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13/05/1992 | FRANCE | N°91-81056

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mai 1992, 91-81056


NON-LIEU A STATUER et REJET des pourvois formés par :
- X... Bruno,
- Y... Louis, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 1991 qui, dans la procédure suivie contre Bruno X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le pourvoi de Bruno X... :
Attendu qu'il ressort des pièces produites devant la Cour de Cassation que Bruno X... est décédÃ

© le 16 juin 1991 et que sa mère, qui est son unique héritière, a renoncé à sa succes...

NON-LIEU A STATUER et REJET des pourvois formés par :
- X... Bruno,
- Y... Louis, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 17 janvier 1991 qui, dans la procédure suivie contre Bruno X... du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le pourvoi de Bruno X... :
Attendu qu'il ressort des pièces produites devant la Cour de Cassation que Bruno X... est décédé le 16 juin 1991 et que sa mère, qui est son unique héritière, a renoncé à sa succession et n'a pas repris l'instance ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce pourvoi ;
Sur la recevabilité, contestée par la défense, du pourvoi de Louis Y... :
Attendu que le caractère irrévocable des dispositions de l'arrêt attaqué afférentes à l'action civile ne fait pas obstacle à ce que le souscripteur du contrat d'assurance, partie à l'instance, soumette à la censure de la Cour de Cassation le chef de la même décision qui a prononcé la nullité du contrat ; d'où il suit que le pourvoi de Louis Y... est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 113-8 du Code des assurances, 385-1, 388-1, 515, 520 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale et excès de pouvoir :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité du contrat d'assurance souscrit par Y... auprès de la compagnie Les Mutuelles du Mans ;
" aux motifs qu'en l'état de l'évolution de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de Cassation, Les Mutuelles du Mans ont régulièrement appelé en cause pour la première fois en appel le souscripteur du contrat Louis Y... ; qu'elles ne sauraient se voir opposer une fin d'irrecevabilité au seul motif qu'en première instance, en l'état d'une jurisprudence contraire, elles n'ont pas attrait à la procédure le souscripteur du contrat ;
" alors qu'il résulte des articles 385-1 et 388-1 du Code de procédure pénale et 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que, si le souscripteur du contrat n'est présent à l'instance à aucun titre, l'assureur qui soulève une exception de nullité ou de non-garantie doit, à peine d'irrecevabilité de ladite exception, mettre le souscripteur en cause ; que la cour d'appel ne dispose du pouvoir exceptionnel de se prononcer à l'égard d'une partie qui ne se trouvait pas en cause en première instance qu'à l'égard de l'assureur appelé à garantir le dommage dans les conditions dérogatoires au droit commun posées par l'article 388-1 du Code de procédure pénale ; que ni cet article ni aucun texte du Code de procédure pénale ne prévoit d'exception, à l'égard du souscripteur du contrat d'assurance, au droit commun de l'article 515 du Code de procédure pénale qui prohibe les demandes nouvelles en appel et interdit au juge d'appel de se prononcer à l'égard d'une partie qui n'était pas en cause en première instance ; qu'en conséquence la cour d'appel a méconnu les règles de sa saisine et l'étendue de ses pouvoirs en accueillant une demande dirigée contre un tiers à la procédure et en statuant à son égard pour la première fois " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, loin de contester devant la cour d'appel la recevabilité de l'exception de nullité soulevée par la compagnie Les Mutuelles du Mans, Louis Y... a accepté le débat et s'est défendu au fond ; qu'en cet état, le moyen ne saurait être proposé pour la première fois devant la Cour de Cassation et doit être déclaré irrecevable ; qu'au surplus le demandeur serait sans intérêt, en l'espèce, à se plaindre de ce que la règle du double degré de juridiction aurait été méconnue, dès lors que le Tribunal avait rejeté l'exception soulevée par l'assureur ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 113-8 et L. 113-4 du Code des assurances, de l'article 593 du Code de procédure pénale pour défaut, contradiction de motifs, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité du contrat d'assurance souscrit par Y... auprès des Mutuelles du Mans ;
