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Sur les trois moyens réunis, le deuxième, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 mars 1989), que M. X..., qui avait conclu avec la Coopérative agricole des producteurs de la région de Montfort (la CAPREM), aux droits de laquelle se trouve la Coopérative agricole de Vitré (la coopérative), un contrat de production et de livraison de porcs charcutiers, a été mis en redressement judiciaire le 17 juillet 1986 puis en liquidation judiciaire le 30 septembre 1986 et autorisé à continuer son activité jusqu'au 30 novembre 1986 ; que la coopérative a déclaré au passif une créance de 17 908,67 francs au titre de livraisons d'aliments antérieures au jugement d'ouverture ; que dans le cadre de la poursuite d'activité, la coopérative a encore fourni des aliments pour un montant de 151 807,35 francs et que le débiteur lui a livré, en octobre et novembre 1986, des porcs charcutiers pour un prix total de 322 082,66 francs ; qu'assignée en paiement par le liquidateur, la coopérative a soutenu que la somme ainsi réclamée devait se compenser avec celles dont elle était elle-même créancière tant pour la période antérieure à l'ouverture du redressement judiciaire que pour la période postérieure ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de la coopérative tendant à la compensation alors, selon le pourvoi, d'une part, que là où la loi ne distingue pas, il n'y a pas matière à distinction ; qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture et ce, quelle que soit la date de leur exigibilité ; qu'en se fondant sur une prétendue compensation judiciaire pour décider le contraire, la cour d'appel viole par refus d'application l'article 33 précité, par fausse application l'article 1289 du Code civil, ensemble le principe de l'égalité des créanciers chirographaires tel qu'il résulte de la lettre et de l'esprit de la loi du 25 janvier 1985, alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont payées à leur échéance lorsque l'activité est poursuivie, étant observé qu'en cas de liquidation, lesdites créances sont payées par priorité à toutes les autres, assorties ou non de privilèges ou sûretés, leur paiement se faisant dans un ordre établi par l'article 40 ; qu'en estimant qu'il y avait matière à compensation s'agissant des créances nées postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire et avant le prononcé de la liquidation, passant ainsi outre aux impératifs de l'article 40, la cour d'appel viole ce texte par refus d'application ; alors, encore, qu'en retenant que l'administrateur judiciaire avait admis dans un courrier adressé le 22 juillet 1986 à la coopérative le principe de la compensation, quand la prise de position de l'administrateur était sans emport au regard de la règle d'ordre public édictée par l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a, derechef, violé ce texte et alors, enfin, que dans ses écritures d'appel, M. Y..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M. X..., s'était attaché à démontrer que le contrat
de production de porcs charcutiers en date du 11 mai 1982, ne prévoyait au titre des obligations réciproques des parties, que l'engraissement de porcs et l'apport de cette production par M. X..., à charge pour la coopérative de la vendre et qu'à aucun moment il n'a été stipulé à l'endroit de l'éleveur l'achat d'aliments auprès de la CAPREM, puisqu'il résulte du contrat liant celui-là à celle-ci, comme le rappelle la cour d'appel elle-même, que " le sociétaire pourra utiliser l'aliment de son choix présentant une bonne garantie " ; qu'ainsi on était en présence de contrats différents et non d'un même contrat, si bien que la cour d'appel ne pouvait admettre la compensation recherchée que pour les factures de livraison de porcs à M. X... par la CAPREM, soit pour un montant de 6 820,60 francs correspondant au solde de bande de porcs du 31 janvier 1986 au 18 juin 1986, ainsi que pour la bande de porcs en cours à la date du jugement de redressement judiciaire, soit 134 505,18 francs, soit au total 141 325,78 francs, le solde de la créance de la CAPREM correspondant à des factures d'aliments qui ne découlent pas du contrat liant la coopérative à M. X..., mais de contrats d'achat autonomes effectués par ce dernier en fonction de ses besoins ne pouvant constituer un des termes d'une compensation ; qu'en ne répondant pas de façon expresse à ce moyen, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en tout état de cause, en ne s'expliquant pas sur la circonstance qu'on était en présence de contrats distincts, ce qui était antinomique avec une connexité au sens technique du terme, la cour d'appel prive son arrêt de base légale au regard des articles 1289 du Code civil, 33 et 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que M. X... avait choisi de s'approvisionner en aliments pour animaux auprès de la coopérative pour l'exécution du contrat de production de porcs charcutiers fonctionnant entre eux, faisant par là même apparaître que les deux conventions étaient liées entre elles et répondant ainsi, en les écartant, aux conclusions invoquées, et ayant retenu l'existence d'un lien de connexité entre la créance de M. X... au titre des livraisons d'animaux effectuées après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire et la créance de la coopérative au titre de ses livraisons d'aliments antérieures à cette décision, la cour d'appel a décidé à bon droit que la compensation devait opérer entre ces deux sommes qui étaient l'une et l'autre exigibles ;
Attendu, en second lieu, que les dispositions légales prévoyant un ordre de paiement entre les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective ne pouvaient mettre obstacle au jeu de la compensation entre les sommes, non sujettes à discussion quant à leur exigibilité et à leur montant, dont M. X... et la coopérative étaient débiteurs l'un envers l'autre au titre des livraisons réciproques d'animaux et d'aliments qui avaient eu lieu durant la poursuite d'activité ; que dès lors, abstraction faite du motif inopérant relatif à la prise de position de l'administrateur, la décision de la cour d'appel se trouve légalement justifiée ;
D'où il suit qu'aucun des moyens ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi