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06/06/1990 | FRANCE | N°89-10629

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 juin 1990, 89-10629


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société générale, société anonyme dont le siège est ... (9e),

en cassation d'un arrêt rendu le 28 juin 1988 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre), au profit de :

1°/ La société Samex, société anonyme dont le siège est ... (7e) (Bouches-du-Rhône),

2°/ Me X..., pris ès qualités de syndic au règlement judiciaire de la société Samex, demeurant ... (6e),

3°/ La Banque nationale de Paris (BNP), dont le sièg

e est ... (9e),

4°/ Le Crédit lyonnais, société anonyme dont le siège est ... (2e),

5°/ Le Crédit du...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société générale, société anonyme dont le siège est ... (9e),

en cassation d'un arrêt rendu le 28 juin 1988 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8e chambre), au profit de :

1°/ La société Samex, société anonyme dont le siège est ... (7e) (Bouches-du-Rhône),

2°/ Me X..., pris ès qualités de syndic au règlement judiciaire de la société Samex, demeurant ... (6e),

3°/ La Banque nationale de Paris (BNP), dont le siège est ... (9e),

4°/ Le Crédit lyonnais, société anonyme dont le siège est ... (2e),

5°/ Le Crédit du Nord, dont le siège est ... (Nord),

6°/ M. Jacques Z..., demeurant ... (6e) (Bouches-du-Rhône),

défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 2 mai 1990, où étaient présents :

M. Defontaine, président, M. Peyrat, rapporteur, MM. Y..., Le Tallec, Bodevin, Plantard, Mme Loreau, conseillers, Mlle Dupieux, conseiller référendaire, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Peyrat, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la Société générale, de Me Choucroy, avocat de la société Samex, de M. X..., ès qualités, et de M. Z..., de Me Vincent, avocat de la Banque nationale de Paris, de la SCP Vier et Barthélemy, avocat du Crédit lyonnais, de Me Spinosi, avocat du Crédit du Nord, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 juin 1988), que plusieurs banques, parmi lesquelles la Société générale, apportaient leur concours à la société Samex, dont le président était M. Z..., sous forme d'avance en compte courant, ligne d'escompte et mobilisation de créances nées sur l'étranger ; qu'après la mise en règlement judiciaire de la société Samex, celle-ci, assistée de son syndic, et M. Z... ont assigné les banques en paiement de dommages-intérêts, en alléguant qu'elles avaient mis fin à leurs concours de manière fautive ; Attendu que la Société générale fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser au syndic, ès qualités, et à M. Z... des

sommes déterminées, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ayant constaté qu'au moment du désengagement reproché à la Société générale à compter de décembre 1979, sans être immédiatement compromise, la situation de la société Samex était "très obérée" et qu'il résultait des éléments du dossier, et notamment du rapport de l'expert judiciaire Colin, qu'à cette date (fin 1979) :

"A moins de nouveaux apports des actionnaires, la société n'est plus en mesure de financer son activité -en effet tout nouvel emprunt générera des frais financiers que cette affaire n'est plus en mesure de supporter", et l'expert judiciaire ayant encore relevé que, dès le mois de juin 1979, la Société générale avait découvert l'impossibilité où se trouvait la société Samex de faire face à ses engagements, manque de base légale au regard des articles 1146 et suivants du Code civil l'arrêt qui, pour condamner la banque à verser la somme de 600 000 francs à Me X... pour la société Samex, déclare fautif le désengagement reproché à la Société générale, sans même rechercher si les actionnaires de la société Samex étaient prêts à lui faire de nouveaux apports ; que, pour la même raison, l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil en ce qu'il a condamné la Société générale à verser la somme de 200 000 francs à M. Z... ; alors, d'autre part, que manque de base légale au regard des articles 1146 et suivants du Code civil l'arrêt qui, pour condamner la banque à verser la somme de 600 000 francs à Me X... pour la société Samex, considère qu'il n'est pas concevable que la société Samex ait remboursé, en qualité de caution de sa filiale allemande Samex-GmbH, une dette non exigible, sans aucune mise en demeure préalable et sans l'assurance donnée de la pratique d'un financement direct, faute d'avoir pris en considération la constatation de l'expert judiciaire Colin, qu'en remboursant cette dette, M. Z..., président-directeur général de la société Samex, avait pu se dégager de son propre engagement de caution et avait "ainsi joué son intérêt propre au détriment de la société Samex" ; que, pour la même raison, l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, en ce qu'il a condamné la Société générale à verser la somme de 200 000 francs à M. Z... ; alors, en outre, que viole les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt qui admet qu'en contrepartie du remboursement par la société Samex de la dette de sa filiale allemande auprès de la Sogenal, filiale de la Société générale, celle-ci se serait engagée à accorder des facilités supplémentaires à la société Samex, sans s'expliquer sur le moyen des conclusions d'appel de la Société générale faisant valoir que les billets à ordre au moyen desquels la société Samex avait remboursé la dette de sa filiale allemande avaient été signés au cours de l'été 1979, soit à une époque où la banque demandait (en vain) à la société Samex de l'informer sur sa situation et que l'on voyait mal comment ladite banque se serait engagée à augmenter ses concours dans l'ignorance de la situation de sa cliente et des filiales de celle-ci ; alors, de plus, que manque encore de base légale au regard des

