LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Alexandre X..., demeurant à Paris (16ème), ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 22 janvier 1988 par la cour d'appel d'Amiens, au profit :
1°) de M. Georges Y..., demeurant à Beauvais (Oise), ...,
2°) de M. Guy Z...,
3°) de Mme B...,
demeurant tous deux à Beauvais (Oise), ...,
défendeurs à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 mai 1990, où étaient présents :
M. Defontaine, président, Mlle Dupieux, conseiller référendaire rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mlle le conseiller référendaire Dupieux, les observations de Me Choucroy, avocat de M. X..., de Me Delvolvé, avocat de M. Y... et des époux A..., les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 22 janvier 1988), que M. Y... a consenti à M. X... une promesse de vente sous seing privé portant sur le droit au bail d'un local commercial, le prix devant être payé le jour de la réalisation de l'acte authentique ; qu'entré en possession des lieux, M. X... s'y est maintenu, sans signer l'acte de cession et sans payer le prix, jusqu'à ce que son expulsion soit ordonnée ; que M. Y... ayant vendu ce droit au bail aux époux A..., M. X... a fait opposition au paiement du prix et a assigné vendeur et acquéreurs afin que soit validée la surenchère du sixième du prix qu'il avait formée, puis a assigné M. Y... en paiement d'une somme correspondant au coût d'aménagements qu'il aurait fait exécuter dans le local durant son occupation ; que les juges du fond l'ont débouté de ses demandes ; Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déclaré irrecevable dans sa surenchère alors que, selon le pourvoi, d'une part, comme l'avait montré M. X..., l'application par les parties à la prétendue cession de bail des règles propres à la vente du fonds
de commerce faisait présumer que cette cession constituait une véritable vente de fonds de commerce ; que M. X... avait ajouté que cette présomption était confortée par l'importance du prix pratiqué, qui était celui de la vente d'un fonds et non d'une simple cession de bail, et du fort pouvoir d'achalandage des
lieux qui équivalait à cession de clientèle ; qu'en n'opposant aucune réfutation à ces éléments, et en particulier à la présomption s'attachant à l'application par les parties des règles de publicité prévues en matière de vente de fonds de commerce, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse aux conclusions, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, d'autre part, en énonçant que M. X... n'aurait pas eu la qualité de créancier, aux motifs qu'il avait sollicité une condamnation au paiement des sommes dont il se prétendait créancier, alors qu'il appartenait précisément aux juges du fond de conférer un caractère certain à la créance invoquée, ce qui remplissait les conditions de recevabilité de la surenchère du sixième, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard de l'article 5 de la loi du 17 mars 1909 ; Mais attendu que l'arrêt retient que M. Y..., qui n'était que titulaire d'un bail sur un local commercial, avait transféré son fonds de commerce, qu'il avait prévu dans la cession, non régularisée de son bail à M. X... que ce dernier ne pourrait exercer la même activité que lui et que, dans la cession du bail aux époux A..., la clientèle était restée en dehors de la cession, de telle sorte qu'aucun élément de fait ne venait contredire les termes de l'acte authentique de vente du bail litigieux ; qu'ainsi, répondant aux conclusions invoquées en les écartant et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ; Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement de la somme de 198 372,47 francs alors que, selon le pourvoi, d'une part, en énonçant qu'il n'aurait pas été établi que les travaux d'aménagement avaient été effectués pour le compte de M. X..., tandis que celui-ci avait produit un constat et des factures prouvant les travaux faits dans le fonds, et que ces
travaux, facturés au nom de la société en formation devant prendre la gérance du fonds, devaient être considérés comme appartenant au titulaire de la promesse de cession de bail, la cour d'appel a méconnu le sens clair et précis des factures et constat produits, violant l'article 1134 du Code civil, ainsi que le droit de propriété du propriétaire du fonds sur les éléments de ce fonds et, en particulier, sur les aménagements réalisés dans le fonds, violant les articles 544 et 555 du Code civil ; et alors que, d'autre part, en jugeant que la cause de l'appropriation par le titulaire du droit au bail des aménagements faits par le titulaire de la promesse de cession de bail aurait pu se
trouver dans l'exercice par celui-ci de ses prérogatives, sans rechercher si l'accord donné par le cédant à l'entrée dans les lieux du cessionnaire, après versement de la moitié du prix de cession, ne privait pas de cause l'appropriation de travaux faits par autrui avec autorisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des principes gouvernant l'enrichissement sans cause ; Mais attendu, d'une part, que sous couvert de griefs non fondés de violation des articles 1134, 544 et 555 du Code civil, la première branche ne tend qu'à remettre en discussion des faits qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond ; Attendu, d'autre part, que, tant par motifs propres qu'adoptés, l'arrêt fait ressortir que l'inexécution de la cession de bail était imputable à M. X... qui avait manqué à son obligation de payer le prix et retient qu'à supposer que M. X... ait fait les travaux dont il demandait le remboursement, il les avait faits à ses risques et périls en tant qu'occupant sans droit ni titre puisqu'ayant été expulsé par une décision confirmée en appel ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision du chef critiqué ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;