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03/06/1992 | FRANCE | N°90-11486

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 03 juin 1992, 90-11486


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Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 1989), que les sociétés civiles immobilières du quartier de la Lévrière et du Grand Mail de la Lévrière ont fait construire des immeubles sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré par la Mutuelle des architectes français (MAF), et du bureau d'Etudes SEBA, assuré par la compagnie Commercial Union Iard, la société Demuth et Carlesso, assurée par la société mutuelle L'Auxiliaire, étant chargée du lot m

enuiseries ; que la réception a eu lieu le 8 août 1974, et qu'en raison de désordr...

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Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 1989), que les sociétés civiles immobilières du quartier de la Lévrière et du Grand Mail de la Lévrière ont fait construire des immeubles sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, assuré par la Mutuelle des architectes français (MAF), et du bureau d'Etudes SEBA, assuré par la compagnie Commercial Union Iard, la société Demuth et Carlesso, assurée par la société mutuelle L'Auxiliaire, étant chargée du lot menuiseries ; que la réception a eu lieu le 8 août 1974, et qu'en raison de désordres afférents à la tenue au feu de panneaux menuisés des fenêtres en pignon, les sociétés, maîtres de l'ouvrage, ont assigné les constructeurs et assureurs en réparation ;

Attendu que les sociétés civiles immobilières et la société mutuelle L'Auxiliaire font grief à l'arrêt de mettre hors de cause M. X... et la MAF, alors, selon le moyen, 1°) que la cour d'appel, qui a constaté que la mission de l'architecte avait porté " sur la quête des devis jusqu'au permis de construire et à l'appel d'offres ", ne pouvait, sans contradiction, affirmer qu'il n'avait " aucune possibilité, dans le cadre de sa mission partielle, de savoir quels seraient les panneaux retenus lors de l'appel d'offres et, par voie de conséquence, leur coefficient de sécurité " ; que la cour d'appel a donc violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que selon l'article 1792 du Code civil, les architectes sont, sauf preuve d'une cause étrangère exonératoire, responsables de plein droit, envers le maître de l'ouvrage, des vices cachés rendant l'immeuble impropre à sa destination ; que la cour d'appel, qui a constaté que le vice affectant les panneaux rendait l'immeuble impropre à sa destination, ne pouvait, sans violer ce texte, exonérer M. X... de sa responsabilité du fait que la capacité calorifique des panneaux a été déterminée par l'entreprise et soumise au bureau d'études et au bureau de contrôle CEP ; 3°) que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que les juges du fond ne pouvaient, tout à la fois, d'un côté, énoncer que la mission de l'architecte avait porté " sur la quête des devis jusqu'au permis de construire et à l'appel d'offres " et, d'un autre côté, déclarer que ce locateur d'ouvrage n'aurait eu " aucune possibilité dans le cadre de sa mission partielle de savoir quels seraient les panneaux retenus lors de l'appel d'offres et, par voie de conséquence, leur coefficient de sécurité " ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite, en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) que, sauf preuve d'une cause étrangère exonératoire, les architectes sont responsables de plein droit des vices cachés rendant l'immeuble impropre à sa destination ; qu'en exonérant l'architecte de sa responsabilité, au prétexte que la capacité calorifique des panneaux aurait été déterminée par l'entrepreneur et soumise au bureau d'études ainsi qu'à un bureau de contrôle, après avoir pourtant constaté que le vice affectant les panneaux avait rendu l'immeuble impropre à sa destination, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil ;

Mais attendu, qu'ayant apprécié souverainement l'étendue de la mission de l'architecte, retenu que celle-ci avait été limitée à la conception des plans, à la " quête " des devis jusqu'au permis de construire et à l'appel d'offres, mais qu'en étaient exclues la négociation et la préparation des marchés, la cour d'appel, qui, sans contradiction, a relevé que les non-conformités des panneaux aux normes de sécurité provenaient de la modification apportée par le bureau d'études et l'entreprise de menuiserie dans la composition de ces éléments lors de la mise au point des marchés, et que M. X... n'avait aucune obligation ni possibilité de prévoir quels seraient les panneaux choisis, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour mettre hors de cause la société mutuelle L'Auxiliaire, l'arrêt retient que les désordres sont dus à une modification, au stade de la fabrication, des panneaux menuisés et que le contrat d'assurance souscrit par la société Demuth et Carlesso ne couvre pas les activités de fabrication de l'assuré ;

