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10/02/1992 | FRANCE | N°90-83278

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 février 1992, 90-83278


REJET et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Albert,
- Y... Camille,
- Z... Marcel,
- A... Jack,
- la Cave coopérative d'Aléria,
- l'administration des Douanes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 12 mars 1990, qui a condamné à diverses pénalités douanières X... et Z..., prévenus d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, Y... et A... prévenus d'intéressement à la fraude, a déclaré la Cave coopérative d'Aléria solidairement tenue des pénalités prononcées

contre Jack A... son gérant, a dit sans objet la demande d'attribution à l'administration...

REJET et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Albert,
- Y... Camille,
- Z... Marcel,
- A... Jack,
- la Cave coopérative d'Aléria,
- l'administration des Douanes,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 12 mars 1990, qui a condamné à diverses pénalités douanières X... et Z..., prévenus d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, Y... et A... prévenus d'intéressement à la fraude, a déclaré la Cave coopérative d'Aléria solidairement tenue des pénalités prononcées contre Jack A... son gérant, a dit sans objet la demande d'attribution à l'administration des Douanes de la caution versée par la compagnie de navigation Naviera-Quimica, et a fait droit à la demande de la Fédération nationale des producteurs de vins de table et de vins de pays, partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I-Sur les pourvois de Camille Y... et de Marcel Z... :
Attendu que ces deux demandeurs n'ont produit aucun moyen à l'appui de leurs pourvois ;
II-Sur le pourvoi de l'administration des Douanes :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 376 et 414 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit sans objet la demande d'attribution à la demanderesse de la caution restituée en vertu d'un arrêt du 12 avril 1989 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
" aux motifs que les dispositions sur l'action civile, pertinentes et équitables ainsi que toutes les autres dispositions apparemment judicieuses, doivent être confirmées sauf en ce qui concerne l'attribution à l'administration des Douanes de la caution versée par la compagnie de navigation Naviera-Quimica ; que cette demande est en effet sans objet en raison de la restitution de cette caution en exécution d'un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 12 avril 1989, et la Cour ne pouvant condamner à un quelconque paiement une personne physique ou morale qui n'est pas partie au présent procès ;
" alors que la confiscation du moyen de transport est une sanction réelle appliquée automatiquement du fait de la nature de l'infraction commise qui est indépendante de l'éventuelle poursuite en justice du propriétaire dudit moyen de transport ; qu'en l'espèce, l'administration des Douanes avait saisi le navire Tolueno qui avait transporté les marchandises de fraude ; qu'il a été procédé à la mainlevée de cette saisie moyennant la consignation d'une somme de 5 millions de francs qui a été attribuée à la demanderesse par le jugement répressif ; qu'en réformant cette décision aux motifs que la compagnie Naviera-Quimica n'était pas partie au présent procès, la cour d'appel a violé les articles 414 et 376 du Code des douanes ;
" alors que, si la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 12 avril 1989, a ordonné la restitution de la caution, cet arrêt n'est nullement irrévocable puisqu'il a été frappé de pourvoi sous le n° 89-16. 259 ; que l'arrêt attaqué, infirmant le jugement entrepris, a déclaré la demande d'attribution de la caution sans objet en raison de l'arrêt susvisé ; qu'en admettant ainsi implicitement mais nécessairement que cet arrêt civil serait irrévocable, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte des pièces régulièrement produites devant la Cour de Cassation que, par arrêt en date du 9 avril 1991, la chambre commerciale de cette Cour a rejeté le pourvoi formé par l'administration des Douanes contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 avril 1989 qui avait ordonné la restitution à la compagnie de navigation Naviera-Quimica, non visée aux présentes poursuites, de la caution versée par cette dernière, conférant ainsi à cette décision un caractère irrévocable ;
Attendu qu'en cet état, le moyen qui fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré sans objet la demande d'attribution de ladite caution formulée par l'administration des Douanes est inopérant, et ne peut qu'être écarté ;
III-Sur le pourvoi d'Albert X... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu contre lequel il n'a été relevé aucun élément matériel ou moral de participation à l'infraction, coupable du délit douanier d'importation prohibée en sa seule qualité de gérant de droit de la société Transit-Transciterne, commissionnaire en douanes ;
" aux motifs que le Code des douanes ne déroge nullement au principe de la présomption d'innocence dont peut se prévaloir tout prévenu comparaissant devant une juridiction française ; qu'il définit seulement, dans le domaine technique et spécifique des infractions à la réglementation douanière, un mode procédural particulier d'administration de la preuve qui relève de la seule souveraineté du législateur national ;
" alors que l'article 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pose le principe absolu de la présomption d'innocence dont doit bénéficier tout accusé, sans réserver au législateur national aucun domaine où il lui serait possible d'édicter une présomption inverse ; que les traités régulièrement ratifiés ayant, dès leur ratification, une autorité supérieure à celle des lois, la cour d'appel ne pouvait justifier la déclaration de culpabilité prononcée contre le preneur sur la seule présomption de culpabilité édictée par l'article 396 du Code des douanes envers les commissionnaires en douanes ; que, faute d'avoir relevé à l'encontre du prévenu aucun élément établissant sa participation au délit douanier poursuivi, la cour d'appel, qui ne pouvait retenir sa responsabilité pénale a porté atteinte à la présomption d'innocence édictée par la Convention européenne susvisée " ;
Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 414, 426, alinéas 3 et 4, 435, 437, 395 et 396 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'avoir importé, sans déclaration, des marchandises prohibées, des moûts concentrés de raisins d'origine maltaise ;
" aux seuls motifs qu'il ne saurait, au simple prétexte que Z..., cogérant, était accrédité en douanes, se soustraire à la responsabilité découlant de ses obligations personnelles de gérant de droit de la SARL Transit-Transciterne, commissionnaire en douanes ;
" alors, d'une part, que lorsque l'agrément de commissionnaire en douanes est donné à une société, la personne physique habilitée à représenter celle-ci est aussi tenue de solliciter à titre personnel l'agrément ministériel pour pouvoir effectuer ou faire effectuer des déclarations en qualité de commissionnaire en douanes et voir éventuellement sa responsabilité pénale recherchée en cette qualité ; qu'en cas de cogérance, la responsabilité pénale des gérants, pour les infractions imputées à la personne morale, ne peut être recherchée que s'ils ont chacun reçu à titre personnel l'agrément ministériel ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que Marcel Z..., cogérant de la SARL Transit-Transciterne, était seul accrédité en douanes ; que, dès lors, la responsabilité douanière de X..., gérant de droit de la société, dont il n'est pas contesté que lui-même bénéficiait personnellement d'un agrément, ne pouvait être engagée, à raison des infractions imputées à la personne morale et à son cogérant, en sa seule qualité de gérant de droit de cette dernière ; qu'en le retenant néanmoins en cette seule qualité dans les liens de la prévention, la cour d'appel a violé l'article 396 du Code des douanes ;
" alors, d'autre part, que, pour que le gérant de droit d'une personne morale commissionnaire en douanes qui n'a pas reçu lui-même l'agrément du ministre des Finances, puisse voir sa responsabilité pénale engagée à raison des infractions douanières commises en matière de déclaration par la personne morale dont il est le représentant, il doit avoir personnellement souscrit des déclarations inexactes ; qu'en aucune de ses énonciations, l'arrêt attaqué ne constate que X... ait personnellement souscrit des déclarations inexactes ayant permis l'importation frauduleuse des moûts prohibés ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité et les sanctions douanières prononcées à son encontre n'ont aucune base légale ;
" alors, en tout état de cause qu'est nécessairement de bonne foi le gérant de droit d'une société commissionnaire en douanes qui n'a pas reçu lui-même l'agrément ministériel, n'a accompli aucun acte matériel de dédouanement de la marchandise prohibée et n'a eu aucune connaissance de l'opération frauduleuse accomplie par son cogérant ; qu'en déclarant, sans s'expliquer sur chacun de ces éléments, que X... n'avait point administré la preuve de sa bonne foi, cependant qu'il résulte des énonciations du jugement que seul Z... avait été informé du caractère irrégulier de l'opération, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué, du jugement dont il adopte les motifs non contraires et des procès-verbaux, base des poursuites, que la SARL Transit-Transciterne, commissionnaire agréé en douanes, a déposé sous la signature d'un de ses préposés une déclaration de mise à la consommation relative à 5 000 hectolitres de moût concentré d'origine italienne, alors que la marchandise provenait en réalité de Malte ;
