Joint les pourvois n°s 89-13.260 et 89-13.688 qui attaquent le même arrêt ;
Sur le premier moyen de chacun des deux pourvois, pris en ses diverses branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la vitamine C 800 n'est pas un médicament par présentation alors que, selon le pourvoi n° 89-13.260, constitue un médicament toute substance ou composition " présentée " comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ; que la cour d'appel a constaté que la vitamine C 800 était présentée sous la forme de sachets de poudre, que la formule du produit était précise et qu'était indiqué le nombre de sachets à prendre par jour ; qu'il en résultait qu'il s'agissait d'un médicament par présentation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 511 du Code de la santé publique ; et alors que, selon le pourvoi n° 89-13.688, aux termes de l'article L. 511 du Code de la santé publique, constitue un médicament " toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines " et qu'une telle présentation peut résulter non seulement d'indications explicites, mais encore d'un ensemble de mentions et de caractéristiques destinées à persuader l'acheteur qu'il s'agit d'un médicament ; d'où il suit qu'en écartant la qualification de médicament après avoir pourtant constaté que le produit litigieux se disait " énergétique " et que sa composition chimique, sa posologie et ses précautions d'emploi ainsi que la mention d'une fabrication " par des pharmaciens " figuraient sur son conditionnement, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, violant ainsi la disposition susvisée ; alors encore, que constitue un médicament toute substance ou composition présentée comme ayant des effets thérapeutiques, même si cette présentation ne vise pas une maladie précise ; d'où il suit qu'en se fondant sur le fait qu'il ne serait pas possible à un consommateur moyen de croire que la vitamine C a un effet thérapeutique " à l'égard d'une maladie déterminée ", la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 511 du Code de la santé publique ; alors, enfin, que la cour d'appel, ne pouvait, sans entacher sa décision de contradiction de motifs et violer ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, considérer d'un côté " qu'il n'est pas possible à un consommateur moyen de croire que ce produit a un effet curatif ou préventif " et, de l'autre côté, que les " préjugés communs " lui attribuaient un tel effet et que la vitamine C était effectivement utilisée comme traitement d'appoint de certaines maladies ou pour combler les carences vitaminiques de l'organisme, même si les effets réels du produit faisient l'objet de controverses scientifiques ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société Bachelot-Tessier et la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire n'ont pas relevé appel du premier jugement qui a décidé que la vitamine C 800 n'est pas un médicament par présentation ; qu'elles ont ensuite conclu à la confirmation du second jugement qui avait déclaré mal fondé la tierce opposition du conseil de l'ordre national des pharmaciens ; que ce moyen, qui contredit l'argumentation soutenue par elles devant les juges du second degré est, dès lors, irrecevable ;
Attendu, en second lieu, sur le pourvoi n° 89-13.688, que l'arrêt constate que l'emballage ne comporte aucune allusion à une action thérapeutique, la vitamine C étant seulement décrite comme un aliment " énergétique " et un produit " nutritionnel " ; qu'il relève que le conditionnement en sachet de poudre et la mention de la formule du produit " peuvent se retrouver dans l'alimentation " et que la précision selon laquelle cette vitamine est fabriquée et contrôlée par des pharmaciens se retrouve pour d'autres produits de beauté ou de " confort " ; qu'il relève, enfin, que les indications très approximatives concernant ses modalités d'absorption constituent davantage un conseil qu'une posologie ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite et qui ne s'est référée aux préjugés communs que pour faire ressortir qu'ils n'étaient pas déterminants du choix du consommateur, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais, sur le second moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° 89-13.688 :
Vu l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 65/65/CEE du Conseil des Communautés européennes du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, ensemble l'article L. 511 du Code de la santé publique ;
Attendu qu'un produit qui ne possède pas des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales est un médicament s'il peut être administré en vue de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques ;
Attendu que pour décider que la vitamine C 800 n'est pas un médicament par fonction, l'arrêt énonce que pour qu'il y ait médicament par fonction, il faut que le produit possède effectivement des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies et que cette action thérapeutique et préventive soit prouvée et non seulement supposée ; que l'arrêt ajoute que le rôle de la vitamine C est loin d'être établi dans la prévention et le traitement des maladies autres que celles résultant de sa propre carence et qu'il existe, en ce qui concerne cette vitamine, la plus grande incertitude au plan scientifique sur ses effets curatifs et préventifs ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans procéder à une analyse concrète au sens de la jurisprudence communautaire, afin de vérifier si la vitamine C 800 est un produit qui peut être administré " en vue... de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques ", et sans rechercher les propriétés pharmacologiques de la vitamine C 800 en l'état actuel de la connaissance scientifique, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion et de la connaissance qu'en ont les consommateurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement déféré à la cour d'appel, il a dit que la vitamine C 800 n'est pas un médicament par fonction et a débouté la société Bachelot-Tessier, la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire et le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens de toutes leurs demandes, l'arrêt rendu le 30 janvier 1989, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles
