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10/03/1992 | FRANCE | N°89-15977

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 mars 1992, 89-15977


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ M. Bernard A..., notaire, demeurant à Saint-Pois (Manche), route de Brécey,

2°/ M. Roger X..., notaire, demeurant à Sourdeval, Hambye (Manche), route de Tinchebray,

en cassation d'un arrêt rendu le 16 mars 1989 par la cour d'appel de Caen (1re chambre), au profit :

1°/ de M. Joël C...,

2°/ de Mme Jacqueline C..., née F...,

demeurant ensemble à Saint-Lo (Manche), ...,

3°/ du cabinet Blet-Pacary, dont l

e siège est à Saint-Lo (Manche), ...,

4°/ de Mme veuve Y..., née G...
H...,

5°/ de Mme veuve B..., née Y......

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ M. Bernard A..., notaire, demeurant à Saint-Pois (Manche), route de Brécey,

2°/ M. Roger X..., notaire, demeurant à Sourdeval, Hambye (Manche), route de Tinchebray,

en cassation d'un arrêt rendu le 16 mars 1989 par la cour d'appel de Caen (1re chambre), au profit :

1°/ de M. Joël C...,

2°/ de Mme Jacqueline C..., née F...,

demeurant ensemble à Saint-Lo (Manche), ...,

3°/ du cabinet Blet-Pacary, dont le siège est à Saint-Lo (Manche), ...,

4°/ de Mme veuve Y..., née G...
H...,

5°/ de Mme veuve B..., née Y... Paulette,

demeurant toutes deux à Tourlaville (Manche), ...,

6°/ de M. Bernard I...,

7°/ de Mme Marie-Madeleine I..., née J...,

demeurant ensemble à Fleury, Villedieu les Poeles (Manche), "Hôtel de France",

défendeurs à la cassation ; Les époux I..., défendeurs au pourvoi principal, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 janvier 1992, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Vigneron, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. A... et de M. X..., de Me Foussard, avocat des époux C..., de Mme veuve Y... et de Mme veuve B..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat des époux I..., les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 16 mars 1989), que Mmes Z... et B... ont consenti le 16 octobre 1981 aux époux I... un bail commercial, le contrat interdisant toute cession sans leur

consentement ; que, par acte passé le 29 avril 1985 en l'étude de M. X..., notaire

substituant M. A..., les époux I... ont cédé leur bail aux époux C... sans que les bailleurs aient été appelés à l'acte ; qu'à la suite de divergences touchant le montant des loyers, les époux C... ont demandé l'annulation de la cession de bail ; que Mmes Z... et B... ont demandé de leur côté la résiliation du bail pour méconnaissance de la clause de cession ; que ces deux demandes ont été accueillies, MM. X... et A... étant condamnés à garantir les époux I... des conséquences de leur éviction ; Sur la recevabilité du premier moyen, contestée par Mmes Z... et B... :

Attendu que MM. A... et X... étaient parties principales à la procédure, comme appelées à supporter les conséquences pécuniaires de leur faute professionnelle à l'occasion de l'établissement d'un acte de leur ministère ; qu'ils ont donc qualité pour défendre à l'action tendant à la résolution ou à l'annulation de cet acte ; qu'il s'ensuit que leur moyen relatif au chef de la décision relatif à cette annulation est recevable ; Sur le premier moyen du pourvoi principal pris en ses trois branches :

Attendu que MM. X... et A... reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés à garantir les époux I... des conséquences de leur éviction, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes du bail du 16 octobre 1981 l'acquisition de la clause résolutoire expresse était soumise à l'exigence d'une sommation préalable ; que la cour d'appel ne pouvait pas dans ces conditions distinguer entre les différentes obligations mises à la charge du preneur en énonçant que l'inexécution de l'une d'elles, à savoir celle obligeant le preneur à appeler le bailleur à l'acte de cession du fonds de commerce, entraînait de plein droit la résiliation du bail sans mise en demeure préalable

