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29/01/1991 | FRANCE | N°89-12139

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 janvier 1991, 89-12139


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Attendu que la société La Brocherie, qui exploite une discothèque, a, pour la période du 1er octobre 1977 au 30 septembre 1978, conclu avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) un contrat général de représentation, mais n'a pas intégralement payé les redevances convenues ; qu'après l'expiration de ce contrat elle a poursuivi sans l'autorisation de la SACEM la diffusion d'oeuvres musicales appartenant au répertoire de cette société et des sociétés d'auteurs étrangères qu'elle représente en France ; que l'arrêt attaqué (Rouen, 20 dé

cembre 1988) a fixé la créance de la SACEM en évaluant les dommages-intérêts ...

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Attendu que la société La Brocherie, qui exploite une discothèque, a, pour la période du 1er octobre 1977 au 30 septembre 1978, conclu avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) un contrat général de représentation, mais n'a pas intégralement payé les redevances convenues ; qu'après l'expiration de ce contrat elle a poursuivi sans l'autorisation de la SACEM la diffusion d'oeuvres musicales appartenant au répertoire de cette société et des sociétés d'auteurs étrangères qu'elle représente en France ; que l'arrêt attaqué (Rouen, 20 décembre 1988) a fixé la créance de la SACEM en évaluant les dommages-intérêts dus par la société La Brocherie à la somme dont elle serait débitrice si elle avait conclu un nouveau contrat général de représentation ;

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Sur le second moyen, pris en sa première branche : (sans intérêt) ;

Sur les deuxième et troisième branches du moyen :

Attendu que la société La Brocherie, pour soutenir la nullité des contrats proposés par la SACEM, invoque dans les termes suivants les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes qui ont interprété l'article 86 du traité de Rome : " Que l'article 86 du traité de Rome doit être interprété en ce sens qu'une société nationale de gestion de droits d'auteurs se trouvant en position dominante sur une partie substantielle du Marché commun impose des conditions de transaction non équitables, lorsque les redevances qu'elle applique aux discothèques sont sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres États membres ; que le fait, pour une société, de pratiquer des tarifs nettement plus élevés que les sociétés de droits d'auteurs étrangers est une présomption d'abus de puissance dominante, lorsque la société de droits d'auteurs n'est pas en mesure de justifier d'une telle différence en se fondant sur des divergences objectives et pertinentes entre la gestion des droits d'auteurs dans l'État membre concerné et celle dans les autres États membres, les traditions différentes concernant la protection des droits d'auteur ne pouvant constituer un élément d'appréciation objectif et pertinent non plus que les frais de recouvrement des redevances, qu'en particulier, lorsqu'elles sont le fruit de l'absence de concurrence ; qu'en l'espèce actuelle, en décidant que le fait que les redevances exigées par la SACEM soient très supérieures à celles exigées par les sociétés d'auteurs étrangers, ne permet pas de faire regarder comme non équitable le niveau de rémunération exigée par la SACEM, la légitime protection des droits d'auteurs justifiant que la SACEM cherche à obtenir pour les auteurs une rémunération aussi élevée qu'il est possible, et que les traditions différentes d'autres États membres concernant les droits d'auteurs peuvent conduire à apprécier différemment le point d'équilibre entre ces droits et les intérêts des exploitants et que le recouvrement des redevances entraîne d'inévitables frais pour l'organisme qui en a la charge, sans rechercher si la société des droits d'auteurs justifiait de différentes objectives et pertinentes quant à la gestion des droits d'auteurs, et si les frais plus élevés de perception n'étaient pas précisément dus à l'absence de

concurrence, la cour d'appel a violé l'article 86 du traité de Rome ; alors, d'autre part, que lorsqu'une société de droits d'auteurs a des frais de fonctionnement plus élevés que ceux des sociétés homologues et que la proportion du produit des redevances affectée aux frais de perception, d'administration et de répartition plutôt qu'aux titulaires des droits d'auteurs y est considérablement plus élevée que dans les autres états membres, il n'est pas exclu que ce soit précisément le manque de concurrence qui permet d'expliquer la lourdeur de l'appareil administratif de telle sorte que les arguments tirés de l'importance des frais de perception ne constituent pas des faits justificatifs pertinents susceptibles de justifier la perception de redevances sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres États membres ; que les exploitants d'une discothèque peuvent se prévaloir de ce que la part des redevances distribuées aux auteurs par une société de gestion de droits d'auteurs d'un État membre est inférieure à celle pratiquée par les sociétés de droits d'auteurs des autres États membres contre l'irrecevabilité du moyen puisse lui être opposé ; en décidant le contraire la cour d'appel a violé l'article 86 du traité instituant la CEE et l'article 31 du nouveau Code de procédure civile " ;

Mais attendu qu'il résulte également de ces décisions de la Cour européenne que l'obligation qui pourrait ainsi peser sur la SACEM de justifier l'importance des redevances qu'elle réclame aux discothèques suppose que les contrefacteurs aient préalablement démontré que ces redevances sont sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres États membres du Marché commun, cette différence ne pouvant constituer l'indice d'un abus de position dominante que dans la mesure où la comparaison des niveaux des tarifs aurait été effectuée sur une base homogène ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société La Brocherie ne fondait pas ses allégations sur une étude comparative répondant aux exigences susvisées et qui seule pourrait faire apparaître l'illicéité des contrats proposés par la SACEM ; d'où il suit que la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 89-12139
Date de la décision : 29/01/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits d'auteur - Perception par la SACEM - Contrat de représentation avec l'exploitant d'une discothèque - Nullité - Nullité pour abus de position dominante - Tarif - Tarif inéquitable - Eléments d'appréciation

COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Libre concurrence - Articles 85 et 86 du traité de Rome - Article 86 - Abus de position dominante - Droits d'auteur - Perception par la SACEM - Tarif inéquitable - Eléments d'appréciation

Il résulte des décisions de la Cour de justice des Communautés européennes que l'obligation qui pourrait peser sur la SACEM de justifier l'importance des redevances qu'elle réclame aux discothèques, suppose que les contrefacteurs aient préalablement démontré que ces redevances sont sensiblement plus élevées que celles pratiquées dans les autres Etats membres du Marché commun, cette différence ne pouvant constituer l'indice d'un abus de position dominante que dans la mesure où la comparaison des niveaux de tarifs aurait été effectuée sur une base homogène.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 20 décembre 1988

A RAPPROCHER : Chambre civile 1, 1989-11-08 , Bulletin 1989, I, n° 343, p. 231 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 29 jan. 1991, pourvoi n°89-12139, Bull. civ. 1991 I N° 37 p. 22
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1991 I N° 37 p. 22

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Jouhaud
Avocat général : Avocat général :M. Sadon
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Grégoire
Avocat(s) : Avocats :M. Ryziger, la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:89.12139
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