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23/10/1990 | FRANCE | N°88-20299;89-11529

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 octobre 1990, 88-20299 et suivant


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Joint le pourvoi n° 88-20.299 formé par la société Contralco et par M. Y... et le pourvoi n° 89-ll.529 formé par l'Association française des automobiles-clubs qui attaquent le même arrêt ;

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 1988), la société Dragerwerk, titulaire de la marque Alcotest déposée en République fédérale d'Allemagne en 1953, qui avait effectué le ler mai 1961 un dépôt international valable pour la France pour désigner des " produits chimiques pour l'industrie et les sciences, tubes réactifs, appareils de chimie, appareils de

mesure et de contrôle, appareils et instruments de sauvetage médicaux " des classe...

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Joint le pourvoi n° 88-20.299 formé par la société Contralco et par M. Y... et le pourvoi n° 89-ll.529 formé par l'Association française des automobiles-clubs qui attaquent le même arrêt ;

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 1988), la société Dragerwerk, titulaire de la marque Alcotest déposée en République fédérale d'Allemagne en 1953, qui avait effectué le ler mai 1961 un dépôt international valable pour la France pour désigner des " produits chimiques pour l'industrie et les sciences, tubes réactifs, appareils de chimie, appareils de mesure et de contrôle, appareils et instruments de sauvetage médicaux " des classes 1, 9 et 10, a demandé, à la suite de constats effectués les ler et 7 juillet 1987, la condamnation pour contrefaçon de la société Contralco, de M. Y... et de l'Association française des automobiles-clubs ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches du pourvoi de l'Association française des automobiles-clubs :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré que l'emploi du terme " Alcootest " constituait la contrefaçon de la marque Alcotest et d'avoir prononcé diverses condamnations contre l'Association française des automobiles-clubs, alors que, selon le pourvoi, d'une part, le caractère absolu du droit de marque ne peut conduire à interdire le droit d'employer un mot lorsqu'il est devenu générique ; qu'en interdisant l'emploi du terme " Alcootest " tout en constatant qu'il était devenu générique, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 ; et alors que, d'autre part, le renouvellement d'une marque n'est pas une simple prorogation du dépôt antérieur, mais un nouveau dépôt ; que les conditions de protection doivent de nouveau s'apprécier lors de ce nouveau dépôt ; qu'en accordant protection à la marque après son renouvellement en l981 tout en constatant qu'à cette époque le terme déposé était devenu générique, la cour d'appel a violé les articles 3 et 9 de la loi du 31 décembre 1964 ;

Mais attendu qu'après avoir à juste titre apprécié à la date du premier usage comme marque avant la loi du 31 décembre 1964 le caractère générique de l'appellation Alcotest et avoir constaté que le renouvellement avait été effectué le ler mai 1981, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si à cette seconde date l'appellation avait un caractère générique, a, par l'exacte application de ce texte, décidé que la marque avait conservé sa validité ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi de l'Association française des automobiles-clubs :

Attendu qu'il est aussi fait grief à l'arrêt d'avoir refusé d'annuler pour descriptivité la marque Alcotest alors, selon le pourvoi, qu'en exigeant qu'un terme soit " essentiellement " descriptif pour qu'il ne puisse servir de marque, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qui n'y figure pas et violé l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que l'union des deux termes évoquant l'un l'épreuve, l'autre l'alcool ne compose pas un ensemble verbal suffisamment précis pour indiquer que l'épreuve dont s'agit est subie par l'être humain et encore moins pour faire comprendre qu'elle tend à renseigner sur l'imprégnation alcoolique du sujet et que le néologisme forgé par la société Dragerwerk n'avait pris la signification invoquée que par suite d'un glissement sémantique et qu'Alcotest n'était nullement nécessaire à la désignation de la technique et du dispositif en cause ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision du chef critiqué ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches du pourvoi de la société Contralco et de M. Y..., et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches du pourvoi de l'Association française des automobiles-clubs :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de prononcer la nullité de la partie française de la marque Alcotest déposée le ler mai 1961 et d'avoir condamné la société Contralco pour contrefaçon aux motifs, selon le pourvoi, qu'on trouve dans les rapports Guiguet et Monod la preuve d'une commercialisation importante de l'Alcotest en l958, 1959 et la confirmation de l'action menée par Drager en France pour proposer son appareil aux pouvoirs publics et enlever des marchés importants, qu'ainsi, réparant sa carence de première instance, la société Dragerwerk établit qu'à compter de l957 sinon avant, elle a fait du signe litigieux un usage créateur du droit sur la marque, alors, d'une part, qu'en déduisant l'existence d'un usage créateur de droit de la seule commercialisation du produit par l'agent exclusif en France de la société allemande, sans rechercher ni établir concrètement que cet usage avait été fait à titre de marque et qu'il avait été public et constant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de la loi du 23 juin 1857 applicable en l'espèce, et alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, omettre de répondre au chef des conclusions qui faisait valoir que l'expérimentation de l'inhalateur Drager dans le Finistère, relatée dans les rapports Guiguet et Monod, ne pouvait être assimilée à un usage public et constant dès lors qu'elle n'avait duré que deux mois et demi, du ler septembre au 15 novembre 1959 ;

