiriens ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Air Afrique a demandé à l'administration française du Travail l'autorisation de licencier, pour motif économique, son personnel commercial basé à Paris, dont Mlle Joncheray faisait partie ; qu'il en résulte que l'employeur ne saurait critiquer l'application, en l'espèce, de la loi française relative aux licenciements pour motif économique sous l'empire de laquelle il s'est placé et dont les dispositions relatives aux effets sont indissociables de celles qui concernent la procédure ; qu'ainsi, la première branche du second moyen ne peut être accueillie, ce qui rend inopérants les griefs exposés dans le premier moyen ;

Et sur la seconde branche du second moyen :

Attendu que la compagnie Air Afrique reproche encore à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, que la cour d'appel aurait violé l'article L. 321-9 du Code du travail en retenant la compétence du juge judiciaire pour vérifier la réalité du motif économique invoqué par l'employeur ;

Mais attendu que l'annulation de l'autorisation administrative n'ayant rien laissé subsister de celle-ci et la juridiction administrative n'ayant pas statué sur les causes du licenciement, la cour d'appel était compétente, en application de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, pour statuer comme elle a fait ; que le grief n'est, donc, pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi MOYENS ANNEXES

Moyens produits par la SCP Célice et Blancpain, avocat aux Conseils, pour la compagnie Air Afrique.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie multinationale Air Afrique à payer à son ancienne hôtesse navigante des dommages-intérêts pour licenciement irrégulier ;

AUX MOTIFS QUE le contrat litigieux porte que l'intéressée est engagée " en qualité d'hôtesse pour servir à Paris ou en tout autre lieu où (la société) jugera bon de l'affecter, considération prise des nécessités du service, dont elle est juge. En cas de mutation, si une disposition du présent contrat se révélait contraire aux textes légaux en vigueur ou au nouveau lieu d'affectation, il serait alors établi un avenant afin de tenir compte de la législation propre à chaque Etat ", que ce dernier alinéa établit de façon certaine que les parties ont voulu soumettre leurs rapports contractuels à la législation du lieu d'affectation, que l'hôtesse n'ayant pas reçu, au cours du contrat, une affectation autre que Paris, c'est la loi française qui est applicable, qu'au surplus, il ressort d'une lettre que la société a adressée, le 27 décembre 1979, à l'Union des navigants de l'aviation civile, et dont elle ne conteste pas l'authenticité, qu'elle avait conscience d'être tenue de respecter les lois françaises dans leur intégralité, qu'encore, surabondamment, il peut être relevé que, dès lors, que les carnets de vol, versés aux débats, révèlent que l'hôtesse exécutait ses fonctions, non seulement sur les avions d'Air Afrique, mais aussi sur des appareils que d'autres compagnies mettaient à la disposition de l'employeur, qui n'étaient pas immatriculés en Côte-d'Ivoire, il est évident que les parties auraient privé de stabilité leurs rapports contractuels si elles avaient voulu les soumettre à la loi du lieu d'exécution du contrat, cette loi changeant selon la nationalité des avions à bord desquels l'hôtesse servait, que celle-ci demande donc, à juste titre, que, pour apprécier le bien-fondé de ses réclamations, il soit fait application de la loi française ;

ALORS, D'UNE PART, QUE, en l'état du contrat du travail, qui liait l'hôtesse navigante à la compagnie Air Afrique et qui prévoyait que la salariée avait été engagée " en qualité d'hôtesse pour servir à Paris ou en tout autre lieu où (la société) jugera bon de l'affecter, considération prise des nécessités du service dont elle est seule juge ", manque de base légale, au regard des articles 3 et 1134 du Code civil et du principe de la loi d'autonomie, l'arrêt attaqué, qui admet que le contrat de travail était soumis à la loi française, sans prendre en considération le fait que la compagnie exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les hôtesses navigantes sont recrutées et administrativement gérées par le siège d'Abidjan (Côte-d'Ivoire) qui ordonnance leur salaire, qu'elles ne relèvent pas de l'autorité du directeur de l'établissement de Paris qui ne les compte pas dans ses effectifs, qu'elles n'ont aucun lien de droit avec l'établissement de la compagnie Air Afrique en France, que les hôtesses navigantes n'exercent aucune fonction au sol et que leur contrat de travail est exclusivement exécuté à bord des aéronefs et, par rattachement, à Abidjan, que la base d'affectation des hôtesses navigantes, qui peut être unilatéralement modifiée par l'employeur et où ne s'exécute pas le contrat de travail, est sans incidence sur la loi applicable, que les contrats de travail sont stipulés signés à Abidjan et indiquent qu'ils sont établis conformément aux dispositions du Code du travail, de la réglementation et des textes pris pour son application et qu'une telle mention ne peut s'entendre que comme faisant référence au Code du travail ivoirien, lequel en son article 29 dispose que tout contrat de travail, conclu pour être exécuté en Côte-d'Ivoire, est soumis aux dispositions de la loi ivoirienne, ce qui constituait un faisceau d'éléments (lieu d'exécution du contrat, lieu de conclusion du contrat, volonté exprimée des parties) de nature à démontrer que, ainsi que l'a admis à plusieurs reprises la Cour de Cassation, les contrats de travail des personnels navigants de la compagnie Air Afrique étaient soumis à la loi ivoirienne ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en décidant que les parties auraient nécessairement soumis leur contrat à la législation de chacun des lieux d'affectation successifs, la cour d'appel dénature de façon flagrante, en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil, la clause selon laquelle les parties se sont bornées à prévoir l'adaptation éventuelle du contrat de travail à la loi du lieu d'affectation, sans pour autant le soustraire à la loi à laquelle il était initialement soumis ;

