AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf octobre mil neuf cent quatre vingt dix, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DUMONT, les observations de Me DELVOLVE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
X... Eric,
contre l'arrêt n° 734 de la cour d'appel de LYON (4ème chambre), en date du 24 novembre 1989, qui, pour infraction aux dispositions de l'article L. 221-17 du Code du travail, l'a condamné à une amende de 100 francs et à des réparations civiles ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 221-17 et R. 262-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, du principe selon lequel la charge de la preuve incombe d à la partie poursuivante, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Eric X... coupable d'infraction à un arrêté du préfet de la Loire du 6 octobre 1986 pour avoir ouvert un magasin de meubles le dimanche ;
"aux motifs que le préfet s'était fondé sur l'opinion majoritaire qui s'était exprimée dans une séance de travail en date du 11 juin 1986 à laquelle participaient les représentants de trois organisations syndicales d'employés, de dix organisations syndicales du commerce de meubles, des chambres de commerce et d'industrie et de métiers, que tous les participants à l'exception du syndicat du commerce moderne de la maison s'étaient déclarés favorables à la fermeture dominicale, que le prévenu auquel incombait la preuve de l'illégalité qu'il invoquait ne versait aux débats aucun élément précis de nature à justifier ses prétentions, et notamment ne prouvait pas que la consultation des commerçants non syndiqués au demeurant non prévue par la loi aurait conduit à une décision différente ;
"alors d'une part, qu'il ne résulte pas de ces constations que les représentants de ces organisations aient exprimé la volonté de la majorité des professionnels du département ;
"alors, d'autre part, que la Cour ne pouvait sans contradiction tout à la fois considérer que la consultation des nonsyndiqués n'était pas obligatoire et reprocher au prévenu de ne pas prouver les résultats qu'auraient eue cette consultation ;
"alors, en outre, qu'il appartenait à la partie poursuivante de prouver que l'arrêt réglementaire dérogatoire sur lequel la poursuite reposait remplissait toutes les conditions légales et notamment celle concernant la volonté de la majorité des professionnels ;
"alors, de plus, que la Cour n'a pas répondu aux conclusions tirées de ce que des organisations autres que de magasins de meubles avaient participé à la réunion du 11 juin 1986 et que en outre l'arrêté avait opéré illégalement une discrimination en faveur des antiquaires ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 384 d du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décison ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'il appartient aux juridictions répréssives, notamment lorsqu'elles en sont requises, de vérifier la légalité des actes administratifs assortis de sanctions pénales qu'il leur est demandé de prononcer ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur la culpabilité qu'Eric X..., gérant de la société ViolayMeubles, a été poursuivi pour avoir le 11 septembre 1988 contrevenu aux dispositions d'un arrêté du 6 octobre 1986 du préfet de la Loire prescrivant la fermeture le dimanche des établissements de vente de meubles et articles d'ameublement ; qu'il a été déclaré coupable ;
Attendu que, pour rejeter l'argumentation du prévenu qui contestait la légalité de l'arrêté préfectoral en prétendant qu'il entérinait un accord intersyndical sans qu'il fût établi que ce dernier exprimât la volonté de la majorité de tous les professionnels concernés, syndiqués ou non, la juridiction du second degré énonce "que le préfet de la Loire s'est fondé sur l'opinion majoritaire... exprimée dans une séance de travail du 11 juin 1986 à laquelle participaient les représentants de trois organisations syndicales d'employés, les représentants de dix organisations syndicales du commerce de meubles et les représentants des chambres de commerce et d'industrie et des chambres des métiers... et que tous les participants, à l'exception du syndicat du commerce moderne de la maison se sont déclarés favorables à la fermeture dominicale" ; qu'elle observe en outre "que le prévenu auquel incombe la preuve de l'illégalité qu'il invoque, ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier ses prétentions" et "ne prouve pas que la consultation des commerçants non syndiqués... aurait conduit à une solution différente" ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui incombait de rechercher si l'accord intervenu exprimait l'opinion de la majorité de tous les membres de la profession, syndiqués et nonsyndiqués, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, d
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé rendu le 24 novembre 1989, par la cour d'appel de LYON, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi ;
RENVOIE le cause et les parties devant la cour d'appel de Riom, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de LYON, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Dumont conseiller rapporteur, MM. Berthiau, Zambeaux, Dardel, Fontaine, Milleville, Alphand, Culié, Guerder conseillers de la chambre, Mme Guirimand conseiller référendaire, M. Galand avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le
rapporteur et le greffier de chambre ;