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10/12/1991 | FRANCE | N°90-10972

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 décembre 1991, 90-10972


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les pourvois n° K 9010.972 et R 90-16.037 formés par :

1°/ M. Olivier X..., demeurant ... par Saint-Julien-l'Ars (Vienne),

2°/ M. Domenico De A..., demeurant Les Petites Vallées, Poitiers (Vienne),

3°/ la Société de représentation de produits métalliques dite "SRPM", dont le siège social est ...,

4°/ la société Trafiladda, société de droit italien dont le siège est ... d'Adda à Milan (Italie), société actuellement sous concordat préventif,

suivant jugement du tribunal civil de Lodi (Italie) du 6 novembre 1984,

5°/ M. Angelo B..., pris e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les pourvois n° K 9010.972 et R 90-16.037 formés par :

1°/ M. Olivier X..., demeurant ... par Saint-Julien-l'Ars (Vienne),

2°/ M. Domenico De A..., demeurant Les Petites Vallées, Poitiers (Vienne),

3°/ la Société de représentation de produits métalliques dite "SRPM", dont le siège social est ...,

4°/ la société Trafiladda, société de droit italien dont le siège est ... d'Adda à Milan (Italie), société actuellement sous concordat préventif, suivant jugement du tribunal civil de Lodi (Italie) du 6 novembre 1984,

5°/ M. Angelo B..., pris en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la société Trafiladda, domicilié au siège de ladite société Via Roncadelle 200 700 Boffalora d'Adda à Milan (Italie),

6°/ Mme Lucia de Y..., demeurant 4 Via Luigi Z... 20075 Lodi à Milan (Italie), intervenant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Trafiladda, nommé à ces fonctions par jugement du tribual de commerce de Lodi le 10 octobre 1984,

en cassation respectivement de deux arrêts rendus par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, section 2) les 6 août 1987 et 29 novembre 1989, d'une part, et d'un arrêt rendu le 18 avril 1990 par la cour d'appel de Poitiers, d'autre part, au profit de la société Prométal, société anonyme dont le siège social est ...,

défenderesse à la cassation ; Les demandeurs invoquent à l'appui du pourvoi n° 90-10.972, trois moyens de cassation, et à l'appui du pourvoi n° 90-16.037, le moyen unique de cassation, annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 octobre 1991, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Grimaldi, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de MM. X..., De A... et B..., de la société RPM et de la société Trafiladda et de Mme De Y..., de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société Prométal, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Joint le pourvoi n° K 90-10.972 qui attaque les arrêts des 6 août 1987 et 29 novembre 1989 et le pourvoi n° R 90-16.037 qui attaque l'arrêt du 18 avril 1990, rectifiant l'arrêt du 29 novembre 1989 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Prométal distribuait en France et en Belgique des produits de la société de droit italien Trafiladda, avec laquelle elle était liée par un mandat d'intérêt commun ; que la société Prométal a assigné la société Trafiladda devant le tribunal de grande instance en paiement de dommages-intérêts au motif qu'en ne donnant pas suite à ses commandes, la société Trafiladda avait abusivement rompu le contrat ; que, devant le même

tribunal, elle a assigné en outre MM. X... et de A..., ses anciens salariés, ainsi que la société de Représentation de produits métalliques (société RPM), que ces deux derniers avaient créée, en leur reprochant des actes de concurrence déloyale, commis avec la complicité de la société Trafiladda ; que, de son côté, cette dernière a assigné la société Prométal devant le tribunal de commerce, en paiement de factures impayées ; que les deux juridictions ont accueilli les demandes qui leur étaient présentées ; que la cour d'appel, par un premier arrêt du 6 août 1987, a condamné la société Prométal à payer une certaine somme à la société Trafiladda au titre des factures non réglées, a condamné la société Trafiladda à des dommages-intérêts au profit de la société Prométal pour rupture abusive du mandat d'intérêt commun et a dit que MM. X... et de A... ainsi que les sociétés RPM et Trafiladda avaient commis des actes de concurrence déloyale envers la société Prométal, puis a ordonné une expertise avant d'évaluer le montant du préjudice subi de ce dernier chef ; que, par un second arrêt du 29 novembre 1989, la cour d'appel a débouté la société RPM de sa requête en réparation d'une omission de statuer sur la demande en paiement de dommages-intérêts qu'elle avait formée reconventionnellement contre la société Prométal, a évalué le préjudice de la société Prométal résultant des actes de concurrence déloyale et, faisant les comptes entre les parties, a condamné in solidum, après "compensation", MM. X... et de A... ainsi que la société RPM à payer une certaine somme à la société Prométal ; Sur le deuxième moyen du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 6 août 1987, pris en ses trois branches, et sur le moyen unique du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 29 novembre 1989, pris en ses première, deuxième et troisième branches, réunis :