ALORS, EN OUTRE, QU'en s'abstenant de rechercher si la clause litigieuse ne tendait pas simplement à faire bénéficier les personnels navigants concernés de certains avantages de la loi du lieu d'affectation, et dont ils auraient été normalement exclus en raison de la soumission de leur contrat de travail à une autre loi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale, au regard des articles 3 et 1134 du Code civil et du principe de la loi d'autonomie ;

QU'il en est d'autant plus ainsi, que la cour d'appel, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, laisse dépourvues de réponse les conclusions de la compagnie exposante faisant valoir qu'elle avait demandé et obtenu l'affiliation du personnel navigant français aux ASSEDIC pour leur assurer un complément d'avantages matériels à ce qui leur était reconnu par leur contrat ;

ALORS, DE PLUS, QUE l'arrêt attaqué ne pouvait déclarer que la soumission du contrat de travail à la loi du lieu d'exécution - déterminé par le lieu de l'immatriculation de l'avion - aurait conduit à l'instabilité des rapports contractuels du fait que les hôtesses navigantes exerçaient leur fonction, non seulement sur les avions d'Air Afrique, mais aussi sur des appareils que d'autres compagnies mettaient à la disposition de la compagnie exposante, sans s'expliquer sur la lettre du 8 avril 1987, adressée à sa demande à M. le président de la cour d'appel par la compagnie Air Afrique et faisant valoir que, lors de la quasi-totalité des vols, les hôtesses navigantes opéraient sur des avions d'Air Afrique, immatriculés à Abidjan et que, subsidiairement, le protocole signé, le 6 octobre 1980, à Montréal au siège de l'Organisation de l'aviation civile internationale, qui amende la convention de Chicago du 7 décembre 1944, résout les difficultés que pourrait entraîner, pour le statut d'un équipage, le vol successif sur des avions portant des immatriculations différentes, puisque ce protocole prévoit le transfert des fonctions et obligations de l'Etat d'immatriculation à l'Etat d'exploitation, ce qui est exactement la situation faisant l'objet des accords passés par Air Afrique avec d'autres compagnies aériennes, ni rechercher, en outre, si, de toute façon, le contrôle exercé par le siège d'Abidjan sur l'aéronef, quel que fût son lieu d'immatriculation, n'était pas suffisant à faire admettre que l'exécution des contrats de travail des personnels navigants était réalisée, par rattachement, à Abidjan ; que faute de s'être expliqué sur ces points, l'arrêt attaqué manque de base légale, au regard des articles 3 et 1134 du Code civil et du principe de la loi d'autonomie ;

ET, ALORS ENFIN, QUE, dans sa note complémentaire du 14 octobre 1987, à la suite des conclusions écrites du ministère public du 23 juin 1987, la compagnie exposante a écrit, à propos de la prétendue circulaire du 9 juin 1969, qui aurait émané du secrétaire général de la compagnie, que ce document, concernant les PNT et non les hôtesses navigantes " ne revêt aucun caractère d'authenticité " et qu'il s'agissait d'" une feuille ronéotypée, sans en-tête de la compagnie et sans signature ni certification conforme d'aucun agent ayant capacité ", de sorte que dénature les termes clairs et précis de cette note, en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui déclare que la compagnie exposante ne contestait pas l'authenticité de ce document qui aurait été adressé en date du 27 décembre 1979 à l'Union des navigants de l'aviation civile ;