Attendu que pour déclarer Albert X..., gérant de la société déclarante, coupable d'importation sans déclaration de marchandises prohibées, les juges du fond relèvent que le document douanier contenant la fausse indication d'origine a été établi sur les instructions du prévenu, employeur du signataire ; qu'ils ajoutent que ce gérant de droit ne saurait se soustraire à la responsabilité découlant de ses obligations personnelles " au simple prétexte que le cogérant était accrédité en douanes " ; qu'enfin pour écarter l'exception d'illégalité proposée par le prévenu et prise d'une prétendue incompatibilité des règles douanières avec la présomption d'innocence, la cour d'appel énonce que le Code des douanes se borne " à définir dans le domaine technique et spécifique des infractions douanières un mode procédural particulier d'administration de la preuve qui relève de la seule souveraineté du juge national ; "
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations relevant d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et dont il résulte que X... a personnellement participé à la fausse déclaration en douane visée aux poursuites, la décision n'encourt aucun des griefs formulés aux moyens ;
Qu'en effet, l'article 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'a pas pour objet de limiter les modes de preuve prévus par la loi interne mais d'exiger que la culpabilité soit légalement établie, ne fait pas obstacle aux présomptions de fait ou de droit instituées en matière pénale, dès lors que lesdites présomptions, comme en l'espèce celle de l'article 396 du Code des douanes, prennent en compte la gravité de l'enjeu et laissent entiers les droits de la défense ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
IV-Sur les pourvois de Jack A... et de la Cave coopérative d'Aléria ;
Vu les mémoires produits en demande commun aux deux demandeurs et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 399 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré A... coupable d'avoir participé comme intéressé à un délit d'importation sans déclaration de moûts concentrés de raisins d'origine maltaise ;
" au seul motif adopté des premiers juges qu'il a personnellement participé à la transaction opérée sur les moûts litigieux ;
" alors que le délit de participation à la fraude en qualité d'intéressé supposant l'existence d'un acte matériel de participation à l'opération frauduleuse elle-même, la seule constatation de la conclusion par A... d'une transaction commerciale, intervenue au demeurant dans des conditions apparemment régulières, ne saurait justifier que soit retenu à son encontre le délit de participation à la fraude en qualité d'intéressé, lequel suppose impérativement un acte matériel de participation à la fraude elle-même, qui ne se trouve pas caractérisé en l'absence de toute autre circonstance par le simple achat de marchandises censées être de provenance licite " ;
Et sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 6. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 399 du Code des douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré A... coupable d'avoir participé comme intéressé à un délit d'importation sans déclaration de moûts concentrés de raisins d'origine maltaise ;
" aux motifs qu'il convient d'écarter l'argument d'illégalité de la prétendue incompatibilité des règles douanières avec la présomption d'innocence de toute personne accusée d'une infraction, proclamée par l'article 6. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que le Code des douanes ne déroge en effet nullement à ce principe dont peut se prévaloir tout prévenu comparaissant devant une juridiction française ; qu'il définit seulement dans le domaine technique et spécifique des infractions à la réglementation douanière un mode procédural particulier d'administration de la preuve, qui relève de la seule souveraineté du législateur national ; que, si depuis l'abrogation de l'article 369. 2 du Code des douanes, il n'est plus interdit au contrevenant de rapporter la preuve de sa bonne foi, on doit constater qu'en l'occurrence, une telle preuve n'est point administrée par les personnes poursuivies et que les présomptions découlant de tous les éléments de fait judicieusement relevés à leur encontre par les premiers juges dans l'étude des responsabilités encourues ne sauraient être affectées par de simples dénégations non étayées par des éléments nouveaux " ;
" alors que, d'une part, la présomption d'innocence proclamée par l'article 6. 2 de la Convention européenne des droits de l'homme ayant nécessairement pour corollaire d'imposer aux parties poursuivantes l'obligation de rapporter la preuve de l'infraction dans tous ses éléments constitutifs, la Cour, qui a ainsi considéré que la réglementation douanière apportait une dérogation à ce régime de la preuve et que, par conséquent en la matière, il incombait à la personne poursuivie d'établir sa bonne foi, par cette fausse interprétation des règles de droit interne contraire aux droits fondamentaux de la défense, a privé sa décision de toute base légale ;
