CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 14 novembre 1991, qui, pour abus de confiance et infraction au Code de la construction et de l'habitation, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 francs d'amende et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 408 du Code pénal, 1109 et 1110 du Code civil, 427, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu, président-directeur général d'une société de construction, coupable d'abus de confiance et l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à 50 000 francs d'amende pour avoir, en mars 1989, refusé de restituer aux maîtres de l'ouvrage les sommes qui pouvaient être exigées, à la signature des contrats de construction de maisons individuelles malgré l'annulation de ceux-ci par le jeu de la condition suspensive tenant à l'obtention du permis de construire, les sommes versées ayant été remises à titre de mandat de constructeur ;
" aux motifs que les époux Z... et les époux Y..., qui entendaient construire deux maisons jumelées, ont conclu avec la SA Jacques X..., dont le prévenu était président-directeur général, des contrats pour la construction de maisons de type Arpège sur un terrain situé à Lovagny et des contrats pour la construction de maisons de type Arcadie sur un terrain situé à Poisy ; que les contrats portent les dates des 15 juillet 1987, en ce qui concerne les époux Y..., et 16 juillet 1987 pour les époux Z... ; qu'à la suite du rejet de la demande de permis de construire à Poisy, le 21 octobre 1987, les maîtres de l'ouvrage ont sollicité le remboursement des acomptes versés par lettres du 23 octobre 1987 ; que le 30 octobre 1987, X... répondait que les époux Z... et Y..., informés dès le 7 septembre 1987 du rejet de la demande de permis de construire à Poisy, lui avaient demandé de poursuivre le contrat de construction et de déposer une nouvelle demande de permis de construire sur un nouveau terrain situé à Lovagny ; qu'il est vrai que le 7 septembre 1987, le maire de Poisy avait émis un avis défavorable qui laissait présager le rejet de la demande, mais que dans sa lettre X... ne fait état d'aucun acte écrit signé par les consorts Z... et Y... pour la construction de maisons sur un terrain à Lovagny ; qu'il est invraisemblable qu'ils aient signé un tel acte, après avoir réclamé la restitution des acomptes ; qu'il est ainsi établi que, comme le soutiennent les parties civiles, les actes écrits portant les dates des 15 et 16 juillet 1987 ont été établis pour un premier projet à Lovagny auquel, d'un commun accord, il n'a pas été donné suite, puis pour un second projet à Poisy abandonné par suite de la défaillance de la condition suspensive de l'obtention d'un permis de construire ; que dès lors, en refusant, au mois de mars 1989, d'obtempérer à l'injonction que le procureur de la République lui faisait de restituer aux époux Y... et Z... les acomptes de 10 000 francs versés lors de la conclusion du contrat, alors qu'aucun autre contrat n'avait été passé par écrit, X... s'est rendu coupable d'abus de confiance (arrêt p. 3 et 4) ;
" alors que, d'une part, le délit d'abus de confiance n'est légalement constitué que s'il est constaté que les objets, effets, ou deniers ont été remis au prévenu en exécution d'un des contrats énumérés à l'article 408 du Code pénal ; que les sanctions édictées par ce texte sont inapplicables en cas de dissipation de salaires, honoraires ou rémunérations payées d'avance pour exécuter un travail ; qu'en conséquence, en condamnant le prévenu pour abus de confiance tout en constatant que les sommes qu'il avait perçues constituaient une avance sur sa rémunération, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 408 du Code pénal ;
" alors que, d'autre part subsidiairement, il résulte des dispositions de l'article 427 du Code de procédure pénale que la partie civile doit prouver la réalité des faits qu'elle invoque pour établir la culpabilité du prévenu ; qu'en se bornant à retenir l'affirmation des parties civiles soutenant que les actes écrits portant les dates des 15 et 16 juillet 1987, établis pour un premier projet, ont été rompus d'un commun accord, sans relever aucun élément de nature à établir l'accord donné par le prévenu à cette rupture, et sans indiquer la date de celle-ci, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors qu'en outre subsidiairement, comme le constate l'arrêt, par lettre du 30 octobre 1987, le prévenu avait répondu aux maîtres de l'ouvrage qu'informés, dès le 7 septembre 1987, du rejet de la demande de permis de construire à Poisy, ceux-ci lui avaient demandé de poursuivre le contrat de construction et de déposer une nouvelle demande de permis de construire sur un terrain situé à Lovagny ; qu'en retenant à l'appui de sa décision qu'il est invraisemblable que les maîtres de l'ouvrage aient signé un tel contrat de construction, après avoir réclamé la restitution des acomptes versés, tout en constatant que le remboursement de ces acomptes avait été réclamé le 23 octobre 1987, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le délit d'abus de confiance n'est légalement constitué que s'il est constaté que les objets ou deniers ont été remis au prévenu en exécution d'un des contrats énumérés à l'article 408 du Code pénal ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jacques X... s'est fait remettre respectivement par les époux Z... et par les époux Y... la somme de 10 000 francs, à titre d'acompte, lors de la souscription de contrats de construction de deux maisons individuelles jumelées ; que la construction a été successivement envisagée sur deux terrains différents mais que chacun des projets a échoué en raison de la non-obtention du permis de construire ; que les souscripteurs, malgré leurs réclamations et les mises en demeure adressées au prévenu, n'ont pu obtenir la restitution des acomptes versés ;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable d'abus de confiance, la juridiction du second degré se borne à énoncer que Jacques X... a refusé de restituer les acomptes versés lors de la conclusion des contrats ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs et en l'absence de précisions sur la nature et les modalités du contrat en vertu duquel les fonds ont été reçus par le prévenu, alors que le contrat de construction de maison individuelle ne figure pas en tant que tel au nombre des contrats visés à l'article 408 du Code pénal, la Cour de Cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision prononcée ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 14 novembre 1991 et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.