Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société Les Alliages légers de Paris Roger Y... (la société Y...) mise le 2 octobre 1984 en règlement judiciaire avec M. X... pour syndic, a été autorisée à poursuivre son exploitation ; que la société Aluminium Pechiney (la société Pechiney), son principal fournisseur a été informée le 9 octobre 1984 que les commandes supérieures à 5 000 francs faites pour les besoins de la poursuite de l'exploitation seraient paraphées par le syndic ou son mandataire et réglées comptant par chèque à réception de la facture ; que plusieurs commandes adressées à la société Pechiney et contresignées par le syndic ont été suivies de paiements effectués sans incident pour un montant total de 5 206 645 francs ; que six commandes passées entre le 30 avril et le 14 juin 1985 pour un montant de 866 257 francs n'ont pas été payées ; que la société Pechiney a poursuivi la responsabilité civile personnelle du syndic ;
Attendu que pour rejeter cette demande, la cour d'appel a retenu qu'à l'époque des commandes litigieuses, les déficits constatés durant les mois précédents étaient faibles par rapport au chiffre d'affaires, que rien n'indiquait que les factures à émettre ne seraient pas honorées comme les précédentes ; qu'étaient imprévisibles le blocage de la production et la longue occupation des locaux qui ont suivi immédiatement l'annonce le 3 juillet 1985, du plan de restructuration, que la société Pechiney, qui avait été désignée en qualité de contrôleur du règlement judiciaire de la société Y..., avait mieux que tout autre fournisseur la possibilité de surveiller l'activité de son client et qu'elle s'était d'ailleurs tenue informée du déroulement des opérations du règlement judiciaire ; qu'ainsi la situation créée par l'occupation des locaux pendant plusieurs mois suffit à expliquer que la société n'ait pu être désintéressée et qu'il n'est pas établi que le syndic ait engagé sa responsabilité en contresignant les six bons de commande non payés ;
Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir retenu, quant à l'absence du lien de causalité, des motifs qui étaient inopérants dès lors qu'ils étaient tirés de considérations postérieures à la date à laquelle a pris naissance la créance de la société Pechiney et sans rechercher si le syndic, au moment où il a apposé son visa sur les bons de commande s'était assuré de ce que les marchandises pourraient être payées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 octobre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles