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31/05/1991 | FRANCE | N°90-20105

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 31 mai 1991, 90-20105


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Sur le pourvoi dans l'intérêt de la loi formé par M. le Procureur général près la Cour de Cassation :

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l'article 353 du même Code ;

Attendu que, la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ;

Attendu selon l'arrêt infirmatif attaqué que Mme X..., épouse de M. Y..., étant

atteinte d'une stérilité irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, ...

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Sur le pourvoi dans l'intérêt de la loi formé par M. le Procureur général près la Cour de Cassation :

Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l'article 353 du même Code ;

Attendu que, la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes ;

Attendu selon l'arrêt infirmatif attaqué que Mme X..., épouse de M. Y..., étant atteinte d'une stérilité irréversible, son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée artificiellement, a porté et mis au monde l'enfant ainsi conçu ; qu'à sa naissance, cet enfant a été déclaré comme étant né de Y..., sans indication de filiation maternelle ;

Attendu que, pour prononcer l'adoption plénière de l'enfant par Mme Y..., l'arrêt retient qu'en l'état actuel des pratiques scientifiques et des moeurs, la méthode de la maternité substituée doit être considérée comme licite et non contraire à l'ordre public, et que cette adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant, qui a été accueilli et élevé au foyer de M. et Mme Y... pratiquement depuis sa naissance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que cette adoption n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble destiné à permettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution d'un contrat tendant à l'abandon à sa naissance par sa mère, et que, portant atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, ce processus constituait un détournement de l'institution de l'adoption, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans l'intérêt de la loi et sans renvoi, l'arrêt rendu le 15 juin 1990 par la cour d'appel de Paris.

REQUETE DE M. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION.

Le Procureur général près la Cour de Cassation a l'honneur d'exposer :

- Que, par jugement du 28 juin 1989, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la requête présentée par Mme X..., épouse Y..., tendant à l'adoption plénière de l'enfant Z... déclarée comme étant née de M. Y..., mari de la requérante, sans indication de filiation maternelle ;

- Que, pour ne pas faire droit à cette requête, les premiers juges ont retenu que les époux Y..., pour remédier à la stérilité de leur couple, avaient eu recours à l'association Alma Mater, aujourd'hui dissoute, l'enfant étant né d'une mère de substitution qui l'a abandonné à la naissance, pratique déclarée illicite ;

- Que sur appel de Mme Y..., la première chambre civile, section C, de la cour d'appel de Paris, a, par arrêt du 15 juin 1990, infirmé la décision entreprise et prononcé l'adoption plénière sollicitée par la requérante ;

- Qu'au soutien de leur décision devenue définitive, les juges du second degré ont tiré de nos principes généraux relatifs à la filiation, des règles d'ordre public concernant les contrats et de certaines conventions ou déclarations internationales, des conclusions contraires à celles auxquelles était parvenue votre première chambre civile de la Cour de Cassation qui, dans un cas de figure pratiquement identique, a, par arrêt du 13 décembre 1989 (association Alma Mater contre procureur général Aix-en-Provence) reconnu le caractère illicite de la maternité pour autrui et les associations qui s'efforcent de la promouvoir ;

- Qu'il importe en cette matière particulièrement sensible, qui touche à un délicat problème de société et d'éthique, que soit mis fin à des divergences jurisprudentielles majeures et que la sécurité juridique soit assurée.

PAR CES MOTIFS :

Vu l'article 17 de la loi du 3 juillet 1967 relative à la Cour de Cassation ;

Requiert qu'il plaise à la Cour de Cassation ;

CASSE ET ANNULE, sans renvoi et dans le seul intérêt de la loi l'arrêt rendu le 15 juin 1990 par la cour d'appel de Paris ayant fait droit à la requête en adoption plénière présentée par Mme X..., épouse Y...


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 90-20105
Date de la décision : 31/05/1991

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Nullité - Atteinte à l'ordre public - Maternité pour autrui - Contrat tendant à l'abandon d'un enfant - Contrat à titre gratuit - Absence d'influence

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Objet - Chose dans le commerce - Corps humain (non)

FILIATION ADOPTIVE - Adoption plénière - Maternité pour autrui - Adoption de l'enfant du père par l'épouse - Détournement de l'institution

FRAUDE - Fraude à la loi - Filiation adoptive - Adoption plénière - Maternité pour autrui - Adoption de l'enfant du père par l'épouse - Détournement de l'institution

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Nullité - Atteinte à l'ordre public - Maternité pour autrui - Atteinte au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes

La convention, par laquelle une femme s'engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance, contrevient aux principes d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour prononcer l'adoption plénière d'un enfant, retient d'abord qu'en l'état actuel des pratiques scientifiques et des moeurs, la méthode de la maternité substituée doit être considérée comme licite et non contraire à l'ordre public, ensuite que cette adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant qui a été accueilli et élevé au foyer de l'adoptant pratiquement depuis sa naissance, alors que cette adoption n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble qui, destiné à permettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant conçu en exécution d'un contrat tendant à son abandon à la naissance par sa mère, constituait un détournement de l'institution de l'adoption.


Références :

Code civil 6, 1128, 353

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 juin 1990

A RAPPROCHER : Chambre civile 1, 1989-12-13 , Bulletin 1989, I, n° 387 (1), p. 260 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 31 mai. 1991, pourvoi n°90-20105, Bull. civ. 1991 A.P. N° 4 p. 5
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1991 A.P. N° 4 p. 5

Composition du Tribunal
Président : Premier président : M. Drai
Avocat général : Premier avocat général : M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Giannotti, M. Chartier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:90.20105
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