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24/03/1992 | FRANCE | N°89-20178

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mars 1992, 89-20178


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la SCA la Roche aux Moines, dont le siège social est Château de la Roche aux Moines, Savennières à Saint-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire),

en cassation d'un arrêt rendu le 5 septembre 1989 par la cour d'appel d'Angers (1ère chambre, section A), au profit de :

1°) la SCI de B..., dont le siège social est sis "le Logis de la Cour", Savennières à Saint-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire),

2°) M. Jean-François B..., pris tant en son nom

personnel qu'en sa qualité d'associé de la SCI de B..., demeurant "le Logis de la Cou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la SCA la Roche aux Moines, dont le siège social est Château de la Roche aux Moines, Savennières à Saint-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire),

en cassation d'un arrêt rendu le 5 septembre 1989 par la cour d'appel d'Angers (1ère chambre, section A), au profit de :

1°) la SCI de B..., dont le siège social est sis "le Logis de la Cour", Savennières à Saint-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire),

2°) M. Jean-François B..., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'associé de la SCI de B..., demeurant "le Logis de la Cour", Savennières à Saint-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire),

3°) Mme Monique Y..., épouse de M. Jean-François B..., prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de gérante de la SCI de B..., demeurant "le Logis de la Cour", Savennières à Saint-Georges-sur-Loire (Maine-et-Loire),

défendeurs à la cassation ; La SCI de B... et les époux B... défendeur au pourvoi principal, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal, invoque à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Les demandeurs au pourvoi incident, invoquent à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 11 février 1992, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Gomez, conseiller rapporteur, M. Z..., Mme C..., MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Léonnet, conseillers, M. A..., Mme Geerssen, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Gomez, les observations de M. Choucroy, avocat de la SCA la Roche aux Moines, de Me Ryziger, avocat de la SCI de B... et les époux B..., les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la SCI de B..., représentée par son gérant en exercice Mme Monique X...
D... épouse B..., par cette dernière en son nom propre et par M. Jean-François B... que sur le pourvoi principal relevé par la SCA la Roche aux Moines ; Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société civile agricole la Roche aux Moines (SCA la Roches aux Moines), propriétaire, sur le territoire de la commune de Savennières, au lieu-dit "la Roche aux Moines" d'un domaine comprenant un immeuble d'habitation et des vignobles dont elle

commercialise les produits sous la marque notamment, "Château de la Roche aux Moines", a, le 4 septembre 1988, assigné Mme B... et M. B..., en qualité, la première de gérant, le second d'associé de la société civile immobilière de B... (SCI B...), propriétaires d'un terrain contigu au sien et exploitants viticoles pour utilisation illicite de la marque "Château aux Moines" déposée par leurs soins le 26 septembre 1984 et utilisation illicite du nom "Domaine de la Roche aux Moines" sur les pancartes routières, les étiquettes de vin et les documents de vente et de publicité ; que M. et Mme B... ont formé une demande reconventionnelle en radiation de la marque "Château de la Roche aux Moines" ; Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la radiation de la marque "Château de

la Roche aux Moines" alors, selon le pourvoi qu'aucun principe n'interdit à un producteur d'AOC de déposer une marque associant un signe distincif propre exactement qualifié, comme "Château", à un nom géographique constituant partie de l'appellation d'origine, à condition que la marque ne soit pas déceptive, ou qu'elle ne vise pas, par recherche de confusion, à porter atteinte à des marques déjà déposées, ou à la protection d'ordre public dont bénéficient les appellations d'origine ; qu'il résulte des motifs même de l'arrêt que la marque "Château de la Roche aux Moines" n'avait pas de caractère déceptif, et qu'elle comprenait un signe distinctif propre exactement dénommé, dont on ne pouvait contester l'utilisation aux propriétaires ; que, par ailleurs, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un risque de confusion entre la marque et l'appellation d'origine, en tant que telle ; qu'au contraire, il résulte des motifs de l'arrêt que la marque comportait un signe distinctif exactement dénommé, et, qu'elle associait un nom géographique constituant seulement partie optionnelle de l'appellation d'origine ; qu'enfin, la cour d'appel a constaté que la marque avait été enregistrée avec la mention "AOC provenant de l'exploitation exactement dénommé "Château de la Roche aux Moines" ; qu'en jugeant que le producteur n'avait pu déposer une marque "Château de la Roche aux Moines" dans le cadre et le respect de l'AOC Savennières la Roche aux Moines, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision, au regard de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964, et des dispositions de la loi du 6 mai 1919 ; Mais attendu qu'en retenant que l'appellation d'origine contrôlée Savennières la Roche aux Moines, dont la Roche aux Moines n'est qu'un cru n'était pas susceptible d'appropriation, et que les termes permettant de désigner cette appellation d'origine contrôlée formaient un ensemble, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'adjonction du mot "château" à l'expression "de la Roche aux Moines" entachait d'irrégularité la marque ;