" aux motifs qu'il résulte à l'évidence des déclarations concordantes de Bruno X... et de sa mère Josette X... que le véhicule était habituellement conduit par le premier nommé ; qu'ainsi que le note à bon droit le premier juge, cet état de fait qui entraînait une prime de 14 712 francs au lieu de 1 740 francs devait être signalé à la compagnie. Cette fausse déclaration du conducteur habituel du véhicule constatée par le Tribunal entraîne la nullité du contrat en application de l'article L. 113-8 du Code des assurances puisqu'en cachant sciemment le fait que Bruno X... était le conducteur habituel du véhicule aux Mutuelles du Mans, son assureur, il a agi en fraude des droits de celui-ci puisqu'il a très largement aggravé l'objet du risque ; que la souscription de la franchise " conducteur novice " applicable au seul cas exceptionnel d'une conduite par un jeune conducteur ne modifie en rien le fait que le conducteur habituel de la voiture était Louis Y... ;
" alors que, d'une part, la fausse déclaration visée par l'article L. 113-8 du Code des assurances doit, pour entraîner la nullité du contrat d'assurance, être faite dans l'intention de tromper l'assureur sur le risque garanti ; que la bonne foi du souscripteur du contrat devant être présumée, la preuve de sa mauvaise foi ne saurait s'induire ni de l'évidence ni des déclarations faites par d'autres personnes que le souscripteur lui-même, alors au demeurant que ces déclarations avaient été extorquées par un inspecteur de la compagnie d'assurances ; qu'en déduisant des seules déclarations faites par sa concubine et par le prévenu, lesquelles ne faisaient qu'établir que Bruno X... conduisait le véhicule impliqué dans l'accident pour se rendre au lycée, que le souscripteur du contrat était de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas constaté que Y... ait eu l'intention de tromper son assureur sur l'étendue du risque garanti, et a refusé de s'expliquer sur la crédibilité des déclarations rapportées par un enquêteur privé, comme l'y invitaient les conclusions des parties ;
" alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait sans se contredire déclarer péremptoirement que Y... avait sciemment trompé son assureur sur l'étendue du risque, et constater par ailleurs que la franchise conducteur novice avait été souscrite lors de la conclusion du contrat, la déclaration des aggravations de risque de contrat étant exclusive de l'intention de tromper ;
" alors qu'en outre, la cour d'appel ne pouvait se contenter d'énoncer qu'à l'évidence le véhicule était habituellement conduit par Bruno X..., sans s'expliquer sur le fait que le véhicule impliqué dans l'accident, qui n'avait été acquis que pour remplacer un véhicule antérieur conduit par Y... depuis de très nombreuses années, était donc bien destiné à être conduit par celui-ci puisque Bruno X... n'était pas encore titulaire du permis de conduire, et sans mieux s'expliquer sur le fait que l'accident, survenu dans le mois suivant l'obtention du permis de conduire par X..., alors que Y..., concubin de sa mère avec qui il vivait, était souffrant, n'a donc pu avoir pour auteur le conducteur habituel de ce véhicule dès lors que la notion d'habitude s'attache nécessairement à une certaine durée ;
" et alors qu'enfin, et en l'état de sa motivation, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que le souscripteur du contrat était de mauvaise foi, ne pouvait prononcer la nullité du contrat d'assurance après avoir relevé qu'en connaissance des circonstances aggravantes, l'assureur aurait contracté moyennant une prime plus élevée, dès lors que l'aggravation des risques de bonne foi n'est pas sanctionnée par la nullité mais par la réduction proportionnelle de l'indemnité " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 3 novembre 1988, Josette X..., mère de Bruno X... né en 1970, a acheté pour son fils, qui venait d'obtenir le permis de conduire, une automobile ; que ce véhicule a été immatriculé au nom de Louis Y..., concubin de Josette X..., qui l'a fait assurer auprès de la compagnie Les Mutuelles du Mans en sollicitant le transfert, sur cette voiture, de la police d'assurance qui garantissait sa responsabilité civile pour un autre véhicule ; que le 4 décembre 1988, Bruno X..., conduisant l'automobile acquise un mois avant, a provoqué un accident, blessant grièvement Patrick Z... ;
