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02/06/1992 | FRANCE | N°90-18224

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 02 juin 1992, 90-18224


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Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 12 juillet 1990) que la société Kenner Parker Tonka France (société Kenner X...) importe et fabrique des jeux de toute nature, parmi lesquels se trouve le jeu de société d'origine américaine " Trivial Pursuit " ; que cette entreprise, après avoir distribué directement ses produits aux grandes surfaces et à des grossistes liés à elle par des contrats de coopération commerciale, a souhaité, en 1987, redéfinir son réseau de distribution en limitant

à quarante le nombre des grossistes avec lesquels elle aurait un contrat de co...

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Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 12 juillet 1990) que la société Kenner Parker Tonka France (société Kenner X...) importe et fabrique des jeux de toute nature, parmi lesquels se trouve le jeu de société d'origine américaine " Trivial Pursuit " ; que cette entreprise, après avoir distribué directement ses produits aux grandes surfaces et à des grossistes liés à elle par des contrats de coopération commerciale, a souhaité, en 1987, redéfinir son réseau de distribution en limitant à quarante le nombre des grossistes avec lesquels elle aurait un contrat de concession exclusive ; que la société Gosme, qui figurait antérieurement parmi les grossistes pouvant être livrés directement par la société Kenner X..., n'a pas été retenue comme concessionnaire exclusif ; qu'elle a alors saisi le Conseil de la Concurrence en alléguant qu'elle faisait l'objet d'une exploitation abusive par suite de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait à l'égard de la société Kenner X..., au sens du 2 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, relative à la concurrence ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours, alors, d'une part, selon le pourvoi, que l'état de dépendance économique au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, doit s'apprécier au regard du marché considéré, en l'occurrence le marché des jeux de sociétés et plus particulièrement celui du jeu " Trivial Pursuit " ; qu'en se fondant sur le fait que la société Gosme ne réalisait qu'une partie de son chiffre d'affaires dans ce marché spécifique pour en déduire qu'elle n'était pas en état de dépendance économique vis-à-vis du fournisseur, la société Kenner X..., qui détenait 40 % de ce marché, la cour d'appel a violé les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que le marché doit être défini en fonction de la substituabilité des produits ou services pour une clientèle déterminée ; que cette substituabilité des produits ou services s'apprécie au regard de la satisfaction d'un besoin précis recherché par cette clientèle ; qu'en énonçant qu'il ne fallait pas " s'attacher à la seule image qu'ont à un moment donné les consommateurs d'un produit ", pour en déduire que le produit litigieux, en l'espèce le jeu " Trivial Pursuit " était substituable à d'autres jeux, la cour d'appel a délibérément écarté le critère déterminant de définition du marché et, par là même, violé l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, encore, que dans son recours à l'encontre de la décision du Conseil de la Concurrence, la société Gosme avait soutenu que l'impossibilité pour elle de fournir à sa clientèle le jeu " Trivial Pursuit ", par suite des agissements de la société Kenner X..., était susceptible de conduire cette clientèle à reporter tous ses achats vers d'autres grossistes agréés par Kenner X..., et disposant par A conséquent de cet article, afin d'obtenir les meilleures conditions sur l'ensemble de ses commandes ; que le Conseil de la Concurrence en avait d'ailleurs déduit l'état de dépendance économique de la société Gosme ; qu'en omettant de prendre en considération cette

conséquence des refus de vente dénoncés et qui excédaient la seule limite du marché des jeux de société, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en toute hypothèse, que la faculté pour un grossiste de s'approvisionner auprès d'un autre grossiste, lui-même agréé par le fournisseur, et ce, aux conditions de vente faites à tous consommateurs, ne saurait caractériser l'existence d'une source d'approvisionnement alternative, dès lors que cette faculté se distingue radicalement par son coût de l'approvisionnement direct auprès du fournisseur ; qu'en retenant en l'espèce l'existence d'une " solution équivalente " pour exclure l'état de dépendance économique de la société Gosme, la cour d'appel a violé l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, enfin, qu'il appartient au Conseil de la Concurrence et, sur voie de recours, à la cour d'appel de Paris, d'examiner si les pratiques dont ils sont saisis entrent dans le champ d'application des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que la cour d'appel pouvait d'autant moins se dispenser d'examiner les pratiques reprochées à la société Kenner X... au regard de l'article 7 de l'ordonnance, que la société Gosme avait expressément invoqué dans son recours la violation par cette société de cette disposition légale, relative aux " actions concertées, ententes ou coalitions " ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, qui étaient en l'espèce caractérisées par la mise en place d'un réseau de distribution sélective, restreignant les débouchés et répartissant les marchés et sources d'approvisionnement ; qu'en se bornant à relever " qu'en l'absence d'un état de dépendance économique, il ne peut y avoir application des dispositions de l'article 8-2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la cour d'appel a violé les articles 7 et 11 de cette ordonnance ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt, qui a constaté qu'il existait en ce qui concerne le jeu " Trivial Pursuit " des jeux aux mécanismes intellectuels similaires rendant ce produit aisément substituable, a retenu exactement que la notoriété d'un jeu ne saurait lui permettre de constituer à lui seul un marché particulier ; que, dès lors, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que le marché de référence était celui des jeux de société et en a déduit que la société Gosme ne se trouvait pas dans un état de dépendance économique au sens l'article 8-2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à l'égard de la société ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt a relevé que l'obligation faite à la société Gosme de s'adresser à des grossistes agréés pour obtenir le jeu " Trivial Pursuit ", fût-ce en subissant un léger manque à gagner, n'avait pas empêché cette société d'exercer normalement son activité ; que la cour d'appel, répondant ainsi aux conclusions prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, que la société Gosme ayant entendu situer son recours sur le fondement de l'article 8-2° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et n'ayant fourni aucun élément de fait entrant dans les prévisions de l'article 7 de l'ordonnance précitée concernant les actions concertées, ententes ou coalitions, il ne peut être reproché à la cour d'appel de ne pas avoir examiné ce grief d'où il n'était tiré aucune déduction juridique ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-18224
Date de la décision : 02/06/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Pratique anticoncurrentielle - Exploitation abusive de la dépendance économique d'autrui - Conditions - Dépendance économique - Marché de référence - Substituabilité du produit

REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Pratique anticoncurrentielle - Exploitation abusive de la dépendance économique d'autrui - Conditions - Dépendance économique - Marché de référence - Notoriété du produit - Elément suffisant (non)

Une cour d'appel, qui a constaté qu'il existait pour un jeu de société, des jeux aux mécanismes intellectuels similaires rendant ce produit aisément substituable a énoncé à bon droit que la notoriété d'un jeu ne saurait lui permettre de constituer à lui seul un marché particulier, et a pu décider que le marché de référence était celui des jeux de société et en déduire qu'une société ne se trouvait pas en état de dépendance économique au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à l'égard du distributeur concessionnaire exclusif de ce jeu.


Références :

Ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986 art. 8-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 juillet 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 02 jui. 1992, pourvoi n°90-18224, Bull. civ. 1992 IV N° 224 p. 157
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1992 IV N° 224 p. 157

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Bézard
Avocat général : Avocat général :M. Curti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Léonnet
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.18224
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