MOYENS ANNEXES
Moyens produits par M. Ricard, avocat aux Conseils, pour la société Bachelot-Tessier et autres;
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la vitamine C ne constitue pas un médicament et débouté la société Bachelot-Tessier et la chambre syndicale des pharmaciens de Maine-et-Loire de leurs demandes en interdiction de vente par le magasin Carrefour de la vitamine C 800, et de la saisie de ce produit,
AUX MOTIFS QUE la vitamine C 800 n'est pas un médicament par présentation ; qu'il n'était fait allusion sur l'emballage à aucune action thérapeutique à l'égard d'une quelconque maladie, la vitamine C étant présentée seulement comme un aliment énergétique et un produit nutritionnel ; que le conditionnement et la présentation sous forme de sachets de poudre et la précision de la formule du produit peuvent se retrouver dans l'alimentation ; que de même le fait que cette vitamine est déclarée fabriquée et contrôlée par des pharmaciens est apparu au Tribunal seulement comme une garantie complémentaire, qui se retrouve pour d'autres produits, de beauté ou de confort ; que quant à l'indication, très approximative, de prendre cette vitamine entre un demi et un sachet, de préférence le matin ou à midi, et d'agiter la poudre pour la diluer dans l'eau, il s'agit plutôt de conseil d'emploi que de " posologie " ; que la seule prétention de C 800 étant d'apporter pour chaque sachet autant de vitamine C que huit oranges, d'" être un produit nutritionnel voire énergétique ", adjectif utilisé aussi dans maintes réclames de produits alimentaires, tout en précisant - fait d'ailleurs exact - que l'apport de vitamine C est essentiel pour l'organisme, il n'est pas possible même à un consommateur moyen de croire sur cette seule présentation que ce produit a un effet préventif ou curatif à l'égard d'une maladie déterminée, serait-ce d'un simple rhume ;
ALORS QUE constitue un médicament, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ; que la cour d'appel a constaté que la vitamine C 800 était présentée sous la forme de sachets de poudre, que la formule du produit était précise et qu'il était indiqué le nombre de sachets à prendre par jour ; qu'il en résultait qu'il s'agissait d'un médicament par présentation ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 511 du Code de la santé publique.
SECOND MOYEN :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la vitamine C ne constitue pas un médicament, et débouté la société Bachelot-Tessier et la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire de leurs demandes en interdiction de vente par le magasin Carrefour de la vitamine C 800, et de la saisie de ce produit ;
AUX MOTIFS QU'il apparaît des différentes pièces du dossier que malgré quelques déclarations catégoriques un peu prématurées, le rôle de la vitamine C est loin d'être établi dans la prévention et le traitement de maladies autres que résultant de sa propre carence ; que c'est le résultat auquel est parvenu en 1987 la Commission sur la parapharmacie dite Cortesse ; que pour qu'il y ait médicament par fonction, il faut que l'action thérapeutique ou préventive soit prouvée et non seulement supposée ; que si les pouvoirs publics, estimant la santé publique en jeu, envisageaient d'appliquer à cette vitamine le régime des médicaments, il conviendrait qu'ils le fassent clairement ; que cela n'a pas été le cas par la circulaire du 25 novembre 1987 invoquée par les intimés, laquelle pour dire que la vitamine C est un médicament, se borne à invoquer la jurisprudence d'un seul arrêt, celui de la cour d'appel de Douai du 9 avril 1987, qui a été contredit depuis par un autre arrêt de la même cour ;
1° ALORS QUE constitue un médicament, toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines, ou destinée à restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ; que la vitamine C vendue en sachets ou en comprimés contenant 800 mg de vitamine constitue un produit de syntèse qui, par son action, trouve son application dans le traitement des états grippaux, des maladies infectieuses, des asthénies et des courbatures ; qu'il s'agit, dès lors, d'un médicament par fonction ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 511 du Code de la santé publique ;
2° ALORS QU'en tout état de cause, la cour d'appel a constaté que le rôle de la vitamine C est établi dans la prévention et le traitement de maladies résultant de sa propre carence ; qu'il en résulte que la vitamine C possède des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ; qu'en décidant, dès lors, que la vitamine C n'est pas un médicament par fonction, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 511 du Code de la santé publique.
