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21/04/1992 | FRANCE | N°90-18500

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 avril 1992, 90-18500


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°) M. Lucien Y..., demeurant ... (Alpes-Maritimes),

2°) M. André Y..., demeurant ... (Alpes-Maritimes),

3°) Mlle Dinah, Claire Y..., demeurant ... (9ème),

4°) M. Claude A..., demeurant Les Hauts Para, Le Lavandou (Var),

en cassation d'un arrêt rendu le 27 mars 1990 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1ère chambre section A), au profit :

1°) de la société anonyme Sed Diffusion, dont le siège social est à Nic

e (Alpes-Maritimes), ...,

2°) de M. Jean-Claude B..., demeurant ... (Alpes-Maritimes), agissant tant en...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°) M. Lucien Y..., demeurant ... (Alpes-Maritimes),

2°) M. André Y..., demeurant ... (Alpes-Maritimes),

3°) Mlle Dinah, Claire Y..., demeurant ... (9ème),

4°) M. Claude A..., demeurant Les Hauts Para, Le Lavandou (Var),

en cassation d'un arrêt rendu le 27 mars 1990 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1ère chambre section A), au profit :

1°) de la société anonyme Sed Diffusion, dont le siège social est à Nice (Alpes-Maritimes), ...,

2°) de M. Jean-Claude B..., demeurant ... (Alpes-Maritimes), agissant tant en son nom personnel qu'ès qualités de président directeur général de la société anonyme Sed Diffusion,

défendeurs à la cassation ; EN PRESENCE DE :

1°) la société Tracer France, société à responsabilité limitée, dont le siège social est ... (Alpes-Maritimes),

2°) M. X..., demeurant ... (Alpes-Maritimes), pris en sa qualité d'administrateur de la société Tracer France,

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les quatres moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 mars 1992, où étaient présents :

M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat des consorts Y... et de M. A..., de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société Sed Diffusion et de M. B..., les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mars 1990), que, pour mettre un terme aux rivalités commerciales qui les opposaient sur le marché des matériels électroniques, M. Lucien Y..., gérant de la société à responsabilité limitée Tracer France, et les membres de

son groupe ont signé, le 29 juin 1984 avec M. B..., gérant de la

société à responsabilité limitée SED diffusion, une convention par laquelle la société SED diffusion rachetait, aux conditions fixées dans l'acte, toutes les parts de la société Tracer France, M. Lucien Y... se démettant de ses fonctions de gérant et s'engageant à ne pas concurrencer pendant dix ans la société SED diffusion pour la vente des matériels commercialisés par elle ; que, par une deuxième convention signée le même jour, M. Lucien Y... et M. B... se sont engagés à créer une société, dont ils seraient tous deux cogérants, ayant pour objet la vente de tous matériels autres que ceux commercialisés par la société SED diffusion ; qu'après la création de cette société sous la dénomination de Direct Import, M. B... a reproché à M. Lucien Y... d'avoir concurrencé son groupe sous le couvert de cette dernière société, ainsi que d'une société nouvelle Gam Digit, dirigée par son épouse ; que M. Lucien Y... a reproché à M. B... de s'être livré à diverses manoeuvres destinées à lui éviter d'avoir à payer le prix des parts litigieuses après avoir obtenu les avantages qu'il escomptait en signant les conventions ; que la société SED diffusion a assigné MM. Lucien et André Y..., Mlle Dinah Y... et M. A... (les consorts Y...) pour voir dire qu'elle était devenue propriétaire des parts dont s'agit, tandis que, parallèlement, tout en s'opposant à cette demande, les consorts Y... ont demandé la résolution de la convention du 29 juin 1984 ; Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande en résolution, alors, selon le pourvoi, que la résolution judiciaire d'une convention doit être prononcée à raison des faits qui revêtent ou non un caractère fautif et rendent impossible l'exécution de la convention litigieuse ; que l'arrêt constate que la convention litigieuse comportait une disposition déterminante, par laquelle les parties mettaient un terme à tous les litiges antérieurs, moyennant la création d'une société Direct Import, créée le 3 septembre 1984 "entre M. Lucien Y... et M. C..., agissant pour le compte de M. B..." ; que

l'arrêt constate par ailleurs que cette société n'a pu survivre au dissentiment entre ses associés qui ont, par une décision de l'assemblée générale extraordinaire convoquée par un administrateur judiciaire, mis en liquidation anticipée la société Direct Import ; d'où il suit qu'en condamnant les consorts Y... à exécuter les conventions précitées, après avoir constaté que celles-ci ne pouvaient être exécutées dans l'un de leurs éléments essentiels et déterminants, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ; Mais attendu que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté a le choix, soit de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, soit d'en demander la

résolution ; qu'après avoir relevé que le but poursuivi par les intéressés était de mettre un terme à la concurrence à laquelle se livraient les deux groupes, l'arrêt retient que M. Y... n'avait pas respecté son obligation de non-concurrence mais que les consorts B... demandaient l'exécution de la convention litigieuse qui comportait plusieurs obligations à la charge des consorts Y... ; qu'en l'état de ces appréciations, c'est à juste titre que la cour d'appel a ordonné la régularisation de la cession de parts prévue dans la convention précitée et pour laquelle les consorts B... avaient consigné des fonds ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que les consorts Y... font également grief à l'arrêt d'avoir ordonné une expertise en vue de déterminer le préjudice causé par la violation par M. Lucien Y... de la clause de non-concurrence, directement ou indirectement, dans le cadre de l'activité des sociétés Direct Import et Tracer France ou par l'intermédiaire de la société Gam Digit ou de toute autre, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il est de règle qu'une clause de non-concurrence doit avoir une portée limitée ; qu'en instituant une expertise en vue de rechercher la nature

et l'étendue de l'activité de M. Lucien Y..., tant à titre personnel qu'au travers de la société Gam Digit ou "toute autre", la cour d'appel a conféré à l'obligation de non-concurrence un caractère illimité géographiquement, non prévu par la convention, et par là même violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la création de la société Direct Import avait été prévue par la convention litigieuse en vue

notamment d'assurer à M. Lucien Y... une situation professionnelle comme cogérant de cette société ; d'où il suit qu'en reprochant à M. Lucien Y... des faits de concurrence déloyale commis dans le cadre de cette société et au nom de cette dernière, dont M. B..., prétendue victime de tels faits était lui-même cogérant, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que, dans leurs conclusions d'appel, les consorts Y... faisaient valoir que "les activités de la société Direct Import ne peuvent être étrangères à M. B... :

il ne pouvait profiter en tant qu'associé à 50 % des activités de la société Direct Import, les gérer en qualité de cogérant par l'intermédiaire de Mme Z..., sa préposée, et s'en plaindre eu égard à la clause de non-concurrence, comme l'ont relevé expressément les arbitres dans leur sentence arbitrale, qu'il y a lieu de lui opposer l'adage "nemo auditur propriam turpitudinem allegans", que, de toute façon, s'il y a eu violation par la société Direct Import de la clause de non-concurrence, M. B... la connaissait et en a donc couvert les conséquences" ; que, dès lors, en n'apportant aucune réponse à ces conclusions des consorts Y..., l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en statuant dans les termes reproduits par le moyen, la cour d'appel a pris en considération les modalités d'exercice de l'activité de M. Lucien Y... et n'en a pas décidé l'extension géographique ; Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, d'un côté, que l'économie de la convention était de supprimer toute concurrence directe ou indirecte entre les personnes concernées, en particulier avec la société SED diffusion et les autres sociétés du groupe B..., M. Lucien Y..., s'engageant formellement à respecter la clause de non-concurrence contenue dans la convention, et, d'un autre côté, que si M. B... avait, sur la demande expresse de M. Lucien Y..., autorisé celui-ci en septembre et octobre 1984 à faire paraître pour la société Direct Import, en vue de l'aider dans ses débuts, une publicité relative à des matériels commercialisés par la société SED diffusion, M. B... avait, dès le mois d'avril 1985, protesté contre les publicités ultérieures effectuées sans son accord ; qu'après la constatation faite le 7 novembre 1985 qu'au siège de la société Direct Import le personnel traitait de nombreuses commandes au nom de la société Gam Digit, M. B... a, dès le 8 novembre 1985, fait obstacle à la poursuite de l'exploitation de la société Direct Import ; que la cour d'appel, qui a ainsi répondu aux conclusions invoquées, a légalement justifié sa décision ; Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que les consorts Y... font encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans leurs conclusions d'appel signifiées le 29 septembre 1986 et le 10 juin 1988, ils avaient fait valoir que la société Direct Import s'est constituée avec pour objet "l'achat

et la vente de tout matériel électronique et matériel de bureau et de tout produit complémentaire, et n'a d'ailleurs pas repris à son compte l'interdiction de diffuser tel type de matériel prévu dans la promesse de société" ; qu'en déclarant que M. B... et la société SED diffusion avaient pu repousser l'exécution des obligations leur incombant en vertu de la convention litigieuse en raison des violations répétées par M. Lucien Y... en sa qualité de gérant de la société Direct Import de la clause de non-concurrence, la cour d'appel, qui n'a pas examiné le moyen fondé sur l'absence de toute limitation statutaire de l'activité de la société Direct Import, a entaché par là même son

arrêt d'un défaut de motif et donc d'une violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, dans leurs conclusions d'appel signifiées le 13 octobre 1989, les consorts Y... ont fait valoir que ne pouvait être assimilable à des offres réelles la consignation effectuée unilatéralement, et de plus hors délai, par le débiteur ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a entaché sa

décision d'un défaut de motif et, par là même, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, qu'une partie ne peut renoncer unilatéralement à une clause insérée dans un contrat qui revêt un caractère synallagmatique ; qu'en retenant que les consorts Y... avaient pu seuls renoncer à considérer le délai du 31 octobre 1984 pour le paiement de l'acompte de 140 000 francs prévu dans la transaction du 29 juin 1984 comme un terme de rigueur, l'arrêt a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'en déclarant que les consorts Y... avaient renoncé, pour le paiement des acomptes à valoir sur le prix des parts sociales, au terme fixé par la convention, la cour d'appel, qui ne fait état d'aucun acte manifestant sans équivoque cette volonté de renonciation, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu, en premier lieu, qu'en retenant, d'un côté, que si la société Direct Import n'était pas tenue en tant que personne morale de respecter la clause de non-concurrence, son gérant s'y était en revanche obligé, et, d'un autre côté, que la sommation délivrée le 19 mars 1986 par la société SED diffusion et M. B..., en vue de régulariser la cession des parts, et qui comportait une offre de paiement, n'était pas sans valeur, dès lors que le prix proposé tenait compte des corrections apportées en cours d'arbitrage, que les fonds étaient représentés et le paiement des intérêts échus également offert, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées ; Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que la convention prévoyait, certes, le versement d'un acompte à la date du 31 octobre 1984, mais que si les

consorts Y... avaient, le 7 mars 1985, mis en demeure M. B... de régulariser toutes les cessions avant le 15 mars 1985, ils n'avaient tiré aucune conséquence de cette sommation et en avaient fait délivrer une nouvelle, le 4 avril 1985, intimant à M. B... de payer ledit acompte et le solde du prix de leurs parts selon l'évaluation du 19 novembre 1984, sauf à saisir les arbitres en cas de contestation, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir le caractère non équivoque de la renonciation des consorts Y... à se prévaloir du terme prévu dans leur seul intérêt, a pu en déduire que ceux-ci n'avaient pas considéré la date du 31 octobre 1984 comme un terme de rigueur ; Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Et sur le quatrième moyen :

Attendu que les consorts Y... demandent enfin la cassation de l'arrêt en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de référé du 26 avril 1986 désignant un administrateur provisoire à la société Tracer France comme conséquence de l'annulation de la décision validant la cession des parts sociales litigieuses ;

Mais attendu qu'il résulte de ce qui précède que le moyen est sans fondement ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-18500
Date de la décision : 21/04/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

(pour le 1er moyen seulement) CONTRATS ET OBLIGATIONS - Résolution et résiliation - Article 1184 du code civil - Option du créancier - Demande en exécution - Régularisation d'une cession de parts sociales.


Références :

Code civil 1184

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 mars 1990


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 avr. 1992, pourvoi n°90-18500


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.18500
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