Qu'en statuant ainsi, tout en retenant la responsabilité de cet entrepreneur de menuiserie sur le fondement de la garantie décennale, objet de la police, la cour d'appel, qui n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient, a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Vu les articles 1131 du Code civil et L. 124-1 du Code des assurances ;

Attendu que pour mettre hors de cause la compagnie Commercial Union, assureur du bureau d'études SEBA, l'arrêt retient qu'aux termes d'une clause de la police, la garantie ne s'applique qu'aux réclamations formulées contre l'assuré pendant la période d'assurance et qu'en l'espèce, la réclamation est intervenue après résiliation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le versement des primes, pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a, pour contrepartie nécessaire, la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période, que la stipulation de la police, selon laquelle le dommage n'est garanti que si la réclamation de la victime, en tout état de cause nécessaire à la mise en oeuvre de l'assurance de responsabilité, a été formulée au cours de la période de validité du contrat, aboutit à priver l'assuré du bénéfice de l'assurance en raison d'un fait qui ne lui est pas imputable et à créer un avantage illicite, comme dépourvu de cause, au profit du seul assureur qui aurait alors perçu des primes sans contrepartie et que cette stipulation doit, en conséquence, être réputée non écrite, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les sociétés civiles immobilières Quartier de la Lévrière et Grand Mail de la Lévrière de leurs demandes contre la société mutuelle L'Auxiliaire et la compagnie Commercial Union Iard, l'arrêt rendu le 22 novembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 90-11486
Date de la décision : 03/06/1992
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Contrat avec le maître de l'ouvrage - Mission - Etendue - Limitation à la conception des plans - quête des devis et appel d'offres - Portée - Responsabilité.

1° ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Contrat avec le maître de l'ouvrage - Mission - Etendue - Appréciation souveraine 1° ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Exonération - Mission - Limitation à la conception des plans - quête des devis et appel d'offres.

1° Justifie légalement sa décision de mettre hors de cause un architecte la cour d'appel qui, appréciant souverainement l'étendue de sa mission, retient que celle-ci était limitée à la conception des plans, à la " quête " des devis et à l'appel d'offres et qu'il n'avait aucune obligation ni possibilité de prévoir quels seraient les panneaux choisis, panneaux à l'origine des désordres.

2° ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Assurance - Assurance responsabilité - Garantie - Etendue - Police garantissant la responsabilité décennale - Exclusion - Activités de fabrication (non).

2° ASSURANCE RESPONSABILITE - Garantie - Etendue - Architecte entrepreneur - Responsabilité décennale - Exclusion - Activités de fabrication (non).

2° Doit être cassé l'arrêt qui, pour mettre hors de cause l'assureur d'une entrepreneur, retient que les désordres sont dus à une modification, au stade de la fabrication, des matériaux utilisés et que le contrat ne couvre pas les activités de fabrication, tout en retenant la responsabilité de cet entrepreneur sur le fondement de la garantie décennale, objet de la police.

3° ASSURANCE RESPONSABILITE - Garantie - Conditions - Réclamation du tiers lésé - Réclamation postérieure à la validité de la police - Sinistre antérieur - Garantie limitée dans le temps - Licéité (non).

3° ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Limitation fixée par la police - Garantie limitée dans le temps - Garantie limitée à la validité de la police - Licéité (non) 3° ASSURANCE (règles générales) - Police - Clause - Clause illicite - Assurance responsabilité - Garantie - Garantie limitée dans le temps - Garantie limitée à la durée de la police.

3° Le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période. Il s'ensuit qu'aboutissant à priver l'assuré du bénéfice de l'assurance en raison d'un fait qui ne lui est pas imputable et à créer un avantage illicite, comme dépourvu de cause, au profit du seul assureur ayant perçu sans contrepartie les primes, doit être réputée non écrite la stipulation de la police selon laquelle le dommage est garanti seulement si la réclamation de la victime a été formulée pendant la période de validité du contrat.


Références :

Code civil 1131
Code civil 1134
Code des assurances L124-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 novembre 1989

A RAPPROCHER : (3°). Chambre civile 1, 1990-12-19 , Bulletin 1990, I, n° 303, p. 212 (cassation partielle), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 03 jui. 1992, pourvoi n°90-11486, Bull. civ. 1992 III N° 179 p. 111
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 III N° 179 p. 111

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Senselme
Avocat général : Avocat général :M. Mourier
Rapporteur ?: Rapporteur :Mlle Fossereau
Avocat(s) : Avocats :MM. Le Prado, Vuitton, Boulloche, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, M. Spinosi, la SCP Peignot et Garreau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.11486
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