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08/10/1991 | FRANCE | N°89-16567

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 octobre 1991, 89-16567


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Logement et Patrimoine, anciennement Les Logis parisiens, dont le siège social est à Paris (8e), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 21 avril 1989 par la cour d'appel de Paris (19e chambre section B), au profit :

1°/ de la compagnie d'assurances UAP, dont le siège est à Paris (1er), 9, place Vendôme,

2°/ de M. Yves C..., demeurant à Paris (3e), ..., ès qualités de mandataire ad hoc de la sociÃ

©té Sieco, société liquidée, dont le siège était à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), ...,
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Logement et Patrimoine, anciennement Les Logis parisiens, dont le siège social est à Paris (8e), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 21 avril 1989 par la cour d'appel de Paris (19e chambre section B), au profit :

1°/ de la compagnie d'assurances UAP, dont le siège est à Paris (1er), 9, place Vendôme,

2°/ de M. Yves C..., demeurant à Paris (3e), ..., ès qualités de mandataire ad hoc de la société Sieco, société liquidée, dont le siège était à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), ...,

3°/ de la SCA Lods-Depondt-Beauclair, dont le siège est à Paris (12e), ...,

4°/ de la Mutuelle des architectes français, dite "MAF", société d'assurance à forme mutuelle et à cotisations variables, dont le siège est à Paris (16e), ...,

5°/ de M. Henri X..., demeurant à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), ...,

6°/ de M. Gilles Z...
Y..., demeurant à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), ...,

7°/ de M. Alain D..., demeurant à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), ...,

ces deux derniers agissant ès qualités de liquidateurs amiables de la société Sieco à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), ...,

8°/ de la société Péchiney, société anonyme, dont le siège est à Paris (8e), ...,

9°/ de la société Saint-Gobain Pont à Mousson, dont le siège est à Paris (8e), ...,

défendeurs à la cassation ; La compagnie d'assurances Union des assurances de Paris, défenderesse au pourvoi principal a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 19 juin 1991, où étaient présents :

M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, MM. Hatoux, Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Leonnet, conseillers, Mme Geerssen, conseiller référendaire, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de la

SCP Desaché et Gatineau, avocat de la société Logement et Patrimoine, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la compagnie d'assurances UAP, de Me Boulloche, avocat de la SCA Lods-Depondt-Beauclair et de la Mutuelle des architectes français, de Me Ryziger, avocat de M. X..., de Me Choucroy, avocat de MM. Z...
Y... et D..., ès qualités, de Me Vuitton, avocat de la société Pechiney, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Saint-Gobain Pont à Mousson, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne défaut contre M. C..., ès qualités de mandataire ad'hoc de la société Sieco ; Met hors de cause, sur leur demande les sociétés Lods-Depondt-Beauclair et Mutuelle des architectes français, contre lesquelles aucun des moyens du pourvoi principal n'est dirigé ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société des Logis Parisiens, devenue la Société logement et patrimoine, ayant fait construire des maisons individuelles par la société Sieco, a, en raison des désordres apparus dans ces constructions, fait assigner, outre les architectes, la société Sieco et l'UAP son assureur, MM. A... et D..., ses anciens liquidateurs, M. X..., son ancien président, et les sociétés Saint-Gobain Pont-à-Mousson (la société Saint-Gobain) et Péchiney Ugine-Kuhlman (la société Péchiney), ses anciens actionnaires, aux fins de les voir condamner à réparation ; Sur le pourvoi incident, et qui est préalable :

Attendu que l'UAP fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à garantir la société Sieco, son assurée, au titre des désordres ayant affecté l'isolation phonique et les faux-plafonds de l'ensemble immobilier litigieux, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de la police d'assurance, constituaient des travaux non traditionnels exclus de la garantie de l'assureur "les travaux de technique nouvelle ou non normalisés et/ou non exécutés conformément aux règles en vigueur lors de leur exécution, notamment les normes françaises homologuées et les règles de calcul et cahiers des charges DTU établis par le groupe DTU (documents techniques unifiés), les cahiers des charges et/ou règles établis par les organismes professionnels et acceptés par la section construction ..." ; qu'au lieu de se borner à retenir que les matériaux choisis auraient été traditionnels en raison de leur emploi courant et à écarter le caractère

