LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Daniel Y..., demeurant ... (Ille-et-Vilaine),
en cassation d'un arrêt rendu le 13 juin 1989 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre, section A), au profit de M. Pierre X..., demeurant 8, domaine de la Pierre sauteuse à Neauphle-le-Château (Yvelines),
défendeur à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 janvier 1991, où étaient présents :
M. Defontaine, président, M. Grimaldi, rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Grimaldi, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de M. Y..., de Me Capron, avocat de M. X..., les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 juin 1989), que, par acte sous seing privé du 23 mai 1984, M. X..., représentant pour le compte de la société Corail, a cédé une partie de sa clientèle à M. Y... ; que l'acte prévoyait le versement, échelonné sur deux ans à compter du 15 avril 1985, d'une indemnité de 175 000 francs ; que les échéances n'ayant pas été réglées, M. X... assigna M. Y... en paiement ; que celui-ci s'opposa à la demande, au motif que la somme de 175 000 francs avait déjà été versée à concurrence de 100 000 et 75 000 francs, respectivement les 15 mai et 29 août 1984, et sollicita reconventionnellement la résolution de la cession pour dol et violation de la clause de non-concurrence ; Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande principale de M. X..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que toute allégation contraire aux énonciations d'un écrit ne peut être prouvée que par un écrit ; qu'en l'espèce, l'arrêt a lui-même constaté que la convention du 23 mai 1984, seul acte écrit passé entre les parties, fixait l'indemnité de secteur à la somme de 175 000 francs ; qu'en considérant néanmoins, au vu "du contexte et des pourparlers", que l'indemnité de secteur avait été conçue comme un complément du prix de 175 000 francs payé comptant, la cour d'appel, en l'absence de tout commencement de preuve par écrit, a admis la possibilité de
faire la preuve par présomption d'une allégation contraire à celle de l'acte écrit conclu entre les parties et a violé ce faisant l'article 1341 du Code civil ; alors, d'autre part, que, dans les obligations à terme, le terme est présumé stipulé en faveur du débiteur ; qu'ainsi, ce dernier peut renoncer au bénéfice du terme ; qu'il en est notamment ainsi lorsque le contrat n'a pas prévu le versement d'intérêts en faveur du créancier ; qu'en espèce, il était donc loisible à M. Y... de s'acquitter du versement du prix de la cession sans
attendre l'échéance prévue par le plan de financement ; qu'en déduisant néanmoins de ce règlement anticipé que le prix stipulé à l'acte ne pouvait être que le complément du prix payé comptant, l'arrêt a violé les articles 1186 et 1187 du Code civil ; et alors, enfin, qu'il résulte des conclusions de M. Y... que ce dernier avait fondé son action en résolution du contrat, non sur le caractère fallacieux du prix de cession, mais sur la surévaluation du chiffre d'affaires du secteur annoncé par le cédant et dont le montant surestimé avait déterminé son consentement ; qu'en considérant que la demande en résolution pour prix de cession excessif constituait l'aveu que le prix dû était bien de 350 000 francs, l'arrêt a dénaturé les conclusions et violé l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu qu'après avoir relevé l'ambiguïté de la clause relative au montant de l'indemnité de cession, ambiguïté née du rapprochement de l'acte du 23 mai 1984, prévoyant le versement échelonné d'une somme de 175 000 francs, avec le chèque accepté de M. Y... du 15 mai 1984, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu, par une décision motivée, que la somme de 175 000 francs à verser entre le 15 avril 1985 et le 15 avril 1987 constituait un solde s'ajoutant aux sommes déjà versées ou à verser immédiatement après la conclusion du contrat ; qu'ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel n'a ni retenu un mode de preuve irrecevable contre un écrit, ni méconnu la liberté du débiteur de renoncer au bénéfice du terme ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que M. Y... reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande reconventionnelle, alors, selon le pourvoi, que le prix de la cession doit être déterminé à la date de la levée de l'option, qui est celle de la formation du contrat ; qu'en écartant néanmoins l'existence d'un dol du fait que les renseignements fournis par le cédant étaient exacts aux dates de publication de l'offre de cession, soit fin 1983 et début 1984, quand seule importait l'exactitude des éléments fournis le 23 mai 1984, date de réalisation de la cession, l'arrêt n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 1116 et 1134 du Code civil ;
alors, d'autre part, que le représentant cédant doit informer son cessionnaire des résultats recueillis par lui dans le secteur au cours de l'année précédant la cession ; qu'en considérant que le silence du cédant, détenteur des doubles de commandes afférant à la période d'activité précitée et tenu comme tel d'une obligation de renseignement, n'était pas pour autant constitutif d'une réticence dolosive, l'arrêt a violé l'article 1116 du Code civil ; alors, ensuite que, dans ses conclusions d'appel, M. Y... faisait valoir que M. X... l'avait trompé en garantissant une livraison de 90 % des ordres par la société Corail, chiffre qui n'avait jamais été atteint ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen susceptible là encore d'établir le caractère erroné des informations fournies par le cédant, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'il résulte de l'attestation du 10 février 1987 établie par une commerçante d'Alençon, que cette dernière avait reçu la visite de M. X... pour le compte d'une société concurrente après la cession intervenue au profit de M. Y... ; qu'en considérant néanmoins qu'en l'absence de date, la preuve de l'immixtion de M. X... dans son ancien secteur d'activité n'était pas rapportée, l'arrêt a dénaturé le sens et la portée de l'attestation précitée et violé l'article 1134 du Code civil ; Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que les renseignements contenus dans l'offre de cession de M. X... à la fin de l'année 1983 et au début de l'année 1984 étaient exacts, l'arrêt retient que, "pour obtenir la communication des résultats les plus récents, il aurait suffi au futur cessionnaire d'exiger du cédant tous justificatifs utiles ou de s'informer auprès de la société Corail, sous l'égide de laquelle fut conclue la convention du 23 mai 1984" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résultait exactement que c'était à M. Y..., professionnel de la même spécialité, qu'il incombait de se renseigner, soit auprès de M. X..., soit auprès de la société Corail, la cour d'appel a pu décider que la réticence de M. X..., lors de la levée de l'option, n'était pas dolosive ; Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve versés aux débats que la cour d'appel a retenu, répondant ainsi aux conclusions invoquées, que M. X... avait déclaré que la société Corail avait jusqu'alors livré 80 % des commandes et a estimé, hors toute dénaturation, non établie la violation de la clause de non-concurrence ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;