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09/04/1991 | FRANCE | N°89-16259;89-17555

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 avril 1991, 89-16259 et suivant


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Joint les pourvois n°s 89-17.555 et 89-16.259 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 avril 1989), que des agents de l'administration des Douanes et droits indirects ont, au cours d'une enquête sur l'origine de vins importés par mer en France en octobre 1977, dressé le 20 décembre 1978 un procès-verbal d'infraction de fausse déclaration d'origine qu'ils ont signifié au propriétaire du navire, la compagnie de droit espagnol Naviera Quimica (le propriétaire-armateur) ; qu'ils ont constaté la réalité de l'infraction le 28

décembre 1978, à l'occasion d'une escale à Port-la-Nouvelle du navire, dont ...

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Joint les pourvois n°s 89-17.555 et 89-16.259 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 avril 1989), que des agents de l'administration des Douanes et droits indirects ont, au cours d'une enquête sur l'origine de vins importés par mer en France en octobre 1977, dressé le 20 décembre 1978 un procès-verbal d'infraction de fausse déclaration d'origine qu'ils ont signifié au propriétaire du navire, la compagnie de droit espagnol Naviera Quimica (le propriétaire-armateur) ; qu'ils ont constaté la réalité de l'infraction le 28 décembre 1978, à l'occasion d'une escale à Port-la-Nouvelle du navire, dont ils ont inspecté les livres de bord ; qu'à la suite de cet examen ils ont procédé à la saisie de ce navire en tant que moyen de transport de marchandises de fraude ; que le propriétaire-armateur et son assureur, The Britannia Steam Ship Insurance association limited, ont versé une " caution " de 5 000 000 de francs pour reprendre possession du bâtiment ; que le tribunal correctionnel, sur poursuites engagées contre l'importateur, le transitaire et l'intermédiaire, a prononcé des condamnations et a attribué à l'administration des Douanes le montant du cautionnement ; que, ce jugement ayant été frappé d'appel et la cour d'appel ayant ordonné avant dire droit un supplément d'information, le propriétaire-armateur et son assureur ont demandé au juge d'instance territorialement compétent de constater la nullité de l'acte de saisie et, à tout le moins, de leur restituer le montant du cautionnement ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 89-16.259, pris en ses deux branches :

Attendu que le directeur général des Douanes fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement retenant la compétence du tribunal d'instance pour statuer sur la demande de restitution de la somme versée par le propriétaire-armateur et l'assureur à titre de " caution ", en mettant en oeuvre les griefs reproduits en annexe et tirés d'une violation des articles 341 bis et 357 du Code des douanes ;

Mais attendu que, l'article 357 du titre XII, chapitre 3 du Code des douanes, donnant compétence générale aux tribunaux correctionnels pour connaître des délits de douane, s'applique en harmonie avec les dispositions particulières du même Code ; que les articles 326 et 341 bis-2, insérés au chapitre premier du même titre, relatif aux saisies opérées par les agents de l'administration des Douanes avant l'ouverture de la procédure pénale, attribuent compétence pour statuer sur la restitution du moyen de transport saisi au cours de ces opérations au juge d'instance du lieu de la saisie ; qu'en cet état et dès lors que le propriétaire du navire n'a pas été mis en cause dans la procédure pénale, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a confirmé la décision du juge d'instance retenant sa compétence ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est aussi fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de surseoir à statuer jusqu'à l'arrêt pénal à intervenir, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge civil doit surseoir à statuer dès lors que l'instance pénale est susceptible d'influer sur le litige civil ; qu'en l'espèce le tribunal correctionnel avait ordonné l'attribution à l'Administration, par application de l'article 414 du Code des douanes, de la somme de 5 000 000 de francs à elle versée par la compagnie Naviera Quimica pour obtenir mainlevée de la saisie du navire ayant servi au transport de marchandises prohibées ; que ce jugement a été frappé d'appel et que la cour d'appel a ordonné un supplément d'information aux fins d'entendre l'armateur ; qu'en refusant dès lors de surseoir à statuer jusqu'à l'arrêt pénal à intervenir, au prétexte que le litige pénal ne peut inférer sur l'instance civile car il n'y a aucun risque de contradiction entre les décisions à intervenir, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure pénale, alors, d'autre part, que le juge civil doit surseoir à statuer dès lors que l'instance pénale est susceptible d'avoir une incidence sur le litige civil ; qu'en refusant de surseoir à statuer au motif inopérant qu'il n'y a pas identité de personnes ou d'objet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du Code de procédure pénale, et alors, enfin, que la cour d'appel de Montpellier a ordonné un supplément d'information aux fins d'entendre l'armateur et le capitaine sur les contradictions entre le journal de bord et le manifeste ; qu'en refusant de surseoir à statuer jusqu'à l'arrêt à intervenir et en estimant pouvoir apprécier la bonne foi de l'armateur pour lui accorder la restitution de la caution, la cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que, l'article 326-3 du Code des douanes permet, dans les conditions qu'il fixe, au propriétaire de bonne foi du moyen de transport saisi comme ayant servi à commettre la fraude d'en obtenir mainlevée sans caution ni consignation, même lorsque la juridiction répressive en a prononcé la confiscation ; qu'il s'ensuit que la procédure pénale dans laquelle cette confiscation peut être prononcée n'est pas susceptible d'avoir une influence sur la décision civile à intervenir sur la demande en revendication ; que, par ces motifs de pur droit substitués aux motifs énoncés par la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié du chef critiqué ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 89-17.555, pris en ses trois branches :

Attendu que le propriétaire-armateur et son assureur reprochent à l'arrêt d'avoir décidé que la saisie était régulière, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte de ses constatations que l'infraction douanière avait d'ores et déjà été constatée par le procès-verbal du 20 décembre 1978, et qu'il n'a pas été relevé que le procès-verbal de saisie du 28 décembre 1978 constatait une infraction douanière différente ; que par conséquent la cour d'appel se contredit lorsqu'elle affirme néanmoins que constatation de l'infraction et saisie ont été concomitantes et que cette contradiction de motifs constitue une violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, que d'après les articles 323 et 324 du Code des douanes, la saisie ne peut être prononcée que lors de la constatation de l'infraction, et que la cour d'appel a donc violé ces textes en déclarant cette saisie régulière bien que, d'après ses motifs, elle se rapportât à la même infraction que celle qui avait été constatée dès le 20 décembre, alors, enfin, qu'en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions tirées de ce que le procès-verbal du 28 décembre 1978 ne comportait pas l'indication du lieu de sa rédaction et de sa clôture, exigée par l'article 325 du Code des douanes ;

Mais attendu que la saisie des objets passibles de confiscation n'est pas limitée au cas de flagrance de l'infraction ; qu'ayant retenu que la constatation de l'ensemble des éléments constitutifs du délit ne résultait pas seulement du procès-verbal établi le 20 décembre mais s'était poursuivie à bord du navire le 28 décembre suivant, les juges d'appel, répondant aux conclusions dont ils étaient saisis, ont, par une décision exempte de contradiction, décidé à bon droit que les deux procès-verbaux formaient un tout, de sorte que la saisie effectuée immédiatement après l'établissement du second était régulière ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur les deuxième et troisième moyens, pris en leur diverses branches et réunis :

Attendu qu'il est également reproché à l'arrêt d'avoir rejeté les demandes tendant au paiement de l'intérêt d'indemnité de 1 % par mois de la valeur saisie, prévue par l'article 402 du Code des douanes, et au remboursement des agios versés au Crédit lyonnais à raison de la caution donnée par cet établissement, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la régularité de la saisie entraînera par voie de conséquence celle de cette disposition, alors, d'autre part, qu'ayant constaté par ailleurs la bonne foi du propriétaire du navire et ordonné en conséquence la restitution de la caution versée à raison de la saisie, la cour d'appel établissait par là même le caractère non fondé de la saisie, ce qui, aux termes de l'article 402 du Code des douanes, ouvrait droit à l'intérêt d'indemnité qu'il prévoit et qu'en déboutant néanmoins le propriétaire de sa demande, la cour d'appel a violé ce texte, et alors, enfin, que le propriétaire du navire qui, comme l'a constaté la cour d'appel était de bonne foi, était en droit de demander réparation du préjudice causé par la

saisie ainsi que par la caution dont cet acte a été la cause, à son auteur, c'est-à-dire à l'administration des Douanes, et que la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ainsi que l'article 326, alinéa 3, du Code des douanes pour ne l'avoir pas admis ;

Mais attendu, en premier lieu, que le premier moyen est rejeté ;

Attendu, en second lieu, que la bonne foi du propriétaire du moyen de transport de la marchandise de fraude ne prive pas la saisie de fondement ; qu'ayant retenu que la saisie litigieuse était à la fois régulière et justifiée, ce dont il résultait que l'Administration n'avait pas commis de faute en la pratiquant, la cour d'appel a écarté à bon droit comme inapplicables en la cause les dispositions légales invoquées ;

Que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° 89-16.259 :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné l'administration des Douanes au paiement de la moitié des dépens, alors, selon le pourvoi, qu'en première instance et sur l'appel, l'instruction est verbale, sur simple mémoire et sans frais de justice à répéter de part ni d'autre ; qu'en condamnant dès lors l'administration des Douanes au paiement de la moitié des dépens, la cour d'appel a violé l'article 367 du Code des douanes ;

Mais attendu qu'en méconnaissance des dispositions invoquées, l'administration des Douanes a demandé la condamnation des parties adverses aux dépens ; que le moyen présenté devant la Cour de Cassation est incompatible avec la position ainsi prise devant les juges du fond et est donc irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois n°s 89-17.555 et 89-16.259


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° DOUANES - Compétence - Tribunal d'instance - Saisie - Moyens de transport - Action en restitution au propriétaire - Absence de mise en cause de ce dernier dans la procédure pénale.

