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26/05/1992 | FRANCE | N°91-84187

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mai 1992, 91-84187


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 juillet 1991, qui, après avoir rejeté une exception de nullité, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nancy, du chef de complicité de diffamation publique envers un particulier.
LA COUR,
Vu l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, en date du 13 décembre 1989, portant désignation de juridiction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, 32, 35, 55, 56 et 65 d

e la loi du 29 juillet 1881, violation de l'article 593 du Code de procédure...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 juillet 1991, qui, après avoir rejeté une exception de nullité, l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nancy, du chef de complicité de diffamation publique envers un particulier.
LA COUR,
Vu l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, en date du 13 décembre 1989, portant désignation de juridiction ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 29, 32, 35, 55, 56 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer la nullité du procès-verbal de première comparution de l'inculpé, en date du 5 octobre 1990, et de tous les actes subséquents et de constater l'extinction de l'action publique pour cause de prescription ;
" aux motifs que le magistrat instructeur n'a nullement recherché pour le compte de l'inculpé la preuve de la vérité des faits diffamatoires ; qu'il s'est contenté de solliciter de X... la remise de quelques documents mais cette demande n'était que la conséquence logique des déclarations de X... se référant précisément à certains actes ;
" alors qu'il n'appartient pas aux juridictions d'instruction de rechercher si les faits relevés comme diffamatoires sont vrais ou faux ; qu'au surplus, les juges n'ont pas le pouvoir de compléter ou de parfaire l'établissement de la preuve de la vérité des faits que la loi laisse à la seule initiative des personnes poursuivies en même temps qu'elle en règle les conditions d'admissibilité ; que, dès lors, en l'espèce, le juge d'instruction ne pouvait recevoir les déclarations de l'inculpé, fussent-elles spontanées, sur la vérité des faits diffamatoires et pouvait encore moins lui demander de verser au dossier les éléments sur lesquels il se fondait pour prouver cette vérité ; qu'un tel procédé qui tient en échec les dispositions de la loi, porte atteinte nécessairement aux droits de la défense en laissant au plaignant un délai bien supérieur à celui prévu par l'article 56 de la loi du 29 juillet 1881 pour préparer la contre-preuve ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait refuser de prononcer la nullité du procès-verbal de première comparution et de toute la procédure subséquente " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que d'après les articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, la vérité du fait diffamatoire ne constitue un fait justificatif de la diffamation que dans la mesure où la preuve en est administrée par le prévenu en conformité des dispositions qu'ils édictent ; que cette preuve ne pouvant résulter que du débat contradictoire auquel il est procédé devant les juges du fond, il n'appartient pas aux juridictions d'instruction de la rechercher, ni de la recevoir, à peine d'excès de pouvoir ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal quotidien régional Y..., daté du 3 novembre 1989, a publié un article signé A.K., intitulé Z... :
nouvel épisode X...-A..., rendant compte d'une plainte pour faux en écritures portée par A..., conseiller municipal, contre X..., maire en exercice, qui aurait notamment déclaré à l'auteur de l'article : " Si cela continue, je vais finir par porter plainte contre le secrétaire général de mairie qui ne fait pas son travail, il va falloir faire le tri dans tout cela " ;
Que le 4 novembre 1989, le même quotidien a publié un second article, non signé, intitulé " Affaire de Z... : une autre plainte et le secrétaire général est démis ", faisant notamment état d'une plainte en dénonciation calomnieuse déposée par le maire, et de la mise à l'écart du secrétaire général de la mairie, à propos de laquelle le maire aurait déclaré : " les élus de la majorité ont demandé au maire de prendre les dispositions utiles de réorganisation des services administratifs, pour mettre fin aux dysfonctionnements et aux erreurs devenues trop fréquentes, et qui nuisent à l'image de marque de la ville, et à l'intérêt de sa population " ;
Attendu que B..., secrétaire général de la mairie, ainsi mis en cause, a adressé au juge d'instruction de Thionville, le 8 novembre 1989, une plainte avec constitution de partie civile contre X..., du chef de " diffamation " en articulant les propos incriminés dans chacun des articles de presse, et en visant l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; que sur requête du procureur de la République, en date du 14 novembre 1989, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a désigné la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, pour être chargée de l'instruction ; qu'après réitération de la plainte avec constitution de partie civile, le 7 février 1990, et versement de la consignation prescrite, le 6 mars 1990, le procureur général a requis le 15 mars 1990 l'ouverture d'une information, du chef de diffamation publique envers un particulier, en visant l'article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ; que, par arrêt du 3 avril 1990, la chambre d'accusation a désigné son président pour instruire l'affaire ; qu'à l'occasion de sa première comparution devant le magistrat chargé de l'instruction, qui l'a inculpé le 5 octobre 1990, X... a accepté de s'expliquer immédiatement, tant sur les faits diffamatoires que sur leur vérité ; que le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution précise qu'à la demande du magistrat instructeur, l'inculpé a produit une pièce, et accepté d'en verser une autre, relatives à la vérité des faits ; que deux pièces ont été en réalité annexées audit procès-verbal, tandis que treize autres ont été ultérieurement produites par l'inculpé ;
Attendu que, pour examiner, comme elle en avait le pouvoir, l'exception de nullité dudit procès-verbal soulevée devant elle par le conseil de l'inculpé, et pour la rejeter, la chambre d'accusation énonce que " le 5 octobre 1990, le magistrat instructeur n'a nullement recherché pour le compte de l'inculpé la preuve de la vérité des faits diffamatoires ", mais qu'il s'est borné à recevoir les déclarations spontanées de celui-ci, en présence de son conseil, et à solliciter la remise des documents qui en constituaient le complément logique ; que les juges, relevant en outre l'absence de protestation de l'avocat de l'inculpé, en déduisent que le procès-verbal critiqué ne se trouve entaché d'aucune irrégularité de forme ou de fond de nature à motiver son annulation ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que des pièces relatives à la preuve de la vérité des faits diffamatoires avaient été remises à tort au magistrat instructeur, tant par l'inculpé que par la partie civile, et irrégulièrement incorporées au dossier de l'information, la chambre d'accusation, qui a également omis d'annuler les interrogatoires de l'inculpé et les auditions de la partie civile concernant l'administration de la preuve, a méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu que la prescription des actions publique et civile ayant été suspendue à l'égard de la partie civile, durant l'information, il y a lieu à renvoi ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy, en date du 2 juillet 1991, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Colmar.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-84187
Date de la décision : 26/05/1992
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHAMBRE D'ACCUSATION - Pouvoirs - Examen de la régularité de la procédure - Information confiée à l'un de ses membres - Actes d'instruction - Nullité - Examen.

1° CRIMES ET DELITS COMMIS PAR DES MAGISTRATS ET CERTAINS FONCTIONNAIRES - Magistrats - préfets ou maires - Chambre d'accusation désignée par la chambre criminelle - Pouvoirs - Examen de la régularité de la procédure - Information confiée à l'un de ses membres.

1° La chambre d'accusation, qui a commis l'un de ses membres pour instruire, en application de l'article 682 du Code de procédure pénale, a le pouvoir d'examiner la régularité des actes d'instruction accomplis par celui-ci (fût-il son président)

2° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Administration - Juridiction compétente - Juridiction d'instruction (non).

2° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Administration - Acte d'instruction concernant l'administration de la preuve - Nullité 2° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Administration - Pièce relative à l'administration de la preuve - Incorporation au dossier - Nullité.

2° D'après les articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, la vérité du fait diffamatoire ne constitue un fait justificatif de la diffamation que dans la mesure où la preuve en est administrée par le prévenu en conformité des dispositions qu'ils édictent. Cette preuve ne pouvant résulter que du débat contradictoire auquel il est procédé devant les juges du fond, il n'appartient pas aux juridictions d'instruction de la rechercher, ni de la recevoir, à peine d'excès de pouvoir (1). Il appartient à la chambre d'accusation, saisie d'une exception, de constater la nullité des actes d'instruction concernant l'administration de la preuve et celle de l'incorporation au dossier des pièces relatives à cette preuve

3° PRESCRIPTION - Action publique - Suspension - Instruction - Plainte avec constitution de partie civile - Nullité d'actes de l'instruction - Obstacle de droit.

3° PRESCRIPTION - Action civile - Suspension - Instruction - Plainte avec constitution de partie civile - Nullité d'actes de l'instruction - Obstacle de droit 3° ACTION CIVILE - Extinction - Prescription - Suspension - Instruction - Plainte avec constitution de partie civile - Nullité d'actes de l'instruction - Obstacle de droit 3° ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Suspension - Instruction - Plainte avec constitution de partie civile - Nullité d'actes de l'instruction - Obstacle de droit 3° PRESSE - Procédure - Action civile - Extinction - Prescription - Suspension - Instruction - Plainte avec constitution de partie civile - Nullité d'actes de l'instruction - Obstacle de droit 3° PRESSE - Procédure - Action publique - Extinction - Prescription - Suspension - Instruction - Plainte avec constitution de partie civile - Nullité d'actes de l'instruction - Obstacle de droit.

3° Si la prescription des actions publique et civile n'est pas interrompue par des actes d'instruction entachés de nullité, elle est suspendue, en pareil cas, par un obstacle de droit, ayant mis la partie poursuivante dans l'impossibilité d'agir (2).


Références :

Code de procédure pénale 682
Loi du 29 juillet 1881 art. 35, art. 55
Loi du 29 juillet 1881 art. 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy (chambre d'accusation), 02 juillet 1991

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1952-01-24 , Bulletin criminel 1952, n° 29, p. 43 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1978-03-02 , Bulletin criminel 1978, n° 82, p. 210 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1978-12-19 , Bulletin criminel 1978, n° 360, p. 938 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1986-11-04 , Bulletin criminel 1986, n° 323, p. 824 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1989-10-24 , Bulletin criminel 1989, n° 379, p. 913 (action publique éteinte et rejet). CONFER : (3°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1989-11-14 , Bulletin criminel 1989, n° 413, p. 1000 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1990-06-07 , Bulletin criminel 1990, n° 235, p. 605 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 mai. 1992, pourvoi n°91-84187, Bull. crim. criminel 1992 N° 212 p. 585
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 212 p. 585

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Zambeaux, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Guerder
Avocat(s) : Avocat :la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.84187
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