Attendu que M. X..., M. de A..., la société RPM et la société Trafiladda font grief à l'arrêt d'avoir dit que les trois premiers avaient

commis, envers la société Prométal, des actes de concurrence déloyale, dont la société Trafiladda était complice, alors, selon le pourvoi, que, de première part, l'envoi par la société RPM d'une documentation analogue à celle adressée par la société Prométal, à ses propres clients, ne pouvait constituer un acte de concurrence déloyale que dans la mesure où la documentation de la société Prométal revêtait une quelconque originalité ; qu'en tenant pour fautif l'envoi de documents par la société RPM, du seul fait

de leur similitude avec ceux émanant de la société Prométal, sans rechercher si, compte tenu du caractère original de cette documentation, les agissements de la société RPM avaient pu être de nature à entretenir une confusion dans l'esprit des destinataires, l'arrêt n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, de deuxième part, que seul l'accomplissement d'actes fautifs commis au préjudice d'un concurrent sont susceptibles d'être sanctionnés pour concurrence déloyale ; que la simple coïncidence entre les dates de rupture du contrat Trafiladda-Prométal et d'annonce par la société RPM de ses relations commerciales avec la société Trafiladda, n'était pas de nature à caractériser un quelconque acte de concurrence déloyale commis par la société Trafiladda ; qu'en condamant néanmoins cette société in solidum avec la société RPM et MM. X... et de A... à réparer le préjudice consécutif à la concurrence déloyale subie par la société Prométal, l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, de troisième part, que, pour retenir l'existence d'une collusion entre la société Trafiladda et la société RPM justifiant leur condamnation in solidum à réparer le préjudice subi par la société Prométal, l'arrêt a fait siens les motifs du jugement selon lesquels la société Trafiladda "apparaît intéressée à un stratagème lui permettant d'assurer la distibution de ses produits par une société RPM dont il est permis de penser qu'elle a aidée à la créer" ; qu'en se déterminant par ces considérations dubitatives, dénuées de toute précision et insusceptibles comme telles d'établir l'existence d'acte de concurrence déloyale commis par la société Trafiladda, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors, de quatrième part que, dans leurs conclusions d'appel, M. X..., M. de A..., la société RPM et la société Trafiladda faisaient valoir que le préjudice de la société Prométal ne devait en aucun cas inclure l'année 1984 qui était à la fois celle de la cessation d'activité de la société Trafiladda et celle au cours de laquelle la société RPM avait enregistré une perte de commissions de 60 000 francs sur un total de 80 000 francs ; qu'en entérinant néanmoins l'évaluation faite par l'expert, qui avait décidé de calculer sur 3 années, dont l'année 1984, le préjudice subi par la société Prométal, l'arrêt n'a pas répondu aux conclusions présentées et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de cinquième part, que, pour refuser d'accueillir la demande de capitalisation des intérêts formée par cette société, l'arrêt a lui-même

admis que "compte tenu de la somme obtenue (par la société Prométal) par rapport à la réalité de son préjudice, cette capitalisation constituait un enrichissement sans cause" ; qu'en acceptant néanmoins l'évaluation faite par l'expert, tout en reconnaissant que la somme allouée était supérieure au préjudice, l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil ;

et alors enfin, de sixième part, que l'arrêt qui en condamnant une partie à indemnité, décide de fixer le point de départ des intérêts de droit des sommes allouées à compter d'une date différente de celle de la décision, doit en donner les motifs ; qu'en l'espèce, en l'absence de confirmation pure et simple du jugement sur le montant des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, l'arrêt devait motiver sa décision de déroger au principe selon lequel les intérêts légaux courent en ce cas à compter du prononcé de l'arrêt ; qu'en assortissant la condamnation du paiement d'intérêts légaux à compter du jour de la demande, sans donner aucun motif à l'appui de sa décision sur ce point, l'arrêt a violé les articles 1153-1 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt du 6 août 1987 retient §1°OE que "la documentation sur Trafiladda, mise au point par la société Prométal, a été reprise quasiment mots pour mots, avec croquis absolument analogues, par la société RPM", §2°OE que "MM. X... et de A..., seuls collaborateurs directement en contact avec la clientèle de la société Prométal et qui avaient donc une parfaite connaissance de cette clientèle, ont conservé par devers eux, après leur départ, nombre de documents de leurs activités antérieures (fichiers, correspondances... etc...) qui leur ont servi, lors de la création de leur propre société, à contacter directement et à amener à eux, outre la société italienne Trafiladda, diverses sociétés..., ex-clientes de la société Prométal" et §3°OE que la date de démission de MM. X... et de A..., qui "coïncide exactement" avec celle de la rupture des relations de la société Prométal avec la société Trafiladda, de même que "la note circulaire adressée le 30 mars 1982 par la société RPM à l'ensemble de ses clients potentiels, dans laquelle elle leur faisait connaître que la société Trafiladda lui avait confié la représentation exclusive de ses produits sur le marché français" "dénotent une collusion manifeste entre MM. X... et de A... et la société Trafiladda" ; que l'arrêt retient encore, par motifs adoptés, que "des