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la compagnie Air Afrique à verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE la décision administrative ayant autorisé le licenciement de l'hôtesse navigante pour motif économique a été annulée le 17 mai 1983, par jugement devenu définitif, qu'en conséquence, il appartient à l'autorité judiciaire d'apprécier si la société a décidé la rupture pour une cause réelle et sérieuse, qu'il apparaît que les raisons de la demande formée par la compagnie aérienne à l'Administration, rapprochée du contrat de travail, ne légitimaient pas le licenciement, qu'en effet, alors que la suppression de la base des hôtesses à Paris, que la décision des Etats Africains imposait à l'employeur, justifiait, en elle-même, la mutation de la salariée, prévue par les énonciations du contrat, et non la rupture, celle-ci se révèle sans cause économique réelle et sérieuse puisque la société ne faisait pas valoir qu'elle se trouvait dans une situation financière inquiétante nécessitant le licenciement ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la loi française n° 75-6 du 3 janvier 1975 sur les licenciements économiques - ensemble avec l'article L. 122-14-4 du Code du travail - est une loi de police, d'application territoriale, de sorte que manque de base légale, au regard de ces textes, l'arrêt attaqué qui en fait application à l'espèce, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la compagnie exposante faisant valoir que l'hôtesse navigante n'exerçait aucune fonction au sol et que l'exécution de son contrat de travail se faisait exclusivement à bord des aéronefs, soit, par rattachement, à Abidjan ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'il résulte de l'article L. 321-9 du Code du travail que c'est l'autorité administrative qui a la charge de vérifier la réalité du licenciement économique invoqué par l'employeur, de sorte que c'est en violation de ce texte que la cour d'appel a retenu la compétence du juge judiciaire pour vérifier la réalité du motif économique invoqué par la compagnie Air Afrique, une fois annulée l'autorisation administrative de licenciement ;


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 88-40674
Date de la décision : 10/07/1992
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

1° CONFLIT DE LOIS - Contrats - Contrat de travail - Loi applicable - Licenciement économique - Autorisation administrative - Demande par l'employeur - Effet.

1° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement économique - Autorisation administrative - Demande - Effets - Loi applicable - Loi française.

1° Un employeur ne saurait critiquer l'application de la loi française aux licenciements pour motifs économiques auxquels il a procédé, dès lors qu'en demandant à l'administration française du Travail l'autorisation de licencier, il s'est placé sous l'empire de la loi française, dont les dispositions relatives aux effets sont indissociables de celles qui concernent la procédure.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement économique - Autorisation administrative - Accord de l'Administration - Annulation par la juridiction administrative - Effets - Autorisation annulée pour un motif de forme - Appréciation de la cause réelle et sérieuse - Compétence judiciaire.

2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Motif économique - Autorisation administrative - Annulation par la juridiction administrative - Appréciation de la cause réelle et sérieuse - Compétence judiciaire 2° CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement économique - Autorisation administrative - Accord de l'Administration - Annulation par la juridiction administrative - Effets - Autorisation annulée pour un motif de forme - Absence de cause réelle et sérieuse (non) 2° SEPARATION DES POUVOIRS - Contrat de travail - Licenciement économique - Autorisation administrative - Annulation par la juridiction administrative - Appréciation de la cause réelle et sérieuse - Compétence judiciaire.

2° L'annulation de l'autorisation administrative de licenciement pour motif économique ne laissant rien subsister de celle-ci et la juridiction administrative n'ayant pas statué sur les causes du licenciement, la cour d'appel était compétente pour le faire.


Références :

Code du travail L122-14-3, L321-9

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 novembre 1987

MEMES ESPECES : 1992-07-10 Rejet N° 88-40.675, Compagnie Air Afrique contre Mlle Maillard. N° 88-40.676, Compagnie Air Afrique contre Mme Maisongrosse. N° 88-40.677, Compagnie Air Afrique contre Mlle Blat. N° 88-40.678, Compagnie Air Afrique contre Mlle Pasternak. N° 88-40.681, Compagnie Air Afrique contre Mlle Fournier. N° 88-40.683, Compagnie Air Afrique contre Mme Chevreux. A RAPPROCHER : (2°). Chambre sociale, 1990-06-13 , Bulletin 1990, V, n° 278, p. 167 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 10 jui. 1992, pourvoi n°88-40674, Bull. civ. 1992 A.P. N° 8 p. 15
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 A.P. N° 8 p. 15

Composition du Tribunal
Président : Premier président : M. Drai
Avocat général : Avocat général :M. Chauvy
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Lemontey
Avocat(s) : Avocats :la SCP Célice et Blancpain, M. Vincent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:88.40674
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