" alors que, d'autre part, et en tout état de cause, la Cour, qui a considéré que A... n'établissait pas sa bonne foi, en se référant intégralement aux énonciations des premiers juges, lesquels avaient statué antérieurement à l'abrogation de l'article 369. 2 du Code des douanes interdisant aux tribunaux de relaxer les contrevenants pour défaut d'intention, et sans nullement répondre à ses conclusions faisant valoir qu'il avait contracté sur la foi de documents douaniers apparemment réguliers et que les marchandises litigieuses avaient été régulièrement dédouanées par un agent agréé en douanes, de sorte qu'il n'avait pas eu connaissance de la provenance réelle desdites marchandises, n'a pas, en s'abstenant totalement de répondre à ces conclusions, légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la Cave coopérative d'Aléria était l'importateur des moûts concentrés en provenance de Malte faussement déclarés en douanes d'origine italienne ;
Attendu que, pour déclarer Jack A..., gérant de cette société, coupable d'intérêt à la fraude constitué au délit par l'importation sans déclaration de cette marchandise, les juges du fond, après avoir exposé les diverses circonstances dans lesquelles, selon ses propres déclarations, le prévenu avait participé personnellement à cette opération frauduleuse, énoncent, pour écarter la bonne foi dont celui-ci se prévalait, que " la présomption découlant de ces éléments de fait ne saurait être effacée par de simples dénégations d'intention, non étayées par des éléments nouveaux " ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, l'arrêt attaqué a donné une base légale à sa décision sans encourir aucun des griefs allégués ;
Qu'en effet si, depuis l'abrogation de l'article 369. 2 du Code des douanes, par la loi du 8 juillet 1987, les contrevenants en matière douanière sont admis à exciper de leur bonne foi, la charge de cette preuve qui leur incombe, n'est pas incompatible avec l'article 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui exige seulement que la culpabilité soit légalement établie ;
Que, dès lors, les moyens doivent être écartés ;
Mais sur le troisième moyen de cassation pris en faveur de Jack A... de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges déclarant recevable la constitution de partie civile de la Fédération nationale des producteurs de vins de table et de vins de pays et lui a alloué 5 000 francs de dommages-intérêts ainsi que 2 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" au motif qu'en ayant importé des moûts concentrés de raisins, en les déclarant frauduleusement d'origine italienne alors qu'ils se trouvaient être d'origine maltaise, les prévenus ont empêché l'achat de moûts concentrés d'origine française, occasionnant en cela un préjudice important aux producteurs représentés par la Fédération, partie civile ;
" alors, que l'importation de moûts de raisins concentrés en provenance de pays membres de la Communauté économique européenne étant licite, la Cour qui, pour déclarer recevable l'action civile de la Fédération nationale des producteurs de vins de table et de vins de pays, a ainsi considéré que l'infraction retenue, à savoir l'importation de moûts de vins en provenant d'un pays non membre de la Communauté économique européenne sous une fausse déclaration d'origine italienne aurait empêché l'achat de moûts concentrés d'origine française, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale en accordant ainsi indemnisation d'un préjudice dépourvu de caractère certain " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale que l'action civile n'est recevable devant la juridiction correctionnelle qu'autant qu'il est justifié d'un préjudice trouvant directement sa source dans l'infraction poursuivie ;
Attendu que, pour faire droit à la demande de la Fédération nationale des producteurs de vins de table et de vins de pays qui réclamait réparation du préjudice qu'elle prétendait avoir subi du fait de l'infraction douanière visée aux poursuites et pour condamner notamment Jack A..., relaxé par ailleurs du chef de tromperie, à payer à titre personnel à cette partie civile la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts, la cour d'appel énonce par motifs adoptés des premiers juges, qu'ayant importé des moûts concentrés de raisins en les déclarant frauduleusement d'origine italienne, alors qu'ils étaient d'origine maltaise, le prévenu a empêché l'achat de moûts concentrés d'origine française, occasionnant en cela un préjudice important aux producteurs représentés par la Fédération, partie civile ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'infraction douanière, seule retenue contre le prévenu, ne porte atteinte directement qu'à l'intérêt général et aux droits de l'administration des Douanes, la cour d'appel a méconnu le principe susrappelé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs :
Sur les pourvois de Camille Y..., Marcel Z..., l'administration des Douanes, Albert X... et la Cave coopérative d'Aléria :
REJETTE les pourvois ;
Sur le pourvoi de Jack A... :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 12 mars 1990, mais en ses seules dispositions civiles par lesquelles il a condamné le demandeur à des réparations civiles au profit de la Fédération nationale des producteurs de vins de table et de vins de pays, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 90-83278
Date de la décision : 10/02/1992
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Commissionnaire agréé - Responsabilité pénale - Agrément à titre personnel - Nécessité (non).