1° TRIBUNAL D'INSTANCE - Compétence - Compétence matérielle - Douanes 1° DOUANES - Saisie - Moyens de transport - Action en restitution du propriétaire - Absence de mise en cause de ce dernier dans la procédure pénale - Compétence du tribunal d'instance.

1° L'article 357 du titre XII, chapitre III du Code des douanes donnant compétence générale aux tribunaux correctionnels pour connaître des délits douaniers s'applique en harmonie avec les dispositions particulières du même Code ; les articles 326 et 341 bis-2 insérés au chapitre 1er du même titre relatif aux saisies opérées par les agents de l'administration des Douanes avant l'ouverture de la procédure pénale attribuent compétence pour statuer sur la restitution du moyen de transport saisi au cours de ces opérations au juge d'instance du lieu de la saisie ; c'est donc à bon droit qu'une cour d'appel, dès lors que le propriétaire du navire n'a pas été mis en cause dans la procédure pénale, confirme la décision du juge d'instance retenant sa compétence.

2° DOUANES - Saisie - Moyens de transport - Mainlevée - Demande du propriétaire de bonne foi - Procédure pénale pouvant aboutir à la confiscation - Sursis à statuer (non).

2° PROCEDURE CIVILE - Le criminel tient le civil en l'état - Saisie conservatoire - Douanes - Demande en revendication du propriétaire de bonne foi - Confiscation pouvant être prononcée dans une procédure pénale - Sursis à statuer (non).

2° L'article 326, alinéa 3, du Code des douanes permet dans les conditions qu'il fixe, au propriétaire de bonne foi du moyen de transport, saisi comme ayant servi à commettre la fraude, d'en obtenir mainlevée sans caution ni consignation même lorsque la juridiction répressive en a prononcé la confiscation. Il s'ensuit que la procédure pénale dans laquelle cette confiscation peut être prononcée n'est pas susceptible d'avoir une influence sur la décision civile à intervenir sur la demande en revendication.

3° DOUANES - Saisie - Régularité - Conditions - Constatation d'une infraction douanière - Procès-verbal de saisie faisant suite à un précédent procès-verbal - Procès-verbaux formant un tout.

3° DOUANES - Mesures conservatoires - Titre - Procès-verbal - Infraction douanière - Procès-verbal de saisie faisant suite à un précédent procès-verbal - Procès-verbaux formant un tout.

3° La saisie des objets passibles de confiscation douanière n'est pas limitée au cas de flagrance de l'infraction. Est régulière, au sens de l'article 323 du Code des douanes, la saisie d'un navire transportant du moût de raisin immédiatement après l'établissement d'un procès-verbal de constatation d'infraction douanière, dès lors que les juges du fond retiennent que la constatation de l'ensemble des éléments constitutifs du délit ne résultait pas seulement d'un premier procès-verbal établi 8 jours auparavant, mais s'était poursuivie à bord du navire et décident sans contradiction et à bon droit que les deux procès-verbaux formaient un tout.

4° DOUANES - Saisie - Moyens de transport - Responsabilité de l'Administration - Saisie dépourvue de fondement - Bonne foi du propriétaire - Assimilation (non).

4° La bonne foi du propriétaire du moyen de transport de la marchandise de fraude ne prive pas la saisie de fondement. Ayant retenu que la saisie du navire était à la fois régulière et justifiée, ce dont il résultait que l'administration des Douanes n'avait pas commis de faute en la pratiquant, la cour d'appel a écarté à bon droit comme inapplicables en la cause les dispositions de l'article 402 du Code des douanes.

5° CASSATION - Moyen - Moyen contraire aux conclusions prises devant les juges du fond.

5° DOUANES - Procédure - Frais et dépens - Condamnation - Impossibilité - Administration ayant demandé la condamnation de l'adversaire - Portée.

5° Ayant été condamnée à payer la moitié des dépens, l'administration des Douanes n'est cependant pas recevable à invoquer devant la Cour de Cassation un moyen tiré de la violation de l'article 367 du Code des douanes contraire à celui qu'elle a soutenu devant les juges du fond, en demandant la condamnation des parties adverses aux dépens.


Références :

Code des douanes 323
Code des douanes 326 al. 3
Code des douanes 326, 341-bis 2 chapitre I
Code des douanes 357, titre XII, chapitre III
Code des douanes 367
Code des douanes 402

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 avril 1988

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1987-12-15 , Bulletin 1987, IV, n° 272 (2), p. 203 (cassation). (5°). Chambre commerciale, 1989-11-07 , Bulletin 1989, IV, n° 270 (1), p. 183 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 09 avr. 1991, pourvoi n°89-16259;89-17555, Bull. civ. 1991 IV N° 125 p. 89
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1991 IV N° 125 p. 89
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Composition du Tribunal
Président : Président :M. Defontaine
Avocat général : Avocat général :M. Curti
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Hatoux
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, M. Delvolvé, la SCP Vier et Barthélemy.

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 09/04/1991
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 89-16259;89-17555
Numéro NOR : JURITEXT000007026456 ?
Numéro d'affaires : 89-16259, 89-17555
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1991-04-09;89.16259 ?
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