CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 12e chambre, en date du 17 octobre 1989, qui l'a condamné, pour usage d'attestation mensongère, à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 6 000 francs d'amende et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 161, alinéa 4, du Code pénal, 205 du nouveau Code de procédure civile, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'usage de fausses attestations ;
" aux motifs que les attestations remises par les coïnculpés du demandeur contiennent l'énoncé de faits matériellement inexacts et ne sont pas purement subjectives ; quant au témoignage de l'enfant du coupable, en faveur de la mère, il est parfaitement recevable dans le cadre d'une procédure pénale distincte de la procédure de divorce, l'article 205 du nouveau Code de procédure civile n'étant applicable qu'à cette dernière procédure de nature civile ;
" alors que, d'une part, la fausse attestation suppose que celle-ci fasse état de faits matériellement inexacts ; que tel n'est pas le cas d'attestations portant sur des impressions ; qu'en l'espèce, les auteurs des attestations litigieuses se sont bornés à affirmer que Mme X... a " un caractère dur et autoritaire " et qu'elle est " dépensière " ; qu'il s'agit là, non de faits matériels précis, en l'absence de toute indication dans le temps, mais d'une interprétation, purement subjective, d'impressions ; que, par suite, l'usage de fausses attestations n'est pas caractérisé ;
" alors, d'autre part, que l'interdiction de témoigner des descendants concerne les procédures en divorce et les griefs invoqués par les époux à l'appui de ces demandes ; que cette interdiction vise les déclarations directes comme les déclarations indirectes ; que, par suite, le témoignage des enfants X..., destiné à combattre les attestations du mari, ne pouvait être retenu dans une instance connexe à celle de la procédure en divorce et qui en découlait nécessairement ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 205 du nouveau Code de procédure civile " ;
Le moyen étant pris en sa seconde branche ;
Vu les articles cités, ensemble l'article 427 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon l'article 427 du Code de procédure pénale, la preuve est libre en matière répressive hors les cas où la loi en dispose autrement ; qu'il en est ainsi de l'interdiction du témoignage des descendants sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce ou en séparation de corps ; que cette prohibition énoncée à l'article 205 du nouveau Code de procédure civile n'est que l'expression d'un principe fondamental inspiré par un souci de décence et de protection des intérêts moraux de la famille, dont l'application ne saurait être limitée à la procédure civile ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Y... a porté plainte contre les auteurs de diverses attestations qu'elle prétendait mensongères et contre son mari X... qui les avait produites dans l'instance en divorce pendante entre eux ; qu'au cours de l'information ouverte sur ces faits, les enfants des époux X... ont été entendus par les officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire et ont déposé sur les griefs formulés par leur père contre leur mère et dont les attestations incriminées corroboraient la réalité ;
Attendu que pour rejeter les conclusions de X..., prévenu d'usage d'attestations mensongères, invoquant les dispositions de l'article 205, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel énonce " que les témoignages des enfants du couple en faveur de leur mère sont parfaitement recevables dans le cadre de la procédure pénale distincte de la procédure de divorce et que l'article précité n'est applicable qu'à cette dernière procédure " ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte et alors qu'en l'espèce les descendants entendus en témoignage n'étaient pas personnellement victimes des faits sur lesquels ils déposaient, la cour d'appel qui a fondé sa conviction sur des éléments de preuve procédant de l'inobservation de la règle de droit sus-énoncée, n'a pas donné une base légale à sa décision ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, du 17 octobre 1989, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.