LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean Y..., notaire, demeurant ... au Quesnoy (Nord),
en cassation d'un arrêt rendu le 29 février 1988 par la cour d'appel de Douai (1re chambre), au profit de :
1°/ L'Union de crédit pour le bâtiment (UCB),
2°/ La Compagnie française d'épargne et de crédit (CFEC),
dont les sièges sociaux respectifs sont ... (16e),
défenderesses à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 juin 1990, où étaient présents :
M. Jouhaud, président, M. Viennois, rapporteur, M. Kuhnmunch, conseiller, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Viennois, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard, avocat de l'Union de crédit pour le bâtiment et de la Compagnie française d'épargne et de crédit (UCB-CFEC), les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte signé en l'étude de M. Y..., notaire, le 24 septembre 1979, l'Union de crédit pour le bâtiment et la Compagnie française d'épargne et de crédit (UCB-CFEC) ont consenti à M. X... un prêt hypothécaire de 250 000 francs ; qu'il était précisé à l'acte que l'immeuble n'était affecté que de deux inscriptions ; que, le 23 octobre 1979, le notaire a procédé à l'inscription d'hypothèque et a requis les renseignements sur formalités ; que, le 28 novembre 1979, l'état hypothécaire délivré à l'officier public a révélé, outre les deux inscriptions énoncées à l'acte, cinq autres inscriptions s'échelonnant du 3 avril 1978 au 18 mai 1979 ; qu'à la suite de la défaillance de l'emprunteur, il a été procédé à la vente sur saisie de l'immeuble, mais qu'aucune somme n'a pu être allouée à l'UCB-CFEC en raison de son rang hypothécaire ; que l'UCB-CFEC a assigné l'officier public en responsabilité professionnelle ; Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt attaqué (Douai, 29 février 1988) de l'avoir condamné à payer la somme de
583 579 francs à l'UCB-CFEC à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en décidant que, quelle que soit la compétence de l'UCB-CFEC, l'officier public avait commis une faute pour n'avoir pas requis un état hypothécaire hors formalités en vue d'avertir l'organisme prêteur de ce
qui pouvait menacer le droit qu'il entendait constituer, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que le notaire, qui authentifie un acte de prêt hypothécaire dont il n'a pas été le négociateur, n'est pas tenu d'attirer l'attention des prêteurs sur l'insuffisance du gage dont il n'avait pas connaissance ; qu'après avoir relevé que l'article 9 de l'acte litigieux, relatif aux renseignements fournis par l'emprunteur, précisait que l'immeuble apporté en gage était libre de toute hypothèque conventionnelle, la cour d'appel ne pouvait retenir une faute à la charge de M. Y..., et alors, enfin, qu'à supposer même que la responsabilité de M. Y... fut établie, l'UCB-CFEC, en renonçant à différer le versement des fonds, ainsi qu'il était stipulé à l'article 3 du cahier des charges qui subordonnait la réalisation du crédit fixé par l'acte notarié à la régularisation des garanties convenues audit acte, a commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage ; Mais attendu qu'il appartient aux notaires d'assurer l'efficacité juridique des actes qu'ils sont chargés de dresser ; que la cour d'appel, qui n'a pas relevé que l'article 9 de l'acte litigieux précisait que l'immeuble était libre de toute hypothèque conventionnelle mais indiquait que deux inscriptions avaient déjà été prises, énonce qu'il appartenait à M. Y... de requérir, avant la régularisation de son acte, un état hypothécaire hors formalités en vue d'avertir les organismes de crédit des risques éventuels qu'ils couraient ; qu'elle énonce également que l'officier public n'a accompli cette formalité que le 23 octobre 1979, date à laquelle il a également procédé à l'inscription de l'hypothèque prise sur l'immeuble de M. X..., et que l'état délivré a révélé que les cinq autres inscriptions, primant celle de l'UCB-CFEC, étaient largement antérieures à la date de l'acte litigieux ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que l'officier public, qui n'était pas le simple authentificateur de l'acte, avait commis une faute qui était seule en relation causale directe avec le préjudice subi par l'UCB-CFEC ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;