Attendu que, pour accueillir l'exception de nullité du contrat d'assurance soulevée par la compagnie Les Mutuelles du Mans sur le fondement de l'article L. 113-8 du Code des assurances, la juridiction d'appel retient que la voiture avait été achetée par Josette X... pour l'usage exclusif de son fils, le jour même où celui-ci avait obtenu son permis ; que Bruno X... utilisait le véhicule chaque jour pour aller au lycée ; que Louis Y..., qui avait été victime d'un grave accident du travail, était alors indisponible ; qu'en cachant sciemment à la compagnie d'assurances, pour éviter une majoration de prime, l'aggravation de risque résultant du fait que l'automobile serait habituellement conduite par le jeune Bruno, le souscripteur a agi en fraude des droits de l'assureur ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs procédant de l'appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve soumis au débat contradictoire et notamment de la bonne ou de la mauvaise foi du souscripteur du contrat, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs allégués ; que le moyen, qui se borne à remettre en cause cette appréciation souveraine, ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1134 du Code civil, de l'article L. 113-1 du Code des assurances, de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré inapplicable la police souscrite par Mme X... couvrant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à Bruno X... ;
" aux motifs que la police n° 169828 souscrite par Josette X... pour son fils et couvrant la responsabilité civile de celui-ci est inapplicable en l'espèce, s'agissant de faits délictuels ;
" alors que, d'une part, l'assureur de responsabilité doit garantie lorsque la responsabilité civile de l'assuré-responsable se trouve mise en jeu pour d'autres faits que ceux qu'a pu occasionner sa faute intentionnelle ou dolosive ; qu'il en va ainsi en cas de poursuites pour homicide involontaire à l'égard de la victime qui s'est constituée partie civile dès lors que l'action civile constitue une extension purement civile de la compétence répressive qui ne doit être jugée que selon des règles proprement civiles, l'action civile n'ayant l'infraction pour origine que par l'intermédiaire du dommage que celle-ci a provoqué ; qu'en déclarant inapplicable en la cause l'assurance de responsabilité souscrite par Mme X... pour son fils aux motifs qu'il s'agissait de faits délictuels, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" et alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, la cour d'appel n'a pu légalement statuer comme elle l'a fait sans constater que l'assureur avait exclu sa garantie dans les conditions de l'article L. 113-1 du Code des assurances " ;
Attendu que Louis Y..., qui n'est pas assuré au titre du contrat souscrit par Josette X..., et qui n'a pas été victime de l'accident litigieux, est sans qualité pour revendiquer l'application de ce contrat aux faits de la cause ; d'où il suit que le moyen est irrecevable ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Sur le pourvoi de Bruno X... :
DIT n'y avoir lieu à statuer ;
Sur le pourvoi de Louis Y... :
LE REJETTE.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-81056
Date de la décision : 13/05/1992
Sens de l'arrêt : Non-lieu à statuer et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CASSATION - Pourvoi - Pourvoi de la partie intervenante - Arrêt ayant définitivement statué sur l'action civile - Recevabilité.

1° Est recevable devant la Cour de Cassation le pourvoi formé par le souscripteur d'un contrat d'assurance contre le chef de la décision qui a prononcé la nullité de ce contrat, alors même que les dispositions dudit arrêt afférentes à l'action civile ont acquis un caractère irrévocable

2° ASSURANCE - Contrat d'assurance - Exception de nullité - Fausse déclaration intentionnelle - Mauvaise foi - Appréciation souveraine.

2° Les juges du fond apprécient souverainement la bonne ou la mauvaise foi du souscripteur d'un contrat d'assurance. Justifie, dès lors, sa décision l'arrêt qui, pour accueillir l'exception de nullité d'un contrat d'assurance, retient que le souscripteur dudit contrat, en cachant sciemment à la compagnie d'assurances une cause d'aggravation de risque, a agi en fraude des droits de l'assureur


Références :

Code des assurances L113-8

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes (chambre correctionnelle), 17 janvier 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 mai. 1992, pourvoi n°91-81056, Bull. crim. criminel 1992 N° 190 p. 524
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 190 p. 524

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Souppe, conseiller le plus ancien faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Perfetti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Carlioz
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.81056
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