1° DOUANES - Responsabilité pénale - Commissionnaire agréé - Agrément à titre personnel - Nécessité (non).

1° La responsabilité pénale découlant d'une fausse déclaration en douane incombe à tout participant à l'accomplissement de cette formalité, qu'il ait été ou non agréé en douane à titre personnel

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Présomption d'innocence - Portée - Douanes - Présomptions de fait ou de droit - Présomption de l'article 396 du Code des douanes.

2° DOUANES - Preuve - Mode de preuve admis - Convention européenne des droits de l'homme - Domaine d'application 2° PREUVE - Charge - Présomptions - Douanes - Présomption de l'article 396 du Code des douanes - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - Présomption d'innocence.

2° L'article 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme n'a pas pour objet de limiter les modes de preuve prévus par la loi interne mais d'exiger que la culpabilité soit légalement établie. Ce texte ne met pas obstacle aux présomptions de fait ou de droit instituées en matière pénale, dès lors que ces présomptions, comme en l'espèce celle de l'article 396 du Code des douanes, prennent en compte la gravité de l'enjeu et laissent entiers les droits de la défense (1).

3° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice direct - Définition - Douanes - Importation sans déclaration de marchandises prohibées - Préjudice résultant de la fausse déclaration d'origine (non).

3° DOUANES - Importation sans déclaration - Marchandises - Fausses déclarations - Fausse déclaration sur l'origine - Préjudice - Préjudice de la Fédération nationale des producteurs de vins de table et de vins de pays - Préjudice direct (non).

3° L'action civile n'est recevable devant la juridiction répressive qu'autant qu'il est justifié d'un préjudice trouvant directement sa source dans l'infraction poursuivie. L'importation sans déclaration de marchandise prohibée, infraction douanière, ne porte atteinte qu'à l'intérêt général et aux droits de l'administration des Douanes. Encourt la cassation l'arrêt qui ordonne la réparation du préjudice allégué par la Fédération nationale des producteurs de vins de table ou de vins de pays, résultant pour elle de l'importation en France de moûts concentrés d'origine maltaise, faussement déclarés comme d'origine italienne (2).


Références :

Code de procédure pénale 2, 3
Code des douanes 395, 396, 426 al. 3, 426 al. 4
Code des douanes 396
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier (chambre correctionnelle), 12 mars 1990

CONFER : (2°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-01-30 , Bulletin criminel 1989, n° 33, p. 97 (rejet et cassation partielle). CONFER : (3°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1991-01-14 , Bulletin criminel 1991, n° 22, p. 60 (cassation partielle sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 fév. 1992, pourvoi n°90-83278, Bull. crim. criminel 1992 N° 62 p. 150
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1992 N° 62 p. 150

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Tacchella, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Amiel
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Souppe
Avocat(s) : Avocats :Mme Luc-Thaler, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:90.83278
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