sans violer l'article 1134 du Code civil par refus d'application ; alors qu'en toute hypothèse l'obligation mise à la charge du preneur d'appeler le bailleur à l'acte de cession du fonds de commerce, à la conclusion duquel le bailleur ne peut s'opposer, constitue une mesure de publicité dont l'omission peut être régularisée ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a derechef violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'inexécution de l'obligation du preneur d'appeler le bailleur à l'acte de cession du fonds de commerce a pour seul effet de rendre cet effet inopposable au bailleur, lequel, tiers à la convention,

ne saurait en réclamer l'annulation de ce chef ; que la cour d'appel, saisie par les seules bailleresses d'une action en nullité de la cession tirée de l'inexécution de l'obligation prévue par le bail de l'appeler à l'acte de cession du fonds de

commerce, ne pouvait dès lors que se prononcer sur l'éventuelle résiliation du bail ; qu'en prononçant néanmoins la nullité de la cession au seul motif que les bailleresses n'avaient pas été appelées à l'acte, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du Code civil ; Attendu, en premier lieu, que l'obligation d'appeler le bailleur à l'acte de cession du bail n'est pas une simple mesure de publicité ; que la cession intervenue en méconnaissance de cette obligation est irrégulière et que le bailleur est en droit de faire constater la nullité de la cession intervenue en contravention à ses droits ; Attendu, en second lieu, que la mise en demeure est inutile si l'infraction est d'ores et déjà acquise ; qu'il s'ensuit que les juges d'appel, ayant constaté que tel était le cas, ont, à bon droit, écarté le moyen tiré de l'absence de mise en demeure préalable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, pris en leur diverses branches et réunis :

Attendu qu'il est aussi reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, d'une part que la nullité a pour effet de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la cession ; que la cour d'appel constate que l'obligation des époux I... de restituer le prix de cession du fonds de commerce, soit la somme de 380 000 francs, provient de la nullité de la vente conclue entre les parties, d'où il suit que l'obligation de restitution ne constitue pas un préjudice en relation de causalité avec la faute reprochée aux notaires ; qu'en condamnant néanmoins Me A... et Me X... à garantir les époux I... d'une condamnation à restitution du prix de la vente annulée, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1376 du Code civil ; qu'en toute hypothèse l'indemnisation du préjudice de la victime ne peut excéder la limite de la réparation intégrale ; que par l'effet de l'arrêt attaqué les époux I... obtiennent le prix du fonds de commerce et tous les éléments de ce fonds exception faite du droit au bail ; qu'en condamnant les notaires à garantir les cédants, M. et Mme I..., de la condamnation à restituer le

prix du fonds de commerce la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'indemnité d'occupation constitue la contrepartie de l'occupation déclarée irrégulière par suite de l'annulation du bail ; qu'elle ne saurait dès lors être due par le cédant du fonds de commerce qui n'était pas l'occupant des lieux et encore moins par les notaires dont la responsabilité ne pouvait être recherchée qu'à raison d'un préjudice en relation de causalité avec la faute qui leur était reprochée ; qu'en condamnant néanmoins Me A... et Me X... à garantir les

époux I... de la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation résultant de l'occupation des locaux par les époux C..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, encore, qu'il n'appartient pas au juge de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve ; que l'arrêt attaqué constate par adoption des motifs du jugement que les époux D... n'avaient pas chiffré leur demande de dommages-intérêts dirigée contre les époux I... et qu'il convenait donc d'ordonner une expertise afin de déterminer leur préjudice ; qu'en énonçant dès lors que les notaires devraient garantir les époux I... des condamnations prononcées à leur encontre au profit des époux C... à raison d'un préjudice non justifié ainsi qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1382 du Code civil et 146 du nouveau Code de procédure civile ; alors enfin, que l'indemnisation de la victime ne peut pas excéder les limites de la réparation intégrale ; que la cour d'appel a en l'espèce constaté que le préjudice subi par les bailleresses du fait de l'omission reprochée aux notaires était caractérisé par l'absence de délivrance de la grosse et par l'impossiblité dans laquelle elles s'étaient trouvées de contrôler la personne du bénéficiaire de la cession et de soumettre le cas échéant une contestation à la juridiction compétente ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'impossibilité de contrôler la personne du cessionnaire résultant de l'omission reprochée aux notaires avait causé un préjudice aux bailleresses, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et qu'en toute hypothèse l'indemnité d'occupation due par l'occupant d'un local par suite de l'annulation du bail constitue la contrepartie de son occupation irrégulière ; que cette indemnité accordée par l'arrêt ne saurait par suite être considérée comme un chef de préjudice en relation de causalité avec la faute du notaire qui serait à l'origine de l'annulation du