expérimental du procédé incriminé, la cour d'appel se

devait de vérifier que le procédé "GEAI" utilisé était au nombre des travaux réalisés conformément aux normes précises auxquelles se référait la loi des parties ; qu'en omettant d'effectuer cette recherche nécessaire à la

détermination de la garantie de l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors d'autre part, que l'acceptation des risques dans un souci d'économie constitue une faute de nature à justifier la responsabilité du maitre de l'ouvrage ; qu'en se bornant à écarter toute faute née d'une recherche d'économie ou d'un choix opéré en accord avec les locateurs d'ouvrage, sans s'assurer, ainsi qu'elle y avait été pourtant invitée, qu'en décidant de construire des maisons à un prix de revient dérisoire, le maitre de l'ouvrage avait pris en connaissance de cause le risque délibéré d'accepter de manière inéluctable la survenance de sinistres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1792 du Code civil ; et alors enfin, qu'au regard de la loi du 3 janvier 1967, constitue un menu ouvrage relevant de la garantie biennale des constructeurs le faux-plafond démontable qui n'est pas un élément porteur et ne concourt en rien à la solidité ou à la stabilité du bâtiment ; qu'en se bornant à déduire des conclusions de l'expert que les faux-plafonds auraient été incorporés au gros ouvrage et n'auraient pas été destinés à être démontés, au lieu de rechercher si les ouvrages litigieux étaient effectivement démontables et s'ils concouraient à la stabilité ou à la solidité du bâtiment, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles R. 111-26 et R. 111-27 du Code de la construction et de l'habitation ; qu'en retenant que les faux-plafonds auraient constitué un complément indissociable du gros oeuvre sans lequel les maisons auraient été inhabitables, la cour d'appel a statué par un motif inopérant au regard de la législation applicable en l'espèce ; Mais attendu, d'une part, que dans ses conclusions d'appel l'UAP a soutenu que le procédé "GEAI" était non traditionnel en raison de son caractère "expérimental et innovant" ; que pour répondre à ce moyen, la cour d'appel n'avait pas à faire la recherche visée à la première branche qui ne lui était pas demandée ; Attendu, d'autre part, qu'après avoir exactement énoncé que la recherche d'économies ne constituait pas une faute, l'arrêt retient que le maître de l'ouvrage ne s'est pas immiscé dans les travaux et qu'il n'a pas imposé de choix techniques aux constructeurs malgré des réserves de ces derniers, et que les locateurs d'ouvrage étaient en parfait accord pour édifier les pavillons selon un parti architectural et technique bien précis et prôné par eux, la société Sieco, assurée de l'UAP, ayant pour sa part vérifié et mis en oeuvre le procédé "GEAI", avalisé par les architectes ; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel a pu décider qu'il n'y avait pas eu faute de la part du maître de l'ouvrage en lien avec les dommages litigieux ; Attendu, enfin, que, selon l'article R. 111-26 du Code de la construction et de l'habitation, constituent des gros ouvrages tous

éléments qui sont intégrés aux éléments porteurs concourant à la stabilité ou à la solidité du bâtiment ou forment corps avec eux ; qu'ayant retenu que les faux-plafonds litigieux étaient incorporés au gros ouvrage et n'étaient pas destinés à être démontés, la cour d'appel a ainsi fait la recherche prétendument omise ; Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le pourvoi principal :

Sur le premier moyen :

Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que pour mettre hors de cause MM. B..., D..., X... et les sociétés Saint-Gobain et Péchiney, la cour d'appel a retenu que la recherche de responsabilité de ces personnes physiques ou morales n'avait pour le maître

de l'ouvrage qu'un caractère subsidiaire qu'elle n'aurait à examiner qu'en cas de réformation du jugement sur la garantie de l'UAP, ce qui n'était pas le cas ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions la Société logement et patrimoine avait demandé la condamnation de MM. B... et D..., de M. X... et des sociétés SaintGobain et

Péchiney solidairement entre eux et in solidum avec l'UAP, les architectes et la Mutuelle des architectes français, à lui payer l'intégralité des sommes retenues par le jugement (à savoir, 4 937 626 francs au titre de l'isolation phonique et 1 118 010 francs au titre des faux plafonds), en fondant sa demande à l'encontre de M. X... sur la responsabilité contractuelle de celui-ci à titre principal et sur sa responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle à titre subsidiaire ; en invoquant en outre à l'encontre de MM. A... et D... une faute pour avoir clôturé la liquidation de la société Sieco sans prévoir de provision pour couvrir les obligations découlant de l'opération de construction qui constituait son objet social et sans s'assurer que les contrats d'assurance avaient été régulièrement et convenablement souscrits, et ce, pour le cas où la cour d'appel considérerait que les garanties de l'UAP n'étaient pas acquises ; en invoquant enfin à la charge des sociétés Saint-Gobain et Péchiney une faute pour n'avoir pris aucune disposition en vue d'assurer par tout moyen les conséquences et obligations pouvant découler des opérations immobilières litigieuses notamment, les préjudices pouvant résulter des désordres affectant les constructions, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ; Sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour mettre hors de cause MM. B... et D..., la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, qu'aucune faute n'était justifiée à l'égard des anciens liquidateurs dans l'exécution de leur mandat, en raison notamment du paiement auprès de l'UAP des primes subséquentes ; Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le manquement qui leur était reproché dans les conclusions précitées n'était pas susceptible d'engager la responsabilité des liquidateurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Sur le troisième moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu que pour mettre hors de cause M. X..., la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que celui-ci n'avait plus le pouvoir d'engager ni de représenter la société Sieco, privée d'existence juridique ; Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme la société Logement et Patrimoine le soutenait dans ses conclusions, M. X... avait contracté l'engagement, vis-à-vis de cette société, de faire prendre en charge par les actionnaires personnellement toutes obligations découlant des activités des constructeurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; Sur le quatrième moyen :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que pour mettre hors de cause les sociétés Saint-Gobain et Péchiney, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que les opérations d'expertise ordonnées au cours de la procédure avaient été, par arrêt de la cour d'appel du 20 janvier 1979, déclarées inopposables à ces deux sociétés qui n'avaient pas été attraites en la cause dès le début de l'instance ; Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Logement et Patrimoine qui faisait valoir que la présence à l'expertise des sociétés précitées n'était pas indispensable dès lors qu'il s'agissait d'apprécier l'existence de la faute qui leur était reprochée consistant en la méconnaissance des engagements prétendument pris par elles, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ; Et sur le cinquième moyen :

Vu l'article 1153 du Code civil ; Attendu que pour déclarer nul et de nul effet le commandement délivré le 15 octobre 1985 à l'UAP par la société Logement et Patrimoine pour avoir paiement des intérêts au taux légal sur la somme due par l'assureur et limitée au plafond de sa garantie, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que la société Logement et Patrimoine ne pouvait prétendre percevoir de l'assureur

une somme supérieure au plafond de garantie, le capital et les intérêts formant un tout indissociable qui ne pouvait être dépassé qu'en cas de manoeuvres dilatoires destinées à retarder abusivement le paiement et que l'article 1153 du Code civil ne concernait que les dettes issues de

l'exécution des obligations contractuelles unissant les parties et n'était pas applicable aux paiements résultant du jeu de l'obligation légale des articles 1792 et 2270 du Code civil pour lesquels les intérêts alloués ne l'étaient qu'à titre d'indemnisation complémentaire ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les articles 1792 et 2270 du Code civil, s'ils mettent à la charge du constructeur d'ouvrage une responsabilité de plein droit pour des dommages résultant de vices de construction, ne font pas obstacle à ce que l'indemnité due par l'assureur produise des intérêts moratoires même si cette indemnité a atteint le plafond de garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement, en ce qu'il a mis hors de cause MM. B..., D..., X... et les sociétés Saint-Gobain et Péchiney et a déclaré nul et de nul effet le commandement délivré le 15 octobre 1985 à l'UAP à la requête de la société Logement et Patrimoine, l'arrêt rendu le 21 avril 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la compagnie UAP, MM. C..., X..., Z...
Y..., D..., la société Péchiney et la société Saint-Gobain Pont à Mousson aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit octobre mil neuf cent quatre vingt onze.


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