d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi principal :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande tendant à l'interdiction de l'utilisation des expressions "Domaine de la Roche aux Moines" et "Logis de la Roche aux Moines" alors selon le pourvoi qu'il résulte des motifs mêmes de l'arrêt que les dénominations de "Domaine et Logis de la Roche aux Moines" utilisées par la SCI de B... comme adresse commerciale et à des fins publicitaires étaient source de confusion avec la propriété voisine, en raison des titres et des circonstances, et que les Consorts B... s'étaient, à cet égard, livrés à des agissements parasitaires destinés à détourner la clientèle de la SCA, en profitant en particulier du fait qu'il était obligatoire en venant de Savennières de passer par leur propriété pour accéder à la propriété de la SCA et en s'identifiant au "Château de la Roche aux moines" ; qu'ainsi la cour d'appel qui, tout en constatant les agissements parasitaires auxquels se livraient la SCI de B... par recherche de confusion d'adresse commerciale, qui a refusé de faire cesser cette cause de confusion en interdisant l'utilisation des dénominations en question à des fins d'adresse commerciale et de publicité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, au regard de l'article 1382 du Code civil ; Mais attendu que, par une appréciation souveraine des éléments de la cause, la cour d'appel a retenu que l'utilisation des termes "domaine" et "logis" résultait d'un usage pouvant être attribué aux parties et aux auteurs dont ils tenaient leurs droits et correspondait à la désignation d'une propriété où se trouve une maison seigneuriale, classée comme "logis" où sont produits des vins d'appelation contrôlée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la radiation de la marque "Château aux Moines" alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'indépendament des marques comportant des signes dont l'utilisation serait contraire à l'ordre public et aux bonnes moeurs ou des marques génériques ou déceptives, ne peuvent être considérées comme frauduleuses que les marques qui comportent des indications propres à tromper le public ; que l'indication "Château aux Moines" dans le nom de la marque n'était pas de nature à tromper le public sur la qualité du produit, que la décision attaquée est donc entâchée de violation de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 ; alors, d'autre part, que des mots tels que "château" peuvent être inscrits sur l'emballage ou dans une marque de vin dès lors qu'il s'agit de produit bénéficiant d'une appellation d'origine et provenant d'une exploitation agricole existant réellement, et, s'il y a lieu exactement qualifiée par ces mots ou expression ; que tel est le cas d'une exploitation agricole dont l'habitation

qualifiée par l'usage du nom de château, même si l'expression est pompeuse ou exagérée ; qu'en l'espèce actuelle, la décision attaquée constate que la propriété des époux B... est une grande maison de maître appelée "château" par les habitants ou sur des cartes postales ; qu'en ne recherchant pas si cet usage constant ne suffisait pas à qualifier l'exploitation agricole de "château", au sens de l'article 284 du Code du vin et de l'article 5 du règlement CEE N° 997-81 du 26 mars 1981, les juges du fond ont privé leur décision de base légale ; alors, de troisième part, que la SCI de B... et les époux B... avaient fait valoir que leur propriété correspondait à une ancienne "maison seigneuriale" érigée par les abbés de Saint-Nicolas, reconstruite à la fin du XVIIIème siècle ; qu'en ne recherchant pas si c'est le fait que la maison des époux Laroche soit une ancienne maison seigneuriale ne suffisait pas à la qualifier de "château", la cour d'appel a privé son arrêt de base légale, au regard des articles 284 du Code du vin et 5 du règlement CEE N° 997-81 ; alors, enfin, que la SCI de Laroche et les époux Laroche avaient fait valoir dans leurs conclusions que toutes les parcelles composant leur propriété portaient la dénomination "la Roche aux

Moines" "Château" ou "la Roche aux Moines" pour les autres parcelles ; qu'en particulier il en était ainsi de la parcelle bâtie B 11 541 de l'acte du 5 avril 1928 de l'auteur de la SCI Laroche ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, et en se contentant de s'expliquer sur le nom de certaines parcelles de la propriété de la SCA (ou propriété Joly), parcelles qui n'étaient pas en cause pour l'appréciation de la marque "Château aux Moines", les juges du fond ont, sur ce point encore, privé leur arrêt de base légale au regard de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964, de l'article 284 du Code du vin et de l'article 5 du règlement CEE N° 997-81 ; Mais attendu que, dans l'exercice de son pouvoir souverain, la cour d'appel a retenu que le dépôt de la marque "Château aux Moines" a été fait après qu'il a été faussement certifié à l'Institut national de la Propriété industrielle par le déposant que sa propriété était qualifiée de "château" et dans le but d'empêcher la SCA la Roche aux Moines d'utiliser le terme de "château" dans son adresse et son exploitation commerciale ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel répondant, en les rejetant, aux conclusions invoquées, a pu décider que

le dépôt de la marque n'ayant pas été fait dans le seul but d'identifier des produits, était irrégulier ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Mais sur le second moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu que pour condamner la SCI B... au paiement des

dommages-intérêts, la cour d'appel, après avoir constaté le comportement parasitaire de la SCI B... qui, profitant de l'obligation de passage par sa propriété pour accéder à celle de la SCA la Roche au Moines, faisait ou tentait de faire croire qu'elle était le seul producteur du vin de l'appellation d'origine contrôlée, en a déduit que cette attitude justifiait à elle seule que la SCI B... supporte l'intégralité des frais de l'instance ; Attendu qu'en se déterminant par ces motifs, sans caractériser l'existence d'un lien de causalité entre la faute de la SCI B... qu'elle retient et le préjudice éprouvé par la SCA la Roche aux Moines, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la SCI B... à verser à la SCA la Roche aux Moines, la somme de cinquante mille francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 5 septembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ; Condamne la SCA la Roche aux Moines, envers la SCI de B... et les époux B..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Angers, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-quatre mars mil neuf cent quatre vingt douze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 89-20178
Date de la décision : 24/03/1992
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Atteintes portées à la marque - Imitation frauduleuse ou illicite - Confusion - Usage frauduleux - Publicité commerciale.

MARQUE DE FABRIQUE - Objet - Appellation d'origine en matière vinicole - Utilisation des expressions "chateau", "domaine" et "logis".


Références :

Code civil 1382
Loi 64-1360 du 31 décembre 1964

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 05 septembre 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mar. 1992, pourvoi n°89-20178


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:89.20178
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