articles 1146 et suivants du Code civil, l'arrêt qui, pour condamner la banque à verser la somme de 600 000 francs à Me X... pour la société Samex, considère qu'à la fin de l'année 1979, la Société générale aurait dû augmenter ses concours au profit de la société Samex, tout en constatant qu'il résultait du dossier qu'à cette époque la situation de cette société était telle que "tout nouvel emprunt aurait généré des frais financiers que l'affaire n'était plus en mesure de supporter" ; que, pour la même raison, l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, en ce qu'il a condamné la Société générale à verser la somme de 200 000 francs à M. Z... ; et alors, enfin, que manque aussi de base légale au regard des articles 1146 et suivants du Code civil l'arrêt qui impute à faute à la Société générale le fait d'avoir rompu ses concours avec la société Samex en lui donnant, le 21 décembre 1979, un délai de quinze jours pour la rembourser et en réduisant très fortement sa ligne d'escompte sans motif justifié sur la qualité et le crédit des tiers, sans s'expliquer sur les moyens des conclusions d'appel de cette banque faisant valoir que son courrier du 21 décembre 1979 n'avait fait que prendre acte du désir manifesté oralement par le président-directeur général de la société Samex de rompre toutes relations avec la Société générale, que la société Samex n'avait pas répondu à ce courrier ni n'avait protesté, que ledit courrier était demeuré sans effet et avait fait l'objet de nombreux rappels les 16 janvier 1980, 21 janvier 1980, 18 avril 1980, 29 mai 1980, 17 juin 1980, aucun de ses avertissements successifs n'ayant suscité de réponse ni de protestations ; que l'analyse des engagements bancaires permettait de constater que le montant du découvert

s'était maintenu du deuxième semestre 1979 au premier semestre 1980, que la diminution du volume des créances nées et de l'escompte provenait de la baisse du chiffre d'affaires de la société Samex et des offres faites par celle-ci aux autres banquiers ; que, faute de remboursements de la société Samex, la Société générale avait produit, en suite du jugement du 24 septembre 1980 prononçant le règlement judiciaire de la société Samex, pour les sommes de 326 183 francs à titre chirographaire et 1 554 700 francs à titre privilégié, et que de toutes façons, l'expert judiciaire Colin avait souligné :

"que même si la société Générale avait laissé un délai de deux mois à la société Samex pour rembourser ses crédits, il est peu probable que cette dernière ait trouvé un partenaire, compte tenu de l'état dans lequel elle se trouvait" ; que, pour la même raison, l'arrêt manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil en ce qu'il a condamné la Société générale à verser la somme de 200 000 francs à M. Z... ; et qu'ainsi, faute de s'être expliquée sur ces moyens des conclusions d'appel de la Société générale, l'arrêt a encore violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des

conclusions d'appel de la Société générale que celle-ci ait soutenu le moyen tiré des intentions prêtées à M. Z... ; Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a relevé que la Société générale avait, par l'intermédiaire de sa filiale Sogenal, permis l'ouverture d'un crédit d'un montant déterminé, en faveur de la société Samex-GmbH, filiale allemande de la société Samex, dont le remboursement était garanti par la société Samex, elle-même contregarantie par la Société générale, que, dès que la Société générale avait connu l'engagement pris par la société Samex de rembourser le découvert de la société Samex-GmbH, elle avait rompu ses concours avec sa cliente en lui donnant, le 21 décembre 1979, un délai de quinze jours pour la rembourser et en réduisant très fortement la ligne d'escompte sans motif justifié par la qualité et le crédit des tirés ; qu'elle a retenu, en outre, que le remboursement par la société Samex du découvert de la société Samex-GmbH, sans mise en demeure préalable et quand cette dette n'était pas exigible, ne pouvait

être intervenu que sur la promesse de la Société générale qu'elle financerait dorénavant directement les activités de cet établissement étranger en accordant des facilités supplémentaires à la société Samex ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel, qui n'a pas énoncé que la Société générale aurait dû, à la fin de l'année 1979, augmenter les concours qu'elle accordait à la société Samex, et qui n'était pas tenue de faire la recherche prétendument omise dès lors que celle-ci n'avait pas été demandée, a pu, répondant en les écartant aux conclusions invoquées, retenir une faute à la charge de la Société générale ; D'où il suit que le moyen qui, pour partie manque en fait et qui, pris en sa deuxième branche, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ; Sur le deuxième moyen, pris en ses diverses branches :