Moyens produits par la SCP Célice et Blancpain, avocat aux conseils, pour le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens
PREMIER MOYEN :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la vitamine C 800 n'est pas un médicament par présentation et en conséquence débouté l'exposant de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE le Tribunal a énoncé à juste titre que vitamine C 800 n'est pas un médicament par présentation, et a constaté à ce sujet qu'il n'était fait allusion sur l'emballage à aucune action thérapeutique à l'égard d'une quelconque maladie, la vitamine C étant présentée seulement comme un aliment énergétique et un produit nutritionnel ; et ensuite que le conditionnement et la présentation sous forme de sachets de poudre et la précision de la formule du produit peuvent se retrouver dans l'alimentation ; de même le fait que cette vitamine est déclarée fabriquée et contrôlée par des pharmaciens est apparu au Tribunal seulement comme une garantie complémentaire, qui se retrouve pour d'autres produits, de beauté ou de confort ;
Quant à l'indication, très approximative, de prendre cette vitamine entre un demi et un sachet, de préférence le matin ou à midi, et d'agiter la poudre pour la diluer dans l'eau, il s'agit plutôt de conseil d'emploi que de " posologie " ;
Les intimés se prévalent des principes posés par l'arrêt Van Benekom de la Cour de justice européenne, selon lequel il suffirait que le produit apparaisse " de manière même implicite " mais certaine aux yeux d'un consommateur moyennement avisé comme devant avoir, eu égard à sa présentation, un effet tel que décrit par la première définition communautaire du médicament ;
La raison d'être de cette disposition est qu'il faut " préserver les consommateurs non seulement des médicaments nocifs ou toxiques en tant que tels, mais aussi de divers produits utilisés aux lieu et place des remèdes adéquats " ;
Cependant, la seule prétention de C 800 étant d'apporter pour chaque sachet autant de vitamine C que huit oranges, d'être un produit nutritionnel voire " énergétique ", adjectif utilisé aussi dans maintes réclames de produits alimentaires, tout en précisant - fait d'ailleurs exact - que l'apport de vitamine C est essentiel pour l'organisme, il n'est pas possible même à un consommateur moyen de croire sur cette seule présentation, mis à part les préjugés communs, que ce produit a un effet préventif ou curatif à l'égard d'une maladie déterminée, serait-ce d'un simple rhume ;
ET QUE les effets thérapeutiques de la vitamine C font l'objet de controverses scientifiques, la seule certitude étant son utilisation pour combler certaines carences de l'organisme ;
1°ALORS QUE, selon l'article L. 511 du Code de la santé publique, constitue un médicament " toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines " et qu'une telle présentation peut résulter non seulement d'indications explicites, mais encore d'un ensemble de mentions et de caractéristiques destinées à persuader l'acheteur qu'il s'agit d'un médicament, d'où il suit qu'en écartant la qualification de médicament après avoir pourtant constaté que le produit litigieux se disait " énergétique " et que sa composition chimique, sa posologie et ses précautions d'emploi ainsi que la mention d'une fabrication " par des pharmaciens " figuraient sur son conditionnement, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, violant ainsi la disposition susvisée ;
2°ALORS QUE constitue un médicament toute substance ou composition présentée comme ayant des effets thérapeutiques, même si cette présentation ne vise pas une maladie précise, d'où il suit qu'en se fondant sur le fait qu'il ne serait pas possible à un consommateur moyen de croire que la vitamine C a un effet thérapeutique " à l'égard d'une maladie déterminée ", la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 511 du Code de la santé publique ;
3°ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait, sans entacher sa décision de contradiction de motifs et violer ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, considérer d'un côté " qu'il n'est pas possible à un consommateur moyen de croire que ce produit a un effet curatif ou préventif " et de l'autre côté que les " préjugés communs " lui attribuaient un tel effet et que la vitamine C était effectivement utilisée comme traitement d'appoint de certaines maladies ou pour combler les carences vitaminiques de l'organisme, même si les effets réels du produit faisaient l'objet de controverses scientifiques.