Mais attendu que par une appréciation souveraine des éléments de preuve fournis par des docteurs Godard et Tara et par les Etablissements Jean X..., agents exclusifs pour la France de la société Dragerwerk, la cour d'appel a retenu que " dans les dernières années l950 " cette société avait offert à la vente en France son Alcotest dans " des conditions de continuité " ; que par cette seule constatation, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions devenues ainsi inopérantes, a justifié sa décision quant à l'usage de la dénomination Alcotest à titre de marque antérieurement au ler mai 1961 ; d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi de la société Contralco et de M. Y... et sur le quatrième moyen du pourvoi de l'Association française des automobiles-clubs : (sans intérêt) ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches du pourvoi de la société Contralco et de M. Y... et sur le cinquième moyen, pris en ses trois branches du pourvoi de l'Association française des automobiles-clubs :

Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de prononcer la nullité de la partie française de la marque Alcotest déposée le ler mai 1961 et d'avoir condamné la société Contralco pour contrefaçon alors, selon le pourvoi, d'une part, que la marque déposée par la société Dragerwerk pour des " tubes réactifs, appareils de chimie, appareils de mesure et de contrôle, appareils et instruments de sauvetage médicaux, produits chimiques pour l'industrie et les sciences ", ne fait nullement état de l'utilisation spécifique de cette marque pour l'usage précis de renseignement sur l'imprégnation alcoolique de l'être humain, de sorte que la cour d'appel devait apprécier le caractère descriptif de la marque invoquée en fonction de l'ensemble des produits ou services couverts par le dépôt et non pas par référence au seul usage précis correspondant au sens que le mot a pris dans le langage courant ; que dès lors la cour d'appel a violé l'article ler de la loi du 23 juin 1857 en affirmant que les deux éléments réunis pour composer le néologisme étaient insuffisamment précis pour donner à la marque un caractère descriptif excluant la possibilité de la protéger comme telle, alors, d'autre part, que la cour d'appel s'est contredite en refusant de considérer comme descriptive l'association des racines " alcool " et " test ", tout en admettant que cette association, construite sur le modèle de bien d'autres mots d'usage courant comportant la désinence " test ", présenterait un caractère descriptif dans le mot " éthylotest " tandis que les deux mots sont construits de manière tout à fait identique à partir de racines tirées de vocables d'usage courant, susceptibles l'un et l'autre de donner au mot dérivé le même caractère descriptif ; qu'ainsi, par contradiction de motifs, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors enfin, que les faits reprochés à la société Contralco sont postérieurs à la promulgation de la loi du 9 juillet 1970 dont l'article 6 est toujours en vigueur de sorte que l'autorité de la loi interdit de reprocher à un fabricant d'utiliser pour la désignation du matériel qu'il commercialise un mot dans la graphie exacte (alcootest) où l'emploie le législateur lui-même pour désigner et qualifier tous les appareils

de ce genre utilisés pour le dépistage d'un taux d'alcoolémie supérieur au taux légal, dès lors qu'il n'est pas constaté par l'arrêt et qu'il n'a d'ailleurs pas même été prétendu que Contralco ait utilisé ce vocable comme marque, mais seulement comme terme générique ainsi que le fait la loi elle-même ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'était saisie que d'une action en contrefaçon par utilisation du terme " Alcootest " pour désigner des appareils permettant la vérification de l'imprégnation alcoolique d'un être humain ; qu'en conséquence, après avoir examiné le caractère descriptif de l'appellation Alcotest à juste titre seulement par rapport à un tel appareil, la cour d'appel, hors toute contradiction, par une appréciation souveraine, a retenu que le néologisme forgé par la société Dragerwerk n'était pas " essentiellement descriptif " ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a constaté que l'utilisation du mot Alcotest dans une unique loi n'était nullement nécessaire à la désignation du produit en cause et que la société Contralco avait apposé sur ses appareils " l'appellation Alcootest ", reproduction visuellement quasi servile et phonétiquement servile de la marque Alcotest ;

D'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 88-20299;89-11529
Date de la décision : 23/10/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° MARQUE DE FABRIQUE - Dépôt - Dépôt antérieur à la loi du 31 décembre 1964 - Renouvellement - Dénomination générique - Date d'appréciation - Date du premier usage.