confusions" "ont pu s'en suivre dans l'esprit" des acquéreurs des produits, "compte tenu de la présence, sur le marché français, de deux sociétés identiques", les sociétés Prométal et RPM, "successivement représentées par les mêmes personnes" et que ces différentes actions de concurrence déloyale ont été "conduites en liaison étroite par leurs auteurs avec la société Trafiladda" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif selon lequel "il est permis de penser" que la société Trafiladda avait aidé à créer la société RPM, qui est surabondant, la cour d'appel a pu décider que MM. X... et de A... ainsi que la société RPM avaient commis, envers la société Prométal, des fautes constitutives de concurrence déloyale dont la société Trafiladda s'était rendue complice ; Attendu, en deuxième lieu, qu'en fixant le montant du préjudice subi par la société Prométal à la somme principale de 570 000 francs, proposée par l'expert commis judiciairement, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions invoquées ;

Attendu, en troisième lieu, que, loin de dire que la somme allouée avec intérêts au taux légal à compter du 19 mars 1982, date de l'assignation, était supérieure au montant du préjudice subi par la société Prométal, la cour d'appel a dit que l'indemnisation serait excessive si la demande de capitalisation des intérêts, qu'elle a rejetée, était accueillie ; Attendu, en quatrième lieu, qu'après avoir fixé le montant de l'indemnité due à la société Prométal, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté qui lui est reconnue par l'article 1153-1 du Code civil, en faisant courir, à compter du jour de l'assignation, les intérêts de cette indemnité ; D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ; Et sur le troisème moyen du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 6 août 1987 :

Attendu que la société RPM reproche à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour dénigrement, formée contre la société Prométal, sans donner aucun motif à l'appui de sa décision sur ce point ; Mais attendu qu'en condamnant la société RPM pour concurrence déloyale envers la société Prométal, la cour d'appel a, par là-même décidé que le dénigrement allégué par la première société contre la seconde n'était pas établi ; qu'elle a ainsi motivé sa décision du chef critiqué ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le premier moyen du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 6 août 1987, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que, pour condamner la société Trafiladda à payer 20 000 francs de dommages-intérêts à la société Prométal, au titre de la rupture abusive du mandat d'intérêt commun, la cour d'appel retient que la société Prométal n'était "apparemment" pas soumise à une clause d'exclusivité ; Attendu qu'en se déterminant par ce motif dubitatif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; Et sur la troisième branche :

Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que pour dire, par motifs adoptés, que "la société Prométal s'est toujours fournie pendant la durée de leurs relations auprès de la société Trafiladda" et "qu'elle a donc respecté cette exclusivité", l'arrêt retient qu'"il n'est pas contesté que les commandes passées fin 1981 par la société Prométal" auprès de deux autres sociétés "s'expliquaient, d'une part, par le fait qu'aux prises avec des problèmes d'approvisionnement, la société

Trafiladda ne pouvait faire face aux commandes, d'autre part, par le fait que les poutrelles, d'une hauteur de 70-75 cms, commandées" par un client "n'étaient pas produites par la société Trafiladda" ; Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs alors que la société Trafiladda soutenait qu'elle "pouvait assurer les livraisons" des commandes que la société Prométal avait passées à d'autres sociétés, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et quatrième branches du premier moyen du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 6 août 1987, ni sur les quatrième et cinquième branches du moyen unique du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 29 novembre 1989 :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Trafiladda à payer à la société Prométal la somme de 20 000 francs, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, l'arrêt rendu le 6 août 1987 par la cour d'appel de Poitiers et, seulement en ce qu'il a condamné "après toutes compensations opérées, in solidum, MM. X... et de A..., la société RPM à payer à la société Prométal la somme de 326 542,48 francs avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt", l'arrêt rendu le 29 novembre 1989 par la cour d'appel de Poitiers, tel que rectifié par l'arrêt du 18 avril 1990 ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ; Condamne la société Prométal, envers les demandeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Poitiers, en marge ou à la suite des arrêts partiellement annulés ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 90-10972
Date de la décision : 10/12/1991
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

(sauf pour les derniers moyens) CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Détournement de clientèle - Conservation d'une documentation par les anciens employés de l'entreprise concurrente - Démission de ceux-ci coïncidant avec une rupture de relations commerciales - Confusion entretenue dans l'esprit des clients - Constatations suffisantes.


Références :

Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers 1987-08-07 1989-11-29


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 déc. 1991, pourvoi n°90-10972


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.10972
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