SECOND MOYEN :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR DIT QUE la vitamine C 800 n'est pas un médicament par fonction et en conséquence débouté l'exposant de toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS que " pour qu'il y ait médicament par fonction il faut que le produit possède effectivement des propriétés curatives ou préventives à l'égard de maladies humaines ; or, force est de constater qu'il existe en ce qui concerne cette vitamine la plus grande incertitude sur le plan scientifique si ce n'est pour le cas devenu très marginal du scorbut, qui d'ailleurs n'est rien d'autre que l'effet d'une carence en vitamine C ;
L'arrêt de la Cour européenne Bennekom, invoqué par les deux parties, se garde bien d'affirmer qu'une vitamine même en cas d'utilisation à forte dose est a priori un médicament. Elle l'est si elle est utilisée " à des fins thérapeutiques contre certaines maladies dans lesquelles la carence en vitamines n'est pas la cause morbide " mais, comme en l'état actuel de la science il est impossible d'indiquer si le critère de la concentration peut à lui seul toujours suffire à considérer qu'une préparation vitaminée constitue un médicament, ni à partir de quel degré de concentration, l'examen doit se faire " au cas par cas eu égard aux propriétés pharmacologiques de chaque vitamine telles qu'elles sont établies en l'état actuel de la connaissance scientifique " ;
Le Professeur X... considère que la vitamine C devient un médicament lorsqu'elle est absorbée, seule, quotidiennement, à des doses variant de 600 à 1000 mg/jour. Il dit que cette vitamine intervient au niveau d'un grand nombre de métabolismes et peut contribuer à les restaurer. Il estime que son emploi en thérapeutique est utile dans diverses pathologies et notamment dans la corticothérapie et en cancérologie. Il estime aussi qu'à hautes doses elle peut être toxique. Ce rapport est critiqué par celui des Professeurs Giroud, Paccalin et Schmitt produit par la société Carrefour ;
Certes il s'agit là d'un rapport sollicité par l'une des parties. Certes les parties à ce procès argumentent sur les spécialisations respectives des divers experts. Il apparaît à la Cour que ces comparaisons portent sur des nuances, au niveau élevé où ils se trouvent les uns et les autres dans des disciplines très voisines.
Rien ne permet de penser que, même sollicités de donner un avis par l'une des parties, ces scientifiques s'abaisseraient à donner des informations contraires aux données de leurs connaissances. Or les Professeurs Giroud, Paccalin et Schmitt, tout en confirmant que la vitamine C ou acide ascorbutique participe avec quantité d'autres éléments de la chaîne métabolique au fonctionnement des organes, contestant qu'il soit prouvé qu'elle puisse restaurer les métabolismes modifiés au cours d'un état pathologique. Ils contestent qu'une ingestion plus importante puisse augmenter ces interventions métaboliques ou les perturber et précisent que la fonction de la vitamine C ne peut être mise en évidence que par son déficit. Ils contestent qu'il soit établi scientifiquement que l'apport supplémentaire de vitamine C puisse avoir des effets toxiques ; et que la vitamine C joue un rôle contre les processus tumoraux ou en corticothérapie ;
Il résulte des propres pièces produites par les intimées qu'il existe en effet de sérieuses discussions entre scientifiques sur tous ces points, en raison des degrés divers de rigueur et de précision que chacun peut attendre des expérimentations ;
Par exemple on trouve dans le dossier Bachelot-Tessier et chambre syndicale des pharmaciens des pièces affirmant que l'efficacité à forte dose des vitamines contre les infections et agressions, contre le rhume, est controversée et qu'en revanche il existe des " dangers prouvés d'apports excessifs en vitamine " (rubrique scientifique de l'Evolution Pharmaceutique 85, pièce portant le n° 35) tandis qu'un autre article de la même époque (Du bon usage de la vitamine C concours médical 7.9.85) qui reconnaît au contraire un certain intérêt thérapeutique à la vitamine C affirme " qu'il n'existe pas d'effet toxique de la vitamine C prise à forte dose ". Une autre pièce attribue un rôle dans la prévention du cancer non à la vitamine C mais à la vitamine E. De plus une distinction paraît faite entre l'ingestion par voie orale et l'administration par piqûre intraveineuse ;
