Joint les pourvois n° 88-18.095 et n° 88-19.188 ;.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 juillet 1988), que la Société d'études de participations et d'investissements (SEPI) a vendu, le 28 janvier 1983, à M. X... sept chambres de service, et à M. Y... trois autres chambres de service, toutes situées au sixième étage d'un immeuble où, venant aux droits de leur père, M. Bernard Z... et Mme Jeanine Z... sont locataires, à l'entresol, d'un appartement avec la disposition de deux chambres de service (lots n°s 21 et 23) comprises dans la vente consentie à M. X... ; que, se prévalant de l'absence de notification de cette vente dans les formes prévues par la loi du 31 décembre 1975, modifiée par celle du 22 juin 1982, et malgré une mise en demeure adressée à la SEPI et à M. A..., notaire rédacteur de l'acte de vente, M. Bernard Z... et sa femme, ainsi que Mme Jeanine Z..., ont assigné la société venderesse, le notaire et M. X... pour faire prononcer la nullité de la vente ou son inopposabilité aux locataires et ordonner les notifications s'appliquant à la vente des chambres n°s 21 et 23 ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 88-19.188 : (sans intérêt) ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 88-18.095 et le deuxième moyen du pourvoi n° 88-19.188, réunis :
Attendu que M. X... et la SEPI font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de la vente consentie par la seconde au premier et portant sur les lots n°s 21 et 23 de l'immeuble, alors, selon le moyen, " 1°/ que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, qui, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juin 1982, vise les locaux à usage d'habitation, ne confère au locataire aucun droit de préemption sur des locaux qui constituent l'accessoire du logement principal ; qu'en décidant le contraire, et en reconnaissant aux consorts Z... un droit de préemption sur les chambres de service dépendant de leur appartement, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, dans sa rédaction résultant de la loi du 22 juin 1982 ; 2°/ que si l'article 2 de la loi du 22 juin 1982, déterminant le champ d'application de cette loi, vise à la fois les locaux à usage d'habitation et autres locaux loués accessoirement, l'article 81 de cette loi, déterminant, à l'exclusion de l'article 2, les conditions du droit de préemption prévu à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, ne vise que les locaux à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel sans se référer aux locaux accessoires ; qu'en admettant ainsi que les consorts Z... puissent exercer leur droit de préemption sur des locaux accessoires, la cour d'appel a violé les articles 2 et 81 de la loi du 22 juin 1982 par fausse interprétation et l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 par fausse application ; 3°/ que l'exercice du droit de préemption, résultant de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, est subordonné, en vertu de l'article 108 du décret du 30 juin 1977, à la condition d'une occupation effective ; qu'en décidant que les chambres de service, objet de la vente, dont la cour d'appel a relevé que l'une servait de débarras et que l'autre était louée à un étudiant, répondaient à une telle condition d'occupation effective, la cour d'appel a violé l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 et l'article 1er du décret du 30 juin 1977 ;
4°/ que l'exercice du droit de préemption supposant une occupation effective des lieux par l'occupant de bonne foi, la cour d'appel ne pouvait se fonder sur l'existence d'une sous-location pour déclarer remplies les conditions du droit de préemption, sans violer les articles 10 de la loi du 31 décembre 1975 et 1er du décret n° 77-742 du 30 juin 1977 ; et 5°/ que la cour d'appel ne pouvait, tout à la fois, constater que les consorts Z... pourraient dans l'avenir avoir besoin d'utiliser les chambres de service et déclarer qu'ils occupaient effectivement ces locaux, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs et méconnaître par là même les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile " ;
Mais attendu, d'une part, que les dispositions de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975 concernant, depuis la loi du 22 juin 1982, les locaux à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel et obligeant le bailleur à la notification de la vente projetée pour les locaux occupés par le bénéficiaire du droit de préemption, l'arrêt en a fait une exacte application aux chambres de service dépendant des appartements donnés en location ;
Attendu, d'autre part, qu'en retenant que l'une des deux chambres avait été utilisée comme débarras pour un appartement privé de grenier et que la sous-location de l'autre chambre était intervenue après avis donné au bailleur, qui ne s'y était pas opposé, la cour d'appel a, souverainement et sans contradiction, apprécié le caractère effectif de l'occupation de ces chambres ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 88-18.095 :
Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de M. X... tendant à l'annulation de la vente portant sur les lots n°s 20, 22, 25 et 27 de l'immeuble, alors, selon le moyen, " 1°/ que si l'acquéreur n'est évincé que d'une partie de la chose, et qu'elle soit de telle conséquence, relativement au tout, que l'acquéreur n'eût point acheté sans la partie dont il a été évincé, il peut faire résoudre la vente ; qu'en rejetant la demande de M. X..., qui tendait pour cette raison à la résolution de la vente, aux seuls motifs que les deux chambres de service dont M. X... se trouvait évincé ne formaient pas, avec les autres chambres objet de la vente, un ensemble indivisible et que ce dernier n'avait pas stipulé qu'il faisait de la possibilité d'une telle réunion une condition de son acquisition et en énonçant qu'il importait peu que M. X... déclare qu'il avait l'intention de réunir en un seul appartement les différentes chambres, objet de la vente, la cour d'appel a violé l'article 1636 du Code civil ; 2°/ que, pour statuer sur la demande de résolution de la totalité de la vente consentie à M. X..., il appartenait à la cour d'appel de rechercher si, sous les lots n°s 21 et 23, correspondant aux deux chambres de service dont il se trouvait évincé, M. X..., qui avait l'intention de les réunir en un seul appartement, avait fait l'acquisition des lots n°s 20, 22, 25, 27 et 28, correspondant aux autres chambres de service situées au même étage ; qu'en refusant de procéder à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1636 du Code civil ; et 3°/ qu'aux termes de l'acte de vente du 28 janvier 1983, il était
précisé qu'une procédure, à la charge du vendeur, était en cours en ce qui concerne les lots n°s 21 et 23, procédure qui tendait à leur libération ; qu'en décidant que les chambres de service correspondant aux lots n°s 21 et 23, ne formaient pas avec les autres chambres de service achetées par M. X..., correspondant aux lots n°s 20, 22, 25, 27 et 28, un ensemble indivisible et que celui-ci n'avait pas fait du succès de la procédure en cours une condition de son acquisition, sans s'expliquer sur la stipulation du bail qu'elle a elle-même relevée, la cour d'appel, une fois encore, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1636 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir souverainement relevé que M. X... avait acheté des chambres séparées, ne formant pas entre elles un tout indivisible, et qu'il ne faisait pas du succès de la procédure en cours pour les lots n°s 21 et 23 une condition de leur acquisition, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, limitant aux deux lots, objet de la location aux consorts Z..., la portée de la nullité qu'elle a prononcée ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° 88-18.095 : (sans intérêt) ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° 88-19.188 :
Vu l'article 1147 du Code civil ;
Attendu que, tout en retenant que la SEPI et M. A... étaient tenus de réparer, in solidum, les conséquences de leur faute commune, l'arrêt rejette la demande en garantie dirigée par la première contre le second ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de déterminer, dans leurs rapports entre eux, la part de chacun de ces coauteurs dans la réalisation du dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la SEPI de sa demande en garantie contre M. A..., l'arrêt rendu le 13 juillet 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen