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31/03/1992 | FRANCE | N°90-10720

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 mars 1992, 90-10720


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I. Sur le pourvoi n° M 90-10.720 formé par M. Orazio Y..., demeurant ... à Viry-Châtillon (Essonne),

II. Sur le pourvoi n° D 9011.449 formé par M. François Y..., demeruant ... à Viry-Châtillon (Essonne),

en cassation d'un arrêt rendu le 23 novembre 1989 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section B), au profit :

1°/ de M. Daniel X..., syndic, demeurant ... (4e), pris en sa qualité de syndic à la liquidation des biens de la société Tradition 2,

2°/ de M. Laurence Z..., demeurant ... (16e), prise en sa qualité de mandataire de M. Y...,

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I. Sur le pourvoi n° M 90-10.720 formé par M. Orazio Y..., demeurant ... à Viry-Châtillon (Essonne),

II. Sur le pourvoi n° D 9011.449 formé par M. François Y..., demeruant ... à Viry-Châtillon (Essonne),

en cassation d'un arrêt rendu le 23 novembre 1989 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section B), au profit :

1°/ de M. Daniel X..., syndic, demeurant ... (4e), pris en sa qualité de syndic à la liquidation des biens de la société Tradition 2,

2°/ de M. Laurence Z..., demeurant ... (16e), prise en sa qualité de mandataire de M. Y...,

défendeurs à la cassation ; Le demandeur au pourvoi n° M 90-10.720 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Le demandeur au pourvoi n° D 90-10.449 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 mars 1992, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, M. Hatoux, conseiller, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat de M. Orazio Y..., de Me Ryziger, avocat de M. François Y..., de Me Spinosi, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Joint le pourvoi n° 90-10.720 formé par M. Orazio Y... et le pourvoi n° 90-11.449 formé par M. François Y... qui attaquent le même arrêt :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 novembre 1989), que la société Tradition II (la société) dont M. Orazio Y... était l'un des associés a été mise en liquidation des biens le 26 juin 1980 avec M. X... pour syndic ; que par acte notarié du 4 septembre 1981 M. Orazio Y... a vendu à son fils François Y... l'immeuble lui appartenant à Viry-Chatillon et le mobilier le garnissant pour le prix de 300 000 francs ; que le 7 octobre 1981 M. Orazio Y... a été condamné sur le fondement de l'article 99 de la loi du 13 juillet 1967 à payer le montant des dettes sociales et a été mis en faillite personnelle ; que le syndic a assigné MM. Orazio et François Y... pour que soit

déclarée inopposable à la masse des créanciers de la société la vente susvisée ; Sur le moyen unique du pourvoi n° 90-10.720 et sur le premier moyen du pourvoi n° 90-11.449 réunis :

Attendu que M. Orazio Y... et M. François Y... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli l'action paulienne du syndic alors, selon le pourvoi, d'une part, que si, en principe, l'acte critiqué par l'action paulienne doit être postérieur à la naissance de la créance, il n'en est plus ainsi lorsque la fraude a été organisée à l'avance en vue de porter préjudice à un créancier futur ; que la simple connaissance de procédures en cours, peu important la lourdeur des condamnations prononcées ultérieurement, ne caractérise pas la conscience du préjudice causé aux futurs créanciers ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du Code civil ; et alors, d'autre part, que si le principe selon lequel le créancier qui attaque un acte prétendument frauduleux de son débiteur doit justifier d'une créance antérieure à cet acte reçoit exception lorsqu'est établie une "prévision frauduleuse", c'est-à-dire lorsque cet acte a été réalisé en fraude des intérêts de créanciers futurs, une telle exception suppose que soit caractérisée la prévision frauduleuse ; qu'en se contentant de relever que M. Orazio Y... avait été assigné en faillite personnelle et "en comblement de passif" dès le mois d'avril 1981 et qu'il ne pouvait prétendre ignorer, lorsqu'il a passé la vente litigieuse au mois de septembre suivant, les conséquences prévisibles de ces procédures et en relevant que lesdites procédures ont abouti à une condamnation prononcée le 7 octobre 1981 et que c'est en parfaite connaissance de cause que M. Orazio Y... a conclu la vente litigieuse en vue de nuire à ses créanciers futurs, contre lesquels la fraude était précisément dirigée, la cour d'appel qui se contente de relever l'existence de procédures dirigées contre le vendeur sans préciser en quoi l'existence de telles procédures caractérisait la fraude a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du Code civil ; Mais attendu que la cour d'appel a énoncé que M. Orazio Y..., qui avait été assigné en paiement des dettes sociales et en faillitte personnelle dès le mois d'avril 1981, ne pouvait prétendre ignorer, lorsqu'il a conclu la vente litigieuse, au mois de septembre suivant, les conséquences prévisibles de ces procédures de sorte que c'est en parfaite connaissance de cause qu'il a accompli cet acte en vue de nuire à ses créanciers futurs contre lesquels la fraude était précisément dirigée ; qu'elle a relevé que le préjudice causé par cette fraude résulte du fait que l'immeuble objet de la vente est sorti définitivement du patrimoine de M. Orazio Y... sans être remplacé par

le prix de vente dont il n'a pas été retrouvé trace du paiement ; que, par ces motifs, la cour d'appel a justifié légalement sa décision ;

d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ; Et sur le second moyen du pourvoi n° 90-11.449, pris en ses deux branches :

Attendu que M. François Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que la bonne foi se présumant, il appartient au créancier exerçant l'action paulienne contre le tiers acquéreur de démontrer la complicité de fraude de ce tiers ; qu'une telle complicité ne saurait résulter seulement de l'existence de rapports de famille ; qu'en se contentant de relever que M. François Y... vivait au domicile de ses parents dans l'immeuble objet de la vente et qu'il ne pouvait ignorer l'activité de ceux-ci au sein de la société qui était une société de famille, ni la situation de cette société en liquidation des biens depuis 1979, ni les poursuites dirigées contre son père et qu'il ne peut raisonnablement être admis que M. François Y... n'ait pas été informé par son père des motifs qui le conduisait à vendre le pavillon dans lequel il entendait conserver et son habitation et celle de son épouse, la cour d'appel a présumé l'existence d'une complicité de fraude justifiée par les rapports de famille et a ce faisant renversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 2268 du Code civil, ensemble l'article 1167 du Code civil et alors, d'autre part, qu'il appartient au demandeur de rapporter la preuve des faits dont il entend se prévaloir ; qu'en l'espèce c'etait au demandeur qui se prévalait d'une fraude paulienne, corroborée par une prétendue simulation consistant notamment dans l'absence du prix, à établir le défaut de payement ; qu'en énonçant qu'on s'explique mal comment M. François Y... âgé de vingt ans et exerçant une activité d'employé de bureau a pu se procurer les fonds nécessaires pour acquitter le prix de vente comptant, observation étant faite que celui-ci a, selon les énonciations de l'acte, été payé "directement entre les parties" et en dehors de la comptabilité du notaire, par un chèque dont il n'est même pas justifié qu'il ait été encaissé, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; Mais attendu qu'ayant analysé les circonstances dans lesquelles, compte tenu de son âge et de ses ressources, M. François Y..., qui vivait

au domicile de ses parents dans l'immeuble objet de la vente litigieuse, s'était porté acquéreur de cet immeuble dans lequel ses parents entendaient conserver leur habitation et relevé les modalités du paiement du prix, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a pu décider que l'acquéreur s'était rendu complice de la fraude ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-10720
Date de la décision : 31/03/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ACTION PAULIENNE - Conditions - Fraude - Complicité d'un tiers - Connaissance du préjudice causé au créancier - Application à un débiteur assigné en faillite personnelle.


Références :

Code civil 1167

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 novembre 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 mar. 1992, pourvoi n°90-10720


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.10720
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