LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Duteil, exerçant sous l'enseigne "Auberge du Vieux Gachet", dont le siège est au lieudit "Le Vieux Gachet" à Carquefou (Loire-Atlantique), agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège,
en cassation d'un arrêt rendu le 5 juin 1990 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre), au profit de la compagnie d'assurances La Préservatrice foncière assurances, dont le siège social est ... Défense (Hauts-de-Seine),
défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 janvier 1992, où étaient présents :
M. Jouhaud, président, Mme Delaroche, conseiller rapporteur, M. Viennois, conseiller, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller Delaroche, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Duteil, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la compagnie d'assurances La Préservatrice foncière assurances, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Sur les deux moyens réunis :
Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fond que, le 8 décembre 1985, un incendie a détruit le restaurant exploité par la société à responsabilité limitée Duteil, laquelle avait souscrit, auprès de la compagnie La Préservatrice foncière assurances un contrat prévoyant une indemnité maximale de 930 000 francs, que la société Duteil a assigné son assureur en paiement de cette somme, que les premiers juges ont accueilli cette demande ; que, cependant, devant la juridiction du second degré la compagnie La Préservatrice foncière assurances a fait valoir le moyen pris de l'irrecevabilité de l'action pour non-respect par l'assuré de la procédure contractuelle d'évaluation des dommages en cas de désaccord sur l'évaluation ; Attendu que la société Duteil fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 5 juin 1990) d'avoir déclaré son action irrecevable, alors, selon le moyen, de première part, que l'expertise amiable est faite sous réserve des droits respectifs des parties et qu'en l'absence d'accord exprès sur les conclusions de celle-ci, le seul fait pour l'assuré de demander à l'assureur de régler, à tout le moins, ce qu'il reconnait devoir, c'est-à-dire la somme retenue par l'expert amiable, ne saurait s'analyser en un accord sur le montant de l'indemnité
d'assurance et en une renonciation à faire fixer celle-ci par le juge ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1034 et 2044 du Code civil ; et alors, de seconde part, que le contrat d'assurance prévoit seulement pour chacune des parties la faculté et non l'obligation une fois l'expertise amiable achevée, et, en cas de désaccord des parties, de demander par une simple requête au président du tribunal de grande instance la désignation d'un expert ; qu'en déclarant l'action de l'assuré irrecevable, pour n'avoir pas préalablement sollicité, par voie de requête, la désignation d'un expert, la juridiction du second degré a dénaturé l'article 2 du chapitre IV des conditions générales de la police ; Mais attendu que les juges du second degré, qui ont procédé à une exacte analyse des stipulations de la police relative à la procédure contractuelle d'évaluation des dommages à laquelle les parties étaient tenues de se conformer, ont relevé que ces dernières avaient ainsi choisi chacune un expert et qu'un rapport d'expertise commun avait été établi fixant l'indemnisation à la somme de 550 000 francs ; qu'ils ont retenu qu'aucune des parties n'avait manifesté de désaccord sur ce montant et n'avait présenté requête au président du tribunal de grande instance aux fins de désignation d'expert, mais qu'au contraire, la société Duteil avait, par lettre du 11 avril 1986, demandé paiement de ladite somme "en règlement des dommages causés aux risques assurés", et ce, sans faire de réserves ; qu'ayant ainsi souverainement estimé qu'il y avait acceptation de la part de la société Duteil de l'indemnisation fixée par les experts choisis amiablement, la cour d'appel était fondée à décider, sans encourir le grief de dénaturation, que cette société n'était pas recevable à agir judiciairement pour demander l'indemnisation de ses dommages ; que sa décision est légalement justifiée ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;