CASSATION sur le pourvoi formé par :
- le procureur général près la cour d'appel de Douai,
contre l'arrêt n° 59 de ladite cour, 4e chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 1991 qui, dans la procédure suivie contre Rémy X... pour revente à perte, a constaté l'irrégularité de la poursuite et relaxé le prévenu.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 385 du Code de procédure pénale et de la fausse application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, en constatant que le procès-verbal de délit dressé le 4 avril 1989 se référait à des constatations faites le 8 février 1989, soit 2 mois auparavant, a déclaré irrégulière la poursuite aux motifs qu'aux termes de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tout accusé a droit à être informé dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, et que cette prescription n'avait pas été respectée, le prévenu n'ayant été informé et interrogé sur les accusations portées contre lui que lors de l'établissement du procès-verbal à la suite d'une convocation qui lui avait été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mars 1989 et qu'en l'absence d'éléments de preuve susceptibles de la convaincre, l'Administration poursuivante s'était trouvée dans l'obligation de surseoir si longuement à l'audition de X..., que la Cour considérait que l'audition était intervenue dans un délai contraire à celui prescrit et que ce manquement était en tant que tel constitutif d'une violation des droits de la défense ;
" alors que, d'une part, il apparaît des pièces du dossier qu'aucune exception tendant à faire prononcer la nullité de la procédure n'a été soulevée devant les premiers juges conformément aux dispositions de l'article 385 du Code de procédure pénale et que, dès lors, les conclusions en ce sens déposées pour la première fois devant la cour d'appel devaient être déclarées irrecevables ; et que s'agissant de nullité mettant en cause les droits de la défense, la Cour ne pouvait les relever d'office ;
" et que, d'autre part, en statuant ainsi, la cour d'appel a fait une fausse application de l'article 6.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoit que tout accusé a droit notamment à être informé dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, cet article ne concernant que la phase proprement judiciaire du procès-verbal " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure doivent, à peine de forclusion, être présentées avant toute défense au fond ; qu'en outre, seules les parties sont recevables à présenter de telles exceptions sans que les juges puissent les suppléer ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement et des pièces de procédure, que le magasin Euromarché dirigé par Rémy X... a fait l'objet d'un contrôle de prix le 8 février 1989 ; qu'à l'issue de l'enquête administrative le 4 avril 1989, ce dernier s'est vu notifier par les services de la concurrence un procès-verbal d'infraction pour revente à perte de certains produits ; qu'il a reconnu les faits ; que c'est dans ces conditions qu'il a été cité devant la juridiction correctionnelle ;
Attendu que pour annuler la procédure la cour d'appel énonce qu'aux termes de l'article 6.3 a de la Convention européenne des droits de l'homme, tout accusé a droit à être informé dans le plus court délai de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que les justifications n'ont pas été respectées en l'espèce sans que rien dans la procédure ne vienne justifier la longueur du délai écoulé entre la première intervention et l'établissement du procès-verbal ; que les poursuites s'en sont trouvées viciées ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi en relevant d'office une nullité de procédure non soulevée par le prévenu, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;
Que dès lors la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt n° 59 de la cour d'appel de Douai du 23 janvier 1991 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.