1° MARQUE DE FABRIQUE - Objet - Marque Alcotest 1° MARQUE DE FABRIQUE - Dépôt - Renouvellement - Portée 1° MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Conditions - Caractère de fantaisie et d'originalité - Dénomination générique (non) - Date d'appréciation - Date du premier usage - Dépôt antérieur à la loi du 31 décembre 1964.

1° Fait une exacte application de la loi du 31 décembre 1964, la cour d'appel qui, après avoir à juste titre apprécié à la date du premier usage comme marque avant cette loi le caractère générique de l'appellation Alcotest, avoir constaté que le renouvellement avait été effectué le 1er mai 1981, et qui n'avait pas à rechercher si à cette dernière date l'appellation avait un caractère générique, a décidé que la marque avait conservé sa validité.

2° MARQUE DE FABRIQUE - Marque internationale - Nullité - Marque descriptive - Union de deux termes ne composant pas un ensemble verbal précis (non).

2° MARQUE DE FABRIQUE - Protection - Conditions - Caractère de fantaisie et d'originalité - Union de deux termes ne composant pas un ensemble verbal précis.

2° Justifie légalement sa décision la cour d'appel qui pour refuser d'annuler pour descriptivité la marque Alcotest retient que l'union de deux termes évoquant, l'un l'épreuve, l'autre l'alcool ne compose pas un ensemble verbal suffisamment précis pour indiquer l'épreuve dont s'agit, et encore moins pour renseigner sur l'état d'imprégnation alcoolique d'un être humain et que le néologisme forgé par la société allemande n'est pas essentiellement descriptif et n'a pris la signification invoquée que par suite d'un glissement sémantique.

3° MARQUE DE FABRIQUE - Propriété - Usage - Preuve - Appréciation souveraine.

3° PREUVE (règles générales) - Pouvoirs des juges - Eléments de preuve - Appréciation souveraine.

3° C'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve fournis par deux médecins et par les agents exclusifs pour la France de la société allemande qu'une cour d'appel retient que " dans les dernières années 1950 " la société avait offert à la vente en France son Alcotest dans " des conditions de continuité " et justifie sa décision quant à l'usage de la dénomination Alcotest à titre de marque antérieurement au 1er mai 1961.

4° MARQUE DE FABRIQUE - Atteintes portées à la marque - Contrefaçon - Reproduction visuellement quasi servile et phonétiquement servile de la marque.

4° C'est hors toute contradiction et par une appréciation souveraine qu'une cour d'appel retient que le néologisme formé par la société allemande n'était pas " essentiellement descriptif ", alors que n'étant saisie que d'une action en contrefaçon par utilisation du terme Alcotest pour désigner des appareils permettant la vérification de l'imprégnation alcoolique d'un être humain, elle n'a en conséquence examiné le caractère descriptif de l'appellation Alcotest à juste titre que par rapport à un tel appareil, qu'ayant constaté que l'utilisation du mot Alcotest dans une unique loi n'était nullement nécessaire à la désignation du produit en cause, elle a relevé que la société française avait apposé sur ses appareils l'appellation Alcootest reproduction visuellement quasi servile et phonétiquement servile de la marque Alcotest.


Références :

Loi 64-1360 du 31 décembre 1964

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 08 décembre 1988

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1987-02-24 , Bulletin 1987, IV, n° 52, p. 57 (rejet). (3°). Chambre commerciale, 1980-12-09 , Bulletin 1980, IV, n° 418 (3), p. 335.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 oct. 1990, pourvoi n°88-20299;89-11529, Bull. civ. 1990 IV N° 250 p. 173
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1990 IV N° 250 p. 173

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Defontaine
Avocat général : Avocat général :M. Raynaud
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Le Tallec
Avocat(s) : Avocats :la SCP Lesourd et Baudin, M. Copper-Royer, la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:88.20299
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