Par ailleurs, le Conseil national de l'Ordre produit une étude du Laboratoire Roche dans laquelle on peut lire en particulier : " Rien ne permet de dire que l'acide ascorbique est destiné à occuper une place importante dans le traitement des affections malignes, les quelques résultats dont on dispose étant souvent contradictoires et les essais n'ayant pas toujours été pratiqués avec la rigueur désirable... Il en va autrement de la prévention. Mais ce n'est qu'une présomption. Il faudrait des travaux entrepris sur une très large échelle et des études épidémiologiques dont la réalisation se heurte à d'énormes difficultés " ; " ambiguïté des résultats " pour la synthèse du collagène ; et en ce qui concerne les effets indésirables à haute dose : " les études menées depuis quelques années ont fait justice de ces accusations qui ne reposaient que sur des arguments théoriques ou des expérimentations dont le protocole était discutable " ;
Il produit une étude du Centre de nutrition humaine de l'université de Nancy où il est dit que les connaissances actuelles ne permettent pas de soutenir " que des doses élevées de vitamine C ont une action préventive ou curative du rhume ou du cancer. Les faits concernant les effets sur les défenses immunologiques sont discutables. Il est vraisemblable que des doses élevées de vitamine C puissent permettre à l'organisme de mieux faire face aux agressions. Nous manquons d'études qui autorisent à considérer l'apport chronique de vitamine C à hautes doses comme dénué de tout effet secondaire dangereux... Comme les avantages ne sont pas prouvés et que des inconvénients peuvent survenir, il paraît sage de ne pas autoriser la vente de la vitamine C en des points de vente où le consommateur ne peut recevoir aucun conseil " ;
Il est produit aussi une thèse pour le diplôme d'Etat de docteur en pharmacie (Bordeaux II 1986) où l'on relève après l'affirmation d'effets thérapeutiques de la vitamine C qualifiée d'emblée de médicament, à hautes doses, que " ses effets thérapeutiques depuis son indication dans les états grippaux, ses applications dans la cicatrisation des plaies, en passant par ses actions détoxifiantes, immunologiques, ou encore son emploi dans la lutte contre certains cancers et le Sida restent souvent encore à l'état d'hypothèses difficiles à vérifier " ;
Ainsi donc il apparaît que malgré quelques déclarations catégoriques un peu prématurées, le rôle de la vitamine C est loin d'être établi dans la prévention et le traitement de maladies autres que celles résultant de sa propre carence.
C'est le résultat auquel est parvenu en 1987 la Commission sur la parapharmacie dite Cortesse.
Or pour qu'il y ait médicament par fonction, il faut que l'action thérapeutique ou préventive soit prouvée et non seulement supposée ;
Si les pouvoirs publics, estimant la santé publique en jeu, envisageaient d'appliquer à cette vitamine le régime des médicaments, ce qu'ils pourraient faire sans être gênés par les directives européennes qui au contraire leur reconnaissent les plus larges pouvoirs en cette matière, et ce qui serait souhaitable pour mettre fin à la prolifération de décisions de justice divergentes à tous les niveaux, il conviendrait qu'ils le fassent clairement ;
Cela n'a pas été le cas par la circulaire du 25 novembre 1987 invoquée par les intimés, laquelle pour dire que la vitamine C est un médicament, se borne à invoquer " " la jurisprudence" " d'un seul arrêt, celui de la Cour de Douai du 9 avril 1987, qui a été contredit depuis par un autre arrêt de la même Cour.
ALORS QUE selon l'article L. 511 du Code de la santé publique, constitue un médicament " tout produit pouvant être administré à l'homme en vue de restaurer ou corriger ses fonctions organiques " ; qu'en limitant l'application de cette définition du médicament aux seuls cas dans lesquels il serait scientifiquement prouvé que le produit en cause a effectivement un effet curatif ou préventif à l'égard des maladies humaines, la cour d'appel a ajouté à la loi des conditions qui n'y figurent pas, violant ainsi la disposition susvisée ;
ET ALORS QU'en écartant la qualification de la vitamine C comme médicament par fonction, après avoir pourtant constaté que ce produit est utilisé dans de nombreux traitements médicaux et pour combler certaines carences de l'organisme - et par suite pour restaurer les fonctions organiques de l'homme - la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient, violant ainsi à nouveau l'article L. 511 du Code de la santé publique.