LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Compagnie Immobilière d'Aménagement, dont le siège social est actuellement à Trouy (Cher), allée Sainte Hélène,
en cassation d'un arrêt rendu le 30 mai 1988 par la cour d'appel de Bourges (1re chambre), au profit :
1°/ de la société Nouvelle Auchère, dont le siège social est à Saint-Germain-du-Puy (Cher), zone industrielle, route de la Charité,
2°/ de la société à responsabilité limitée Sottel, dont le siège social est à Bourges (Cher), ...,
3°/ de M. X..., pris en sa qualité de syndic de la société à responsabilité limitée Sottel, domicilié à Bourges (Cher), ...,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 27 juin 1990, où étaient présents :
M. Defontaine, président, M. Leclercq, rapporteur, MM. Y..., Le Tallec, Peyrat, Bodevin, Plantard, Mme Z..., MM. Vigneron, Dumas, conseillers, Mme Geerssen, conseiller référendaire, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société à responsabilité limitée Compagnie Immobilière d'Aménagement, de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Nouvelle Auchère, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte à la Compagnie Immobilière d'Aménagement du désistement de son pourvoi, en ce qu'il était dirigé contre la société Sottel ; Sur le moyen relevé d'office, après avertissement adressé aux parties :
Vu l'article 1585 du Code civil ; Attendu, selon ce texte, que la livraison d'une marchandise vendue sans être individualisée en transfère la propriété à l'acheteur ; Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Compagnie Immobilière d'Aménagement (la société d'Aménagement) a payé à la société Sottel le montant d'un marché qu'elle lui avait confié, aux termes duquel, dans le cadre de la "viabilisation" d'un lotissement qui en était l'objet, l'adduction d'eau comportait la fourniture de compteurs qui devaient être livrés au service des eaux de la ville du lieu du lotissement, "seul habilité à les installer" sur les parcelles ; que la société Sottel a sous-traité à la société Nouvelle Auchère
(société Auchère) les travaux d'adduction et la fourniture corrélative ; que, la société Sottel ayant été mise en liquidation des biens, la société Auchère, qui n'avait pas reçu paiement de l'exécution du sous-traité, a, en accord avec le syndic de la procédure collective, repris possession des compteurs, qu'elle avait livrés aux services
municipaux ; qu'ayant dû, pour l'achèvement de la viabilisation, acheter à la société Auchère les appareils en cause, la société d'Aménagement l'a ensuite assignée pour obtenir le remboursement du prix versé en faisant valoir qu'en reprenant les compteurs livrés à la municipalité, la société Auchère avait méconnu son droit de propriété ; Attendu que, pour rejeter la demande de la société d'Aménagement, l'arrêt énonce que le marché qui liait celle-ci à la société Sottel était un contrat de louage d'ouvrage et non pas une vente, de telle sorte que la livraison des appareils litigieux à la municipalité ne lui en avait pas transféré la propriété, seule leur incorporation aux immeubles auxquels ils étaient destinés étant de nature à opérer pareille translation ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que la pose des compteurs sur les conduites d'adduction d'eau ne figurait pas parmi les obligations mises à la charge de la société Sottel par le marché litigieux, mais seulement leur fourniture aux services municipaux à qui revenait le soin de les installer, de sorte que, par leur livraison à ces services, la société Auchère en avait perdu la propriété au profit de sa co-contractante et de son ayant-cause, la société d'Aménagement, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qu'elles comportaient légalement ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatre branches du moyen unique du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mai 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ; Condamne les défendeurs, envers la société à responsabilité limitée Compagnie Immobilière d'Aménagement, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bourges, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du neuf octobre mil neuf cent quatre vingt dix.