Attendu que la Société générale reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser au syndic, ès qualités, une somme déterminée pour la société Samex, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, ayant considéré que le désengagement de la Banque nationale de Paris avait commencé au plus tard en novembre 1979 (cette banque ayant demandé à la société Samex, par lettre du 16 novembre 1979, de ramener le solde débiteur de son compte, s'élevant alors à 786 074 francs, à un débit maximum de 300 000 francs avant le 30 de ce même mois) et constaté que le Crédit lyonnais n'avait pas procédé à un désengagement ("l'examen comparatif des concours apportés par cette banque à la société Samex ne révèle pas de diminution significative de leurs montants au cours des années 1979 et 1980, le montant des découverts et des escomptes a, dans l'ensemble, augmenté pendant la période considérée"), non plus que le Crédit du Nord ("l'évolution des concours apportés par cet établissement à la société Samex... ne révèle pas un désengagement de caractère notable"), manque de base légale au regard des articles 1146 et suivants du Code civil, l'arrêt, qui retient qu'en donnant à la société Samex, par courrier du 21 décembre 1979, un délai de quinze jours pour rembourser son

découvert, la Société générale avait éveillé la méfiance des autres

banques et précipité les décisions de désengagement prises ensuite par ces dernières ; qu'en raison de cette contradiction dans son raisonnement, l'arrêt a aussi violé les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que, ayant constaté que malgré le caractère obéré de la situation de la société Samex fin 1979 au moment des désengagements reprochés à la Banque nationale de Paris et à la Société générale, en juin 1980, "sans l'emportement de M. Z... (président-directeur général de la société Samex), il était encore possible d'entrevoir d'ultimes solutions de sauvetage", manque de base légale au regard des articles 1146 et suivants du Code civil l'arrêt qui impute à la Banque nationale de Paris et à la Société générale, et non au président de la société Samex, la perte d'une chance de redressement en juin 1980 ; Mais attendu, en premier lieu, que le grief de contradiction n'est recevable que si la contradiction invoquée existe entre des motifs de fait ; que, dès lors, la contradiction dans le raisonnement alléguée ne constitue pas un cas d'ouverture à cassation ; Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a retenu que le comportement de la Société générale et celui de la Banque nationale de Paris n'avaient contribué que pour une faible part au "dépôt de bilan" de la société Samex ; qu'elle a ainsi pu leur imputer la perte d'une chance de redressement de cette entreprise, tout en portant une appréciation défavorable sur l'attitude de son dirigeant,

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ; Sur le troisième moyen pris en ses deux branches :

:

Attendu que la société Générale reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une somme déterminée à M. Z..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que, à supposer que le désengagement reproché à la société Générale ait fait perdre à la société Samex une chance minime de redressement, en considérant que M. Z... (président directeur général de la société Samex) a bien subi un préjudice personnel et direct du fait de la brusque cessation des

activités de la société Samex qui a amoindri son patrimoine immobilier et les revenus de ce dernier, qui lui a fait perdre en fait le montant de ses comptes courants et le bénéfice de son salaire et qui lui a enfin occasionné un préjudice moral en affectant sa réputation commerciale, l'arrêt n'a pas légalement caractérisé, au regard de l'article 1382 du Code civil, l'existence d'un lien de cause à effet direct entre la faute imputée à la société Générale à l'endroit de la société Samex et les préjudices personnels allégués par le président directeur général de celle-ci ; et alors, d'autre part, que subsidiairement, manque encore de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, l'arrêt qui retient que M. Z... a subi un préjudice du fait des désengagements des

banques envers la société Samex, sans prendre en considération le fait, que l'expert judiciaire Colin avait constaté, qu'au profit des quatre banques M. Z... avait accepté des remboursements à l'effet de réduire ses propres engagements en qualité de caution et qu'il avait fait jouer son intérêt propre au détriment de la société Samex ; Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que la faute de la Société générale avait concouru à la cessation d'activité de la société Samex, la cour d'appel a pu ordonner la réparation, dès lors qu'ils découlaient nécessairement de cette circonstance, des préjudices invoqués par M. Z... et dont elle a constaté l'existence ; Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions d'appel de la Société générale que celle-ci ait soutenu l'argumentation qu'elle développe maintenant ; D'où il suit que le moyen qui, pris en sa seconde branche, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 89-10629
Date de la décision : 06/06/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Révocation - Motifs - Constatations suffisantes - Perte d'une chance de redressement de la situation financière du client.

CASSATION - Moyen - Motifs de la décision attaquée - Contradiction entre les motifs - Contradiction dans le redressement (non).


Références :

(1)
(2)
Code civil 1147 et 1382
nouveau Code de procédure civile 455

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 juin 1988


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 jui. 1990, pourvoi n°89-10629


Composition du Tribunal
Président : Président : M. DEFONTAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1990:89.10629
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