bail ; qu'en condamnant Me A... et Me X... à payer aux bailleresses l'indemnité d'occupation due par les occupants, M. et Mme E..., la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement aux énonciations de la deuxième branche du deuxième moyen, les époux I... ont perdu leur fonds de commerce du fait de l'annulation du bail commercial qui leur avait été consenti ; Attendu, en deuxième lieu que l'arrêt relève que, par leur négligence à appeler à l'acte de cession les bailleurs, les notaires étaient responsables de la nullité du bail initial, de sorte qu'ils devaient réparer les conséquences de cette situation, à savoir le défaut de qualité à occuper les lieux des locataires primitifs mais aussi des cessionnaires du bail ; que, dès lors, la cour d'appel a pu condamner les notaires à réparer toutes les conséquences de cette situation au motif qu'elle était en

relation de causalité avec la

faute des intéressés ; Attendu, enfin, qu'appréciant souverainement les éléments du préjudice consécutif et les modalités de réparation, la cour d'appel a pu condamner ces derniers à supporter les indemnités résultant, à quelque titre que ce soit, de cette situation, en renvoyant après expertise la détermination définitive de ce préjudice ; que les moyens ne sont donc fondés en aucun de leur griefs ; Et sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi incident des époux I... :

Attendu que les époux I... reprochent à l'arrêt d'avoir annulé la cession du fonds de commerce conclue le 29 avril 1985, alors, selon le moyen, d'une part, que l'inexécution de l'obligation du preneur d'appeler le bailleur à l'acte de cession du fonds de commerce n'atteint que la validité de la cession du bail, conséquence de la cession du fonds, laquelle demeure valable ; qu'en annulant néanmoins la cession du fonds de commerce, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'inexécution de l'obligation du preneur d'appeler le bailleur à l'acte de cession du fonds de commerce a pour seul effet de rendre cet acte inopposable au bailleur, lequel, tiers à la convention, ne saurait en réclamer l'annulation de ce chef ; que la cour d'appel, saisie par les seules bailleresses d'une action en nullité de la cession tirée de l'inexécution de l'obligation prévue par le bail de l'appeler à l'acte

de cession du fonds de commerce, ne pouvait, dès lors, que se prononcer sur l'éventuelle résiliation du bail ; qu'en prononçant néanmoins la nullité de la cession au seul motif que les bailleurs n'avaient pas été appelés à l'acte, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du Code civil ; Mais attendu qu'après avoir retenu que le droit au bail constituait en l'espèce un élément indissociable du fonds de commerce, la cour d'appel a pu accueillir la demande de nullité des époux C..., cessionnaires, parties à l'instance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ; Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que les époux I... sollicitent l'octroi d'une somme de 8 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu qu'il serait inéquitable d'accueillir cette demande ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ; Rejette la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne les demandeurs aux pourvois principal et incident, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix mars mil neuf cent quatre vingt douze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 89-15977
Date de la décision : 10/03/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

(pour le 1er moyen seulement) BAIL COMMERCIAL - Cession - Opposabilité au propriétaire - Obligation d'appeler le bailleur à l'acte de cession - Simple mesure de publicité (non) - Possibilité d'annulation.

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Exécution - Mise en demeure - Dispense - Infraction d'ores et déjà acquise.


Références :

Code civil 1134 et 1184

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 16 mars 1989


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 mar. 1992, pourvoi n°89-15977


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:89.15977
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