LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la compagnie maritime armement Martin, dont le siège social est ... (8ème),
en cassation d'un arrêt rendu le 24 mai 1989 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section A), au profit de :
1°) La compagnie GAN, ayant son siège ... (9ème),
2°) société Transafric, société de droit ivoirien ayant son siège ...,
3°) La société Socopao ayant son siège ...,
défenderesses à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 19 mars 1991, où étaient présents :
M. Defontaine, président, M. Nicot, conseiller rapporteur, M. C..., Mme E..., MM. A..., B..., X..., D...
Y..., M. Lassalle, conseillers, Mme Z..., M. Le Dauphin, conseillers référendaires, M. Jéol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Nicot, les observations de la SCP Jean et Didier Le Prado, avocat de la compagnie maritime armement Martin, de Me Cossa, avocat de la compagnie GAN, de Me Foussard, avocat de la société Transafric, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Socopao, les conclusions de M. Jéol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 1989), que la société CED Viandes a confié à la compagnie Maritime Armement Martin (le transporteur maritime) le transport en cale frigoriphique d'une cargaison de viande congelée à destination d'Abidjan (Côte d'Ivoire) ; qu'à l'arrivée du navire, la société Socopao, transitaire, a réclamé la marchandise pour le compte de son mandant, la société CED Viandes Côte d'Ivoire, la marchandise devant être stockée sous douane dans les entrepôts frigorifiques de la Société Sodef ; qu'en cours de déchargement, la société Socopao, que la société Sodef venait d'aviser que son personnel cessait le travail en raison du Ramadan, a demandé au capitaine du navire d'arrêter le déchargement ; que celui-ci l'a néanmoins fait poursuivre ; que la viande, déposée sur le terre-plein a été déclarée le lendemain, par suite de sa décongélation, inutilisable pour la consommation humaine ;
que la Compagnie Gan (l'assureur) a indemnisé le destinataire et, subrogé dans ses droits, a assigné le transporteur maritime en dommages et intérêts ; Attendu que le transporteur maritime reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel a entendu nier la "validité" de la stipulation du connaissement émis par ce transporteur maritime et invoquée par lui dans ses écritures, d'après laquelle "ni le transporteur ni ses agents ou manutentionnaires n'assumeront la responsabilité quant aux avaries ou
manquants aux marchandises périssables quand il n'en serait pas pris livraison dès la fin des opérations de déchargement et ils ne seront nullement tenus de prendre des mesures conservatoires à leur égard" ; qu'en tenant pour nulle cette stipulation, la cour d'appel a violé les articles 1, 2, 3 et 7 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, les articles 27 et 29 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affretement et de transport, et l'article 38 du décret du 31 décembre 1966 ; alors d'autre part, que la cour d'appel a encore tenu pour nulle la stipulation du connaissement, également invoquée par le transporteur maritime, aux termes de laquelle "toutes opérations de transport ou accessoires de transport antérieures à la livraison sous palan au chargement et postérieures à la mise sous palan au déchargement s'effectuent aux risques et périls de la marchandise" ; que, ce faisant, elle a violé l'article 7 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 et les articles 27 et 29 de la loi du 18 juin 1966 ; alors, en outre, que la cour d'appel, si elle n'a pas entendu annuler les stipulations contractuelles précitées, a omis de répondre aux moyens tirés par le transporteur maritime desdites stipulations et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil en écartant le jeu de stipulations contractuelles en considération de l'impossibilité pour la société Socopao de placer la marchandise en entrepôts réfrigérés ; Mais attendu qu'en retenant qu'en raison de l'impossibilité pour le consignataire de la cargaison d'en prendre livraison par suite de la fermeture des entrepôts frigorifiques imputables à des tiers, et en estimant qu'il appartenait au transporteur maritime de prendre, en concertation avec le consignataire, toutes les mesures utiles pour assurer, dans des conditions ne le mettant pas en péril, la livraison de la marchandise, la cour d'appel a ainsi répondu aux conclusions visées au pourvoi ; qu'elle n'a pas tenu pour nulle la stipulation litigieuse, mais que, par une interprétation souveraine de sa portée, eu égard aux circonstances exceptionnelles de l'espèce, elle a jugé que la clause ne s'appliquait pas à de telles circonstances dans lesquelles le mandataire du destinataire avait informé le commandant du navire de l'impossibilité temporaire de prendre livraison d'une